Par l’abbé Dino GbebeH
Nous fêtons aujourd’hui l’entrée messianique de Jésus à Jérusalem. La liturgie de ce dimanche des rameaux, chacun le sait, est marquée par l’évocation de deux faits apparemment contradictoires : l’entrée festive de Jésus à Jérusalem et le récit de sa passion. En unissant dans la même célébration ces événements pourtant bien distincts, l’Église veut nous rappeler que le règne du Christ n’a rien de triomphal ni de dominateur. Bien au contraire, c’est à travers son amour désarmé que le Seigneur nous a donné le salut.
Le pape Benoît XVI avait bien raison d’affirmer que « La Croix est le premier mot de l’alphabet de Dieu », car elle est l’unité de mesure de son amour. Alors que les uns n’y voient que barbarie et supplice, le croyant y décèle un signe de la prévenante miséricorde de son Dieu.
En mettant en parallèle les deux récits qui nous sont proposés en ce jour, on est forcément frappé par le violent contraste qui existe entre eux. D’un côté, Jésus entre à Jérusalem sous les ovations des disciples qui l’acclament comme un roi ; de l’autre il sort de la Ville Sainte en direction du calvaire sous les railleries de ses adversaires. Lors de son entrée « majestueuse », il est monté sur un âne, selon la prophétie de Zacharie 9,9-10 ; sur la route du Golgotha, il portera une croix, signe suprême de la cinglante humiliation que lui infligeront les autorités civiles et religieuses de son temps. Dans la Ville Sainte, il s’offrira en victime, précisément à l’heure où les premiers agneaux seront immolés dans le temple. Dans le cortège festif qui l’accompagne à Jérusalem, ses disciples occupent les premiers rangs ; sur le chemin du calvaire, ils le suivront de loin, bouleversés et ébranlés par les événements.
Un détail significatif de l’entrée à Jérusalem retient mon attention : la foule en liesse crie à pleine voix : « Béni soit celui qui vient, lui notre Roi, au nom du Seigneur. Paix dans le ciel et gloire au plus haut des cieux ». Vous avez certainement noté, comme moi, une différence importante par rapport au message des anges dans la nuit de noël : « Paix sur terre aux hommes qu’il aime ». Luc suggère donc qu’au moment où commence la passion, la paix n’est qu’au ciel, elle n’est plus sur la terre. A l’heure où les hommes condamnent le Fils de Dieu, la paix peut-elle encore régner parmi eux ?
Mais tout n’est pas sombre dans ce drame de la croix. Une scène inédite et inattendue vient jeter une note d’espérance dans ce scénario tragiquement désolant. C’est le dialogue émouvant entre Jésus et le « malfaiteur repenti ». Profondément impressionné par le mystérieux silence de cet homme innocent, condamné comme lui au plus cruel des supplices, il lève vers lui un regard plein de regret pour prononcer les derniers mots de sa vie d’homme : « Souviens-toi de moi ». Et le Christ lui promet le paradis, sans délai : « aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Son repentir lui vaut ce qu’il était bien loin d’espérer, au regard de sa vie passée.
en souvenir de son triomphe, nous bénissons les palmes et nous lisons le récit de sa Passion et de sa mort. C’est le prophète Isaïe, avec son troisième chant du serviteur souffrant, qui nous prépare à écouter ce récit de l’Évangile. La souffrance fait partie de la mission du serviteur. Elle fait aussi partie de notre mission de chrétiens. On ne peut être un disciple cohérent de Jésus sans porter son propre fardeau ; un fardeau qui pèse lourd, parfois, comme nous le rappelle le psaume d’aujourd’hui.
Dans cet homme qui agonise aux côté du Fils de Dieu, j’aime voir l’image des croyants que nous sommes. Notre salut, nous le devons seulement à la miséricorde de Dieu. Il est bon de nous le rappeler au début de la Semaine Sainte.