Homélie du 1er dimanche de carême, année C – 10 mars 2019
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – Prier, c’est d’abord remercier
La lecture du Deutéronome veut nous enseigner la bonne manière de prier. Je ne sais pas si vous avez bien écouté la lecture… Naturellement, lorsque nous prions, nous avons une petite tendance à vouloir faire pression sur Dieu. ‘Seigneur, je me mets à genoux devant Toi, je Te parle, je Te supplie, je Te prie longtemps, et donc Tu as intérêt à faire ce que je veux !‘ C’est un petit peu notre premier réflexe lorsque nous nous tournons vers Dieu. Et là, Moïse dit au peuple : ‘voilà comment vous allez prier. Vous allez offrir ce que vous avez à offrir, et vous allez faire la liste de tout ce que Dieu a déjà fait pour vous‘. « « Mon Père était un Araméen nomade – Abraham – qui descendit en Égypte – ça, c’est Jacob – il vécut en émigré en Égypte avec son clan – ça, ce sont tous les Juifs en Égypte – et puis il est devenu une grande nation – oui, ils se sont multipliés – et puis les Égyptiens nous ont maltraités – ça, c’est à l’époque de Moïse, ils sont devenus esclaves – nous avons crié vers le Seigneur et Il nous a envoyé un Libérateur » . Quand vous priez, faites votre offrande et commencez par dire merci. Parce que ce n’est pas vous qui avez commencé à établir une relation avec Dieu, c’est Lui qui est venu vers vous. La grâce de Dieu, l’amour de Dieu, la bonté de Dieu nous précèdent largement.
II – Prier ce n’est pas ‘faire pression’ sur Dieu
Largement ! D’ailleurs, je ne peux parler, je ne peux dire quelque chose, je ne peux vivre que parce que Dieu m’a déjà fait ce cadeau de la vie. Et nous, on a toujours cette petite tentation de mettre la pression sur Dieu. On en fait un peu une idole : ‘Seigneur, tu me dois bien ça, je suis tellement bien. Je suis un bon priant et puis je ne fais pas de mal, alors je ne comprends pas pourquoi tu ne me protèges pas ? Tu es une sorte de superman pour moi !’ Et, de fait, ce n’est pas ce que nous apprend Jésus. Il va être tenté par le diable. Et, là aussi, Il nous enseigne quelque chose. D’abord, Il nous montre que le premier à nous pousser à agir comme si Dieu était une idole, à être idolâtre, c’est le diable lui-même. C’est comme cela que celui-ci fonctionne. Je te donnerai le pouvoir sur tous les royaumes, si tu fais cela, si tu te prosternes devant moi. Alors, je me prosterne devant le diable et j’ai le pouvoir ! C’est le cœur-même de toute l’action diabolique, celle qui sépare, celle qui divise, cette tentation extérieure, c’est cela : nous faire croire qu’on n’a pas besoin de dire merci. C’est nous faire croire que ce que nous avons, c’est que nous le méritons bien, c’est qu’on nous le doit.
III – Les tentations de Jésus, tentations pour chacun de nous
Vous vous souvenez dans la Genèse : 1er chapitre, 2e chapitre, 3e chapitre, la tentation d’Adam et Ève. « Alors, Dieu vous a interdit de toucher à ce fruit ? Oui, Il nous l’a interdit sous peine de mort. Mais non, vous ne mourrez pas… Si tu manges de ce fruit, tu seras comme Dieu. » Comme des dieux, tu seras autonome, tu ne dépendras de personne. C’est ça la tentation, et, de fait, c’est ce que propose le diable à Jésus. « Si tu es Fils de Dieu, si tu es Dieu, tu ne dépends de personne, donc tu n’as pas besoin d’avoir faim. Tu as le pouvoir, transforme ces pierres en pain. » C’est une tentation qui vient attaquer une dimension humaine, une dimension charnelle de Jésus qui est pleinement un homme. Et, comme tout homme, quand il ne mange pas pendant 40 jours, il a faim. Nous aurions tous faim. Et Jésus manifeste que, d’abord Il est capable de se commander à lui-même, et puis Il s’appuie sur la Parole de Dieu. Il se réfugie, d’une certaine manière, sous l’ombre – c’est un extrait du psaume – il se réfugie sous l’appui du Très-Haut, Il repose à l’ombre du Très-Haut. Il dit : Seigneur mon refuge, mon rempart, mon Dieu dont je suis sûr. « L’homme ne vit pas seulement de pain – et la citation que Jésus fait continue – mais de toute Parole qui sort de la bouche de Dieu. » Gardons au cœur l’essentiel. L’essentiel, c’est Dieu. Et tout le reste nous est donné par surcroît. Nous le méritons ? Nous ne le méritons pas, nous ne méritons rien, nous ne sommes pas au niveau de Dieu. Et Dieu nous fait cadeau, non seulement de Sa Parole, mais aussi du pain. Alors, réjouissons-nous, rendons grâce. C’était la première tentation, celle du confort qui vient toucher l’être charnel de Jésus.
Deuxième tentation sur la haute montagne : « Tous ces royaumes m’ont été remis, toi aussi, tu pourrais posséder ces royaumes. » C’est une tentation de la puissance. Nous l’avons tous, cette tentation-là. Cela vient toucher notre intellect, notre orgueil, notre volonté de puissance. Et, de fait, c’est attirant. Là encore, cela nous permet de ne dépendre de personne. C’est au contraire de moi que dépendent tous les autres ! Et, là encore, Jésus rappelle la Parole de Dieu : « À Dieu seul, tu rendras un culte, car de Lui tu dépends ». Et Jésus dépend de Dieu dans le sens où il est Fils et il dépend du Père. Il n’est rien que ce que le Père lui donne, et le Père lui donne Tout. Il le sait, Il le reconnaît, Il l’affirme, Il en témoigne : « Je ne suis rien que ce que le Père me donne. »
Troisième tentation : c’est un peu la tentation médiatique, celle de la gloire. Vas-y, jette-toi du haut du temple. Et là, tu ne rends rien. Là, tout le monde pourra t’admirer. De fait, ces trois tentations-là ce sont les nôtres, elles existent toujours. Mais c’est une tentation religieuse aussi parce que, du coup, je vais me faire passer pour Dieu. Et, là encore, Jésus lui répond à ce diable, à celui qui divise : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » D’autant plus que là, le diable avait utilisé la Parole de Dieu, l’avait tordue à son service : Jette-toi en bas, tu verras, Il a dit qu’Il enverrait ses anges pour te protéger.
IV – Rendre grâce
La réponse à tout cela ? Se tourner vers le Seigneur. Reconnaître que nous dépendons de Dieu. C’est difficile, hein ? Naturellement, nous avons besoin d’autonomie, nous avons besoin de sentir que nous sommes notre propre maître. C’est notre nature qui est comme cela, qui est blessée, et on a beaucoup de mal à reconnaître que nous sommes absolument dépendants d’un autre. De l’Autre, avec un A majuscule : de Dieu. Et pourtant, c’est en se reconnaissant pleinement fils, comme Jésus est Fils, que nous trouverons la vraie joie et notre vrai bonheur. Alors, en ce début de Carême, pour vraiment se reconnaître comme des fils de Dieu, eh bien, nous avons un petit effort à faire : c’est de renouveler souvent nos mercis. Merci à tous ceux dont nous dépendons, ils peuvent être autour de nous : merci à mes parents, merci à mes amis, merci à mes enseignants, à mes maîtres, merci à mes patrons, je ne sais… Merci à Dieu. En disant ce merci, je manifeste que je reconnais que je dépends de l’autre, et ce n’est pas un défaut. Alors, je deviens capable d’être vraiment comme Jésus et je m’unis absolument à l’acte que nous sommes en train de réaliser : une eucharistie. Et bon grec, cela veut dire une action de grâce, un remerciement. Et c’est en remerciant réellement pour ce que nous sommes, et qui nous est donné, que nous chantons la gloire de Dieu en vérité. Il y a un petit chant qui dit : « Rendons gloire à notre Dieu, Lui qui fit des merveilles, Il est présent au milieu de nous, maintenant et à jamais. » Rendons gloire à Notre Dieu, Lui qui fit des merveilles, et la première merveille qu’il fait ? C’est moi, c’est chacun de nous, c’est vous ! Nous sommes soixante, et nous sommes soixante merveilles sous le regard de Dieu. Réjouissons-nous pour cela.