Homélie 29 avril 2019 – dimanche de la Miséricorde
Recevoir la paix de Dieu, pour porter la paix au monde – Recevoir la Miséricorde, pour porter la miséricorde
Par l’abbé
Gaël de Breuvand
C’est la transcription d’une prédication
orale, les titres sont ajoutés après retranscription
I – la Paix un don de Dieu
« Heureux les artisans de paix, ils seront appelés fils de Dieu. »
Et aujourd’hui, nous entendons parler de cette paix. « La paix soit avec vous. » C’est une parole que l’on entend à chaque messe : « Que la paix du Seigneur soit toujours avec vous. » C’est aussi une parole que l’on entend lorsque l’évêque vient : au lieu de dire « Le Seigneur soit avec vous », au début de la messe, il dit « La paix soit avec vous », comme Jésus. C’est une prière que l’on dit beaucoup, tout au long de la messe. Par exemple, dans la prière eucharistique, « Assure toi-même la paix de notre vie. ». Ou bien dans l’embolisme, [embolisme : développement intercalé par l’officiant entre la dernière demande du Notre Père « délivre-nous du Mal » et la doxologie «car c’est à Toi qu’appartiennent le règne, la puissance, et la gloire »], juste après le Notre Père, « Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps. » Donne la paix.
Oui, c’est ce que nous voulons, et Jésus répond : « Je vous laisse la paix, Je vous donne Ma paix. » Oui, la paix vient de Dieu. Elle vient de Dieu. On peut se poser la question : « Qu’est-ce que la paix ? » La paix, c’est d’abord une conséquence de l’ordre. Quand chaque chose est à sa place, alors oui, nous recevons – et nous avons – la paix. Et quand les choses sont en désordre, quand elles ne sont pas à leur place, eh bien, nous avons l’inverse, le contraire de la paix. Alors, il nous faut réfléchir encore. Du coup, qu’est ce qui met les choses dans l’ordre ? Eh bien, pour être dans l’ordre, il nous faut être tout entiers à l‘écoute de la Parole de Dieu. Il nous faut ajuster notre volonté, nos actes, nos pensées, à Sa volonté, au projet de Dieu pour nous, à son dessein. Et vous savez quel est le projet de Dieu pour nous ? C’est que nous soyons comme Lui. Lui, Dieu est Amour, Il nous donne cet amour et nous invite à être de même, tout entiers, amour. Et si on demande la paix, c’est parce qu’on ne l’a pas. Trop souvent, comme l’actualité récente le montre, la paix n’est pas gagnée. Peut-être que l’actualité dans nos familles, dans notre voisinage, nous montre également que la paix n’est pas gagnée. C’est quelque chose qui est même difficile à mettre en œuvre. Et si on essaie de le mettre en œuvre tout seul, on n’y arrivera pas ; et c’est pour cela que nous nous tournons vers Dieu pour Lui demander de l’aide. On se tourne vers Lui et on Lui demande « Donne-nous Ta paix ».
II – Le Christ, réponse à l’ennemi de la paix qu’est mon péché
Ce qui s’oppose ultimement à la paix, c’est le désordre, et le désordre ultime, c’est le péché. Le péché, c’est lorsque nous nous désajustons de la Volonté de Dieu. Devenir injuste, c’est en fait de ne plus être accordé au premier projet de Dieu. Le premier ennemi de la paix, c’est le péché. Et même plus : c’est mon péché, celui que je commets et qui provoque un désordre, là, maintenant, autour de moi. Parce que le péché, vous le savez, c’est contagieux. Alors il nous faut quelque chose : il nous faut l’aide de Dieu. Car le péché est attirant : on préfère s’occuper de nos affaires plutôt que celles des autres. On préfère s’occuper de notre bien-être, plutôt que du bien-être des autres, on préfère s’occuper de puissance, de richesse ou de confort, plutôt que de nous mettre au service de la joie, du bonheur les uns des autres. Alors, nous nous tournons vers le Christ, car c’est Lui qui nous le dit : « Je vous donne Ma paix. »
Qu’est-ce que le Christ ? Ça tombe bien, vous le savez, aujourd’hui est le dimanche de la Miséricorde. Notre pape Jean-Paul II l’a décrété au début du xxie siècle, mais dans les textes que nous avons entendus, cette Miséricorde était déjà exprimée. Qu’est-ce que c’est que la Miséricorde ? C’est l’amour de Dieu qui vient à notre rencontre, Dieu qui vient nous toucher. Dieu, si grand, qui vient se faire petit, pour que nous puissions entrer en relation avec Lui, dans une relation plénière, dans une relation d’amour. Lui est Miséricorde, et Il attend de moi mon amour. Miséricorde : c’est le Christ lui-même qui se donne.
III – « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie »
Et là, dans quelques instants, nous allons avoir une manifestation de cette Miséricorde. Dans quelques instants, je vais dire sur la tête de ce bébé une parole : « Agathe, je te baptise, au nom du Père, du Fils et Saint Esprit. » Et un geste : je vais mettre de l‘eau baptismale sur sa tête, et, à ce moment-là, Dieu, si grand, viendra habiter dans ce si petit bébé. Oui, par-là-même, par l’acte que je pose, je deviens un témoin, un messager, un transmetteur de cette Miséricorde. Alors, est-ce que c’est réservé à moi seul ? Cela pourrait être la question… Est-ce que seul le prêtre est chargé de témoigner, de manifester cette Miséricorde ? Jésus dit aux disciples, en soufflant sur eux, « Recevez l’Esprit-Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis, à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » En s’adressant aux onze disciples, Jésus s’adresse à toute l’Église. Cette Miséricorde, c’est nous tous, comme Peuple de Dieu, et comme Corps du Christ, qui sommes chargés, missionnés, pour la transmettre et en témoigner. « Comme le Père m’a envoyé – oui, le Christ est la Miséricorde du Père – Moi aussi, Je vous envoie » : nous, chrétiens, nous sommes tous appelés à être ‘miséricorde’ pour notre monde. Miséricorde : cela veut dire, aimer l’autre de tout son cœur, de toute son âme, de toute sa force. Et pourquoi est-ce que l’on devient capable de miséricorde ? Parce que Dieu nous aime, et nous fait miséricorde.
IV – Accueillir la Miséricorde
Je ne sais pas si vous connaissez la devise du Pape François : « Miserando atque eligendo ». C’est une devise en latin, qui est extrêmement difficile à comprendre. Elle vient d’un commentaire d’un Père de l’Église, sur l’appel de Matthieu. Jésus pointant son doigt sur Matthieu – ou sur Agathe, ou bien vous pouvez mettre votre prénom – le ‘miséricordiant’, le remplissant de sa Miséricorde, l’a choisi. Au baptême, c’est ce qui se passe. Jésus, regardant Agathe, la comblant de sa miséricorde, choisit Agathe pour qu’elle soit le témoin de Son amour, de Sa miséricorde, de Son pardon, de Sa vie. Au sein de notre communauté Église, évidemment, nous ne sommes pas tous appelés à faire les mêmes choses, et, de fait le Christ en a appelé certains pour être des témoins tout particuliers de Sa Miséricorde. Et je pense bien évidemment au prêtre, au prêtre qui prête sa voix au Christ. « Et moi je te pardonne tous tes péchés. » Oui, cette parole-là est efficace, parce que c’est la Parole du Christ. Ce n’est pas magique, ce n’est pas non plus un signe de puissance et de pouvoir. – Je peux vous assurer que bien souvent je préfèrerais ne pas avoir à entendre ce que vous avez à dire -. Mais c’est un service que le Christ m’a demandé de déployer, de vivre pour vous. Pour que vous aussi vous soyez des témoins de Sa miséricorde et de Son pardon. Que vous aussi vous puissiez prendre soin les uns des autres, que vous puissiez prendre soin de ceux qui sont en dehors et qui ne connaissent pas cette joie d’être pardonnés. « Recevez l’Esprit-Saint » : c’est le cadeau que Dieu veut nous faire, c’est le cadeau que le Christ nous fait, et ce cadeau, c’est Dieu lui-même. Dans quelques instants, Agathe va devenir le temple du Saint Esprit. Vous l’êtes tous par votre baptême, nous le sommes tous.
Et Jésus nous dit qu’il n’y a qu’un seul péché que Dieu ne peut pas pardonner : c’est le péché contre l’Esprit-Saint. Ce péché, c’est celui de l’orgueil, et il a deux facettes : c’est, premièrement, de croire que je n’ai pas besoin de pardon, car finalement je ne suis pas trop mal, alors qu’en réalité, même le bien que je fais c’est déjà une action de la miséricorde de Dieu ; et puis la deuxième facette, c’est que mon péché est tellement grand, je ne peux pas être pardonné. Croire que mon péché est plus grand que Dieu, c’est aussi un acte d’orgueil. Le péché que Dieu ne peut pas pardonner, c’est le péché que je ne veux pas lui montrer. Alors, laissons-nous éclairer par le soleil de Dieu, laissons-nous remplir de l’Esprit Saint.
Aujourd’hui ce petit enfant fait, par la voix de ses parents, parrain et marraine, un grand acte d’humilité. Il – Agathe – accueille, dans sa vie Dieu tout entier, l’Amour de Dieu, la Miséricorde. Alors, oui, les choses vont peu à peu se mettre en place. Vous le savez comme moi, on ne devient pas saint du jour au lendemain. Il reste encore pas mal de scories et de liens dont il nous faut nous séparer, c’est un travail qui nous persécutera quasiment tout au long de notre vie. Pour mettre les choses dans l’ordre, et pour être pleinement fils de Dieu et être artisan de paix, ou bien être artisan de paix et être fils de Dieu, cela revient au même.
Alors cette semaine, je peux vous proposer un petit exercice, parce que c’est cela, beaucoup d’exercices pour un peu de résultat, – c’est comme les maths – c’est de décider aujourd’hui, cette semaine, d’être un témoin de la Miséricorde de Dieu. Alors, on peut être un témoin de la Miséricorde de Dieu pour quelqu’un qui vit très loin et qu’on ne voit jamais, ça, ça n’est pas compliqué ; moi j’arrive à être très généreux avec les gens qui sont très loin ! Mais je peux être témoin de la Miséricorde de Dieu, porteur de sa Miséricorde, pour celui qui est là, près de moi : mon papa, ma maman, mon enfant, mon mari, ma femme, mon cousin, mon voisin – des gens insupportables vous en connaissez plein ! – Car c’est cela être chrétien, c’est rayonner de l’Amour de Dieu, c’est être comme le Christ : être vraiment un fils de Dieu.