Homélie du 4e dimanche de l’Avent, Année C, 23 décembre 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – Michée, dans une situation de crise…
La lecture que l’on a entendue, elle vient du livre de Michée. Et Michée, c’est un prophète, qui s’exprime dans le Royaume de Juda autour de Jérusalem, au Sud de la Terre Sainte. Et lorsqu’il parle, rien ne va plus. On est en 720 avant Jésus-Christ. Le Royaume du Nord, autour de Samarie, s’est effondré. Il a été pris par les Assyriens. Et donc dans le Royaume de Juda on est un peu inquiet, en se disant qu’il peut arriver la même chose. D’autant plus que le roi à l’époque, Manassé, est un roi qui n’est pas très fidèle à Dieu. Il est très mal vu. Il a tendance à oublier le Dieu d’Israël.
Et les conditions sociales du temps ne sont pas bonnes. « Les riches sont très riches et les pauvres sont très pauvres ». Et les riches ne s’occupent pas beaucoup des pauvres. Vous me direz, cela n’a pas beaucoup changé.
Et voilà que Michée prend la parole. Et alors qu’on pourrait s’attendre qu’il s’adresse à la ville de Jérusalem, la grande ville, la belle ville d’Israël, Jérusalem, qui est sur cette montagne et que Dieu a choisi comme sa demeure… Non. Il préfère s’adresser à ce tout petit village de Bethléem. Bethléem-Ephrata. Bethléem… un peu d’étymologie, – on va en faire beaucoup aujourd’hui ! -, c’est la maison du pain. Et Ephrata, c’est la consolation. Donc cette maison où l’on peut se nourrir et d’où va venir la consolation, ce tout petit village, qui est à une quinzaine, une vingtaine de kilomètres de Jérusalem, c’est de la périphérie que va venir le Salut.
Et quel est le signe de ce Salut ? De ce roi qui va venir pour gouverner Israël ? Ce sera “le jour où celle qui doit enfanter, enfantera !” Alors comme signe, on a parfois vu plus grand et plus fort qu’une femme enceinte. On l’espère pour elle, un jour ou l’autre, elle enfante !
Et ce jour-là, le jour où viendra au monde ce roi, que l’on attend, alors à ce moment-là, ce sera la paix. Oui. Il sera la paix. Et portant, dans les conditions du temps, en 720 avant Jésus-Christ, le roi Manassé, lui, il cherche la paix aussi. Mais il la cherche par une forme de puissance et il la cherche en essayant d’écraser les oppositions, alors que le petit qui viendra, cet enfant qui sera le roi, qui sera le berger, Lui-même sera la paix. Et Il le sera d’une manière bien différente !
II – La visitation
Et 700 ans plus tard s’accomplit cette prophétie, justement. Un accomplissement. Et nous le voyons dans ce texte que l’on connaît par cœur, ce texte de la visitation. Vous savez, juste avant, il y a eu l’Annonciation, l’annonce d’une merveille. « Ton enfant sera appelé le fils du Très-Haut et comme preuve, ta cousine Élisabeth, celle qui était stérile, est enceinte. Et l’ange la quitta ». Marie se retrouve seule et à cet instant, Marie se met en route et va avec empressement vers la région montagneuse dans une ville de Judée. On ne sait pas exactement laquelle. Et Marie entre dans la maison de Zacharie. Je vous disais que l’on allait faire un peu d’étymologie. Zacharie vient du mot hébreu Zikaron, qui signifie : “Dieu se souvient”. Dieu se souvient… Et Marie rencontre Élisabeth. Elisabeth, c’est elisheba, “Dieu fait promesse” Dieu s’engage…
Et enfin, le fruit de leur union, c’est Jean. Johanan, “Dieu fait grâce”. Dieu se souvient… Il se souvient de quoi ? Il se souvient de son alliance avec son peuple. Il se souvient de toute une histoire, – plus de 2000 ans -, pendant laquelle Il a annoncé qu’Il voulait prendre soin de son peuple. Il a annoncé qu’il enverrait un messie. Dieu fait promesse. Cette promesse l’engage. C’est le futur qui est là. “Dieu se souvient”, c’était le passé. “Dieu s’engage, Dieu fait promesse”, c’est le futur qui est engagé, c’est l’avenir.
Et Johanan, “Dieu fait grâce”, c’est maintenant. C’est maintenant que Dieu fait grâce. Le messie annoncé… par tous les prophètes, l’espérance des nations, celui qui vient… Et le voici : Il se donne ! Tous ces noms-là veulent nous dire quelque chose et nous sommes invités à faire nous aussi cette démarche, à nous souvenir des promesses de Dieu et à accueillir la grâce que Dieu veut nous donner aujourd’hui.
Et voilà qu’il y a cette rencontre entre ces deux femmes, deux femmes qui portent toutes les deux, en elles, un enfant. Exclamation de joie. Quand Elizabeth entendit la salutation de Marie, l’enfant tressaillit en elle. Il y a une tradition qui dit que ce lieu de la visitation, c’est à Kyriat Yearim, un village à 10 km environ de Jérusalem. Kyriat Yearim, c’est aussi le lieu où 1000 avant auparavant, le roi David est allé à la rencontre de l’Arche d’Alliance. Le roi David accueille le signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple sur cette colline de Kyriat Yearim. Et vous savez ce qu’a fait le roi David, pour accueillir cette arche, pour accueillir cette présence de Dieu, le roi David a dansé, il a sauté, il a exulté. Il l’a tellement fait d’ailleurs que cela a scandalisé sa femme car… “on voyait tout”, comme disait l’autre.
Et voilà que Jean, accueillant Jésus, accueillant Marie, qui porte Dieu, – Marie d’ailleurs, a ce titre d’Arche d’Alliance dans la litanie de la sainte Vierge, Arche d’Alliance -, parce qu’elle porte Dieu. Elle est le signe de la présence de Dieu au milieu de son peuple. Voilà que Jean fait comme le roi David, il tressaillit, il bondit d’allégresse dans le sein de sa mère. Et voilà qu’Elizabeth est rempli d’esprit saint et elle prophétise : “tu es bénie entre toutes les femmes”. Oui. Marie est bénie. Elle est bénie, parce qu’elle accomplit pleinement sa vocation et son appel. Elle porte le Seigneur en elle.
III – Voici, je viens…
Ce Seigneur,
Il vient. Et c’est ce que nous dit le texte de la lettre aux Hébreux. « Me voici ». Vous connaissez
l’histoire de notre race, de notre humanité toute entière. Dieu nous a créé par
amour. Dieu nous a créé pour notre joie et notre bonheur. Il nous a créé pour
que nous avancions vers Lui, pour que nous puissions chanter sa Gloire, que nous
puissions exulter de joie, danser et tressaillir d’allégresse. Mais
voilà ! Cette création, par amour, Il le fait pour que nous puissions
aimer. Nous sommes donc invités à aimer, en toute liberté. Et nous en sommes un
peu incapables, mais presque complètement incapables. Pas tout-à-fait, mais
presque incapables de cela.
Alors Dieu a décidé de s’engager. Il fait promesse. C’est cela… Il fait
promesse. Il nous envoie le messie annoncé. Ce messie, c’est qui ? C’est
le verbe de Dieu Lui-même, Dieu Lui-même qui vient s’engager. Avec nous. Il
s’incarne. Et en s’incarnant, Il devient notre frère. Comme Il est Dieu
l’offrande que lui, fils, fait au père, est parfaite. Et comme Il est homme, Il
fait ce pas avec nous. Quand Jésus le Christ dit : « Me voici, Je viens. Je me donne à Toi, Père ».
Il nous emmène avec Lui.
Là encore, nous sommes libres. Nous pouvons poser un acte d’amour libre. Et
nous sommes invités à accueillir, à choisir de nous unir à ce pas du Christ. « Me voici, Je viens ». Cette phrase
que Jésus prononce : « je viens
faire ta volonté », nous sommes invités à la prononcer nous aussi. Et
à avancer, faire ce pas vers le Père. Et alors, en choisissant cette union, en
choisissant de nous laisser aimer et d’aimer en retour, nous accomplissons ce
pour quoi nous faits et nous pouvons avec Marie, reprendre le texte qui suit ce
passage. Nous pouvons tressaillir d’allégresse : « Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon
esprit en Dieu mon sauveur ». Exulter, on pourrait le traduire
par : “saute mon esprit”. C’est
un peu difficile…
Nous sommes invités à être, tous et chacun, des rois David. Pour accueillir Dieu dans nos vies. Nous sommes invités à être, tous et chacun, des Marie, pour être vraiment des arches d’Alliance, des porteurs de Dieu dans notre monde. Nous invités à être des Elizabeth et des Zacharie, pour nous souvenir que Dieu a fait promesse et qu’Il s’engage avec nous. Nous sommes invités à faire un pas de plus dans l’Amour de Dieu. Et alors, la promesse de Michée au peuple pourra s’accomplir. Face à un monde qui est en perdition, face à un monde qui est complètement perdu, où les riches sont très riches et les pauvres très pauvres et où personne ne prend soin des uns des autres, si nous accueillons le Seigneur dans notre vie, cela pourra changer et changera par nous, avec nous et pas grâce à nous, grâce au Christ !
Dans quelques instants, sur cet autel, le Seigneur vient. Accueillons-le. Laissons-nous transformer par lui. Laissons-nous aimer par Lui et en retour, aimons.