Homélie 18
avril 2019
Par l’abbé Gaël de Breuvand
C’est une transcription d’une prédication orale, les titres sont ajoutés après retranscription
« Une cathédrale est bien autre chose qu’un tas de pierres. Quelle est la différence entre un tas de pierres et une cathédrale ? C’est la même différence qu’entre un amas de cellules et une personne humaine. Un tas de pierres et un amas de cellules ne sont qu’un amoncellement informe. Dans la cathédrale, ou une personne humaine, il y a un principe d’organisation, un principe d’unité, une intelligence créatrice. L’autre chose qui unit la cathédrale et la personne humaine, c’est l’onction qu’elles peuvent recevoir pour manifester une transcendance, une présence divine, qui leur confère un caractère sacré. »
I – Un dans le Christ
Ces quelques mots, c’est Monseigneur Aupetit, l’évêque de Paris, qui nous les a donnés hier en prêchant, lors de la Messe Chrismale, en s’adressant à ses prêtres, à ses diacres, à tous les fidèles de son diocèse ; et c’est une parole qu’il est bon d’entendre. Une personne humaine, si ce n’était qu’un amas de cellules, ce ne serait pas grand-chose, mais il y a un principe d’unité, et ce principe d’unité, on l’appelle l’âme. Dans un peuple, c’est la même chose : un peuple, cela peut être une foule de gens, un ramassis ; et c’était le cas lorsque le peuple des Hébreux, la foule des Hébreux a quitté l’Égypte. Et c’est après avoir franchi la mer Rouge, après avoir écouté la Parole de Dieu, qu’ils sont devenus un peuple. C’est assez frappant dans le texte biblique : c‘est une foule, ce sont des esclaves, ce ne sont pas grand-chose à leurs propres yeux et aux yeux de leurs maîtres, et voilà qu’ils franchissent la mer Rouge, et ils deviennent un peuple. C’était vrai pour les Hébreux, et c’est vrai pour l’Église. L’Église, que nous sommes, ce n’est pas seulement un tas de gens : nous sommes un peuple. Ah oui, dans ce peuple, il y a de grandes diversités : il y a des petits et des vieux, des jeunes et des moins jeunes, des malades et des pas malades, des Togolais, des Congolais, des Centre-Africains, des Français, et de je-ne-sais-combien de nationalités, car nous sommes plusieurs par ici. On est tous là, appelés par LE principe d’unité par excellence, cette raison première, ce « logos » en grec, qui est Dieu, qui est Amour. Nous sommes appelés à être Église, assemblée, et les Pères de l’Église disaient « assemblée des saints ». Et ce qui est saint, nous le savons bien, ce n’est pas moi par moi-même, mais bien grâce à ce principe d’unité. Nous sommes, grâce à ce principe d’unité, grâce à ce principe d’organisation, un peuple ouvert à cette transcendance, ouvert à Dieu. De fait, la mission de l’Église, notre mission, c’est de faire avec le Christ, par le Christ, dans le Christ, le pont entre le ciel et la terre. C’est notre mission.
II – Suivre l’exemple du Christ
Alors, comment faire, car c’est bien au-delà de nos forces ? Eh bien Jésus nous le dit : « C’est un exemple que Je vous ai donné. » C’est une parole que j’aime bien, puisque c’est celle que j’avais choisie pour accompagner mon ordination sacerdotale. « C’est un exemple que Je vous ai donné. » Il nous faut nous tourner vers le Logos, vers ce Verbe, vers ce principe, vers cet Amour qui est Dieu, qui est le Christ. Nous sommes appelés à le regarder, à le contempler, et à faire comme Lui. C’est la suite : « Afin que vous fassiez de même les uns pour les autres. » Que vous vous laviez les pieds comme moi je l’ai fait, nous dit Jésus. C’est un appel à chacun de nous. Ils étaient douze, les apôtres. Ils étaient tous là, Pierre, André, Jacques et Jean, Thomas, Jacques et Philippe, Barthélemy et Matthieu, Simon et Jude. Et Judas ! Judas était aussi là. Lui aussi a été appelé, appelé à servir et à aimer. Nous aussi, nous sommes appelés, chacun. Et, lorsque le Christ se met à nos pieds, c’est pour nous laver les pieds pour que nous nous mettions, nous aussi, au service les uns des autres. Pour que nous ouvrions notre cœur au cadeau qu’Il veut nous faire, et que nous soyons des témoins de Son amour. Nous sommes appelés à nous remettre en question, comme Pierre : « Non ! Tu ne me laveras pas les pieds… Ah oui, tu peux le faire, et même la tête et tout le corps. » Nous sommes appelés bien évidemment, à ne pas faire comme Judas, qui est l’exemple inverse, à ne pas accueillir le cadeau et ne pas en profiter. Oui, mystère de notre liberté, mystère de notre liberté qui nous permet de choisir d’aimer et de nous laisser aimer… ou qui nous permet, aussi, de fermer la porte. Nous sommes libres d’accueillir le don ou de le refuser. Si nous voulons être ce peuple, cette Église, si nous voulons être chacun une pierre vivante de cet édifice qui ne s’écroulera pas, malgré toutes les tempêtes, malgré tous les incendies, cela ne s’écroulera pas. Pourquoi ? Car le Christ en est la source, le Christ en est la pierre d’angle, le Christ en est la clé de voûte. Peut-être que des pierres tomberont, que nous subirons des avanies, et les premiers à causer ces avanies, vous le savez bien, c’est nous. Mais, cela ne s’écroulera pas, parce que le Christ est là. Il est là.
III – Mon corps donné pour vous
Et nous célébrons ce soir ce Dernier Repas du Christ. Ce jour-là, il fait mémoire de la Pâques, de Dieu qui prend soin de son peuple. Et il dit : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », et je serai avec vous dans ce mystère étonnant de l’Eucharistie. Oui, l’Eucharistie, l’action de grâce. Nous sommes invités à ouvrir nos cœurs et à dire merci. Mais comme on ne sait pas bien faire, le Christ vient dire merci avec nous et pour nous. « C’est un exemple que je vous ai donné. » Et Il nous montre comment faire : en nous offrant. À qui ? D’abord au Père, comme Jésus, et à nos frères. Vouloir séparer l’un de l’autre, c’est insensé. Il nous dit : « Ceci est Mon Corps donné pour vous » et nous répétons cela tous les jours depuis un peu moins de 2000 ans. Tous les jours, il y a des centaines de milliers de prêtres qui disent « Ceci est Mon Corps donné pour vous. » Et oui, c’est la Parole de Jésus, mais pas seulement. Chaque prêtre est invité à s’unir à cette Parole et à la prendre pour lui : « ceci est mon Corps, mon temps, ma vie, donnés pour vous ». Mais ce n’est pas seulement la responsabilité des prêtres ; chaque épouse, ou époux, est invité à dire à son mari, ou à sa femme : « ceci est mon corps, mon temps, ma vie, donnés pour toi. » Chaque parent, chaque grand-parent, est invité à dire cela à son enfant : « ceci est mon corps, mon sang, ma vie, donnés pour toi. » Et on peut le dire aussi à nos amis, et aussi à nos ennemis, même ceux qui semblent ne même plus mériter le titre d’être humain. « Ceci est mon Corps donné pour vous. »
« C’est un exemple que Je vous ai donné afin que vous fassiez vous aussi comme J’ai fait pour vous. » Cette parole-là, c’est un envoi en mission. Nous sommes appelés à prendre soin les uns des autres, sans cesse, déjà dans notre communauté, de Brignais et de Chaponost, et plus largement de tous les chrétiens qui sont là, près de nous, autour de nous. Je dois vous avouer que les actualités récentes m’ont choqué de ce point de vue-là : les noms d’oiseau volent… Nous sommes invités à prendre soin de tous nos frères humains, évidemment, et dans notre assemblée c’est déjà le cas, tout le monde est là. Il y a des pas encore baptisés, par là ou là, qui le seront bientôt. Il y a peut-être parmi nous des gens qui ne sont pas baptisés et qui ne comptent pas l’être. Mais tous, nous sommes aptes à entrer dans cette transcendance que nous offre le Christ. Tous, nous avons ce principe d’organisation en nous, ce « logos », cet amour.
Alors, laissons-nous aimer, accueillons cet envoi en mission du Christ, car c’est un exemple qu’Il nous a donné afin que nous fassions de même les uns pour les autres.