Homélie 14 avril 2019, dimanche des Rameaux, année C
Par l’abbé Gaël de Breuvand
C’est la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription
I – entrer dans le temps du Christ
Une
célébration de paradoxes et de contradictions… Il y a un quart d’heure, vingt
minutes, nous étions en train d’acclamer le Seigneur « Hosanna au Fils de David », et nous sommes tombés dans
ce récit de la Passion, l’ambiance est devenue soudainement un peu plus
pesante. Alors nous, nous savons que Jésus va ressusciter et donc que la
lumière de l’espérance et de la foi nous éclaire et nous rassure. Mais,
imaginez bien qu’à l’époque, ça n’était pas donné, pas encore… Alors, on
pourrait résister et se dire « mais
pourquoi prendre tant de temps pour méditer cette Passion ? Entrons
directement dans la Résurrection… » C’est une bonne remarque, que
l’on entend d’ailleurs « ah non,
nous n’allons pas nous appesantir sur la souffrance et la mort… C’est quand
même trop terrible, parlons plutôt de ce qui fait du bien, de ce qui fait
plaisir. » Peut-être que la liturgie nous fait entrer dans un temps
qui n’est pas le nôtre.
Oui, car c’est le temps de Jésus : aujourd’hui, dimanche des Rameaux, nous
avons déjà médité sur la Passion, mais nous allons encore plus déployer tout
cela jeudi, vendredi, samedi et dimanche. Oui, nous entrons dans un temps réel,
et nous sommes invités à avancer au rythme de Jésus. Et ce rythme, en fait,
c’est le nôtre, car Jésus est venu à notre rencontre. Jésus vit une épreuve,
une grande épreuve et, de fait, une épreuve, lorsqu’on la traverse c’est
toujours très long. Nous aussi, lorsque nous traversons la maladie, la
souffrance, la mort, nous pouvons tous témoigner, ici, je pense, que souffrir
c’est long, c’est douloureux, et que cela ne va jamais assez vite. On aimerait
tellement pouvoir sortir victorieux des épreuves, sans avoir à les affronter
trop longtemps ! Alors, nous sommes invités à faire entrer dans nos vies
le Christ qui souffre, qui meurt, et qui ressuscite. Tout est lié. On ne peut
pas en séparer une partie. On ne peut pas penser simplement à Jésus ressuscité.
On ne peut pas simplement penser à Jésus, qui meurt ou qui se donne. Tout va
ensemble. Il nous faut affronter les épreuves de nos vies, à la manière de Jésus,
c’est-à-dire que nous pouvons simplement nous appuyer sur les paroles que Lui a
dites.
II – Les paroles de Jésus pour éclairer nos vies
Je vais revenir sur les quatre dernières, celles de Sa Passion proprement dite. D’abord, Il se présente à nous. Pilate lui pose la question : « Es-tu le roi d’Israël ? » Et Jésus lui dit : « Tu l’as dit. » Tu as raison. Oui, je suis roi, pas un roi à la manière humaine – on est bien d’accord –. Mais Il est roi, c’est Lui qui se donne à nous. Et puis, on le charge de la Croix, Il avance sur ce chemin et, alors qu’Il gardait le silence jusqu’à maintenant, c’est en voyant les femmes de Jérusalem, celles qui sont représentées juste-là (en montrant le tableau du chemin de croix), qui pleurent sur Lui, qu’Il s’adresse à elles. On pourrait dire qu’Il les rabroue, qu’Il les gronde, Il ne les console pas vraiment. « Ne pleurez pas sur Moi, pleurez plutôt sur vous-mêmes et vos enfants. Si l‘on traite ainsi l’arbre vert, que deviendra l’arbre sec ? » Qu’est-ce que c’est qu’un arbre vert ? C’est un arbre vivant. Alors, on pourrait penser que les rameaux, les bambous, qui sont là, sont cet arbre vert… mais on sait bien qu’ils sont coupés et que la vie n’est plus en eux, et on sait que ce soir, ou demain, ils seront tout flétris. Finalement, c’est un peu nous lorsque nous nous éloignons de Dieu. Au début, on fait bonne apparence, bonne figure… et puis nous sécherons. L’arbre vert, c’est Jésus. Il nous invite à nous connecter à Lui, à nous greffer à Lui, pour être vraiment vivants. Et vous savez ce que c’est que vivre ? Vivre, c’est aimer.
Et voilà les deux dernières paroles de Jésus : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Jésus aime, même ceux qui Lui font le plus grand mal. Même ceux qui le réduisent à n’être quasiment plus un homme : « Père, pardonne-leur ». Et puis, il y a ce bandit, à côté de Lui, qui dit lui-même, « Si nous sommes sur cette croix, c’est que nous l’avons bien mérité… » Ce devait être de sacrés criminels, des tueurs, des voleurs, des violeurs, des pilleurs… « Nous l’avons bien mérité ». Et là, à cet instant, il ouvre son cœur au Christ : « Jésus, pense à moi dans ton royaume. » Et Jésus, à travers cette souffrance, sur la Croix, on peut penser qu’Il touche à la joie, car il peut lui dire « En vérité, aujourd’hui, tu seras avec moi dans la Paradis. » Oui, la souffrance est toujours aussi terrible, l’abandon est toujours aussi violent, et en même temps, tout ce pour quoi Jésus est né, a vécu, est mort, s’accomplit maintenant. Il ouvre les portes, Il nous ouvre les portes du ciel, Il n’attend qu’une chose, c’est notre accord et notre collaboration.
Et puis, cette dernière parole de Jésus : « Père, entre Tes mains je remets mon esprit. » Oui, le Christ est parfaitement uni au Père. (En montrant le tableau du chemin de croix) C’est d’ailleurs la belle représentation qui est là : Jésus qui meurt sur la Croix, cet Esprit qui fait le pont entre le ciel et la terre. Jésus nous unit au ciel, nous unit au Père. Et, dans les bras de la Croix, écarté, c’est nous qu’Il appelle. Nous sommes invités à être tous ensemble un seul peuple, réunis autour du Christ, membres du Corps du Christ, pour rejoindre tous ensemble le Père. Jésus, en donnant Sa vie, en remettant Son esprit au Père, nous donne Sa vie, à nous !
Et nous sommes invités à ouvrir nos cœurs, à ouvrir nos vies, à prendre le temps. Nous entrons dans cette Semaine Sainte et nous entrons dans une méditation silencieuse, plus calme, nous entrons dans ce temps de la souffrance et de la mort. Dans cette prière, de toute cette semaine, nous allons porter le monde entier qui souffre et qui meurt, et nous savons qu’au loin – peut-être que pour l’instant nous ne la voyons pas, mais nous savons qu’elle est là – il y a la lumière de la Résurrection. Alors, laissons-nous aimer et aimons !