Dans le défilé multicolore des donateurs qui se bousculent autour du tronc des offrandes, une figure se détache : celle d’une veuve. Pauvrement vêtue au milieu des apparats fastueux des opulents, elle avance timidement le front plissé par les nombreuses rides que les dures années de labeur y ont creusées. Et pourtant c’est sur ce visage brillant d’une douce lumière intérieure que se pose le regard du Christ. Pour l’immortaliser. Bien des siècles avant elle, au temps de la famine, une autre veuve, celle de Sarepta avait aussi capturé le regard du prophète Elie par son humble offrande : une galette faite avec la dernière poignée de farine qui lui restait.
Chers amis, ce que ces deux femmes ont en commun dans leur geste de générosité, c’est la discrétion : nous ne connaissons même pas leur nom. Il est probable qu’elles ne figurent pas parmi les bienfaiteurs du temple. Illuminées un instant par le regard attentif de l’homme de Dieu, elles retournent dans le silence de l’anonymat. Aux yeux des autres, leur geste passé inaperçu, tant il semblait insignifiant. Il n’avait rien de l’éclat ou du prestige dont les riches aiment entourer leur générosité. Peu importe pour elles qu’elles soient vues ou non, car leur don n’est pas un moyen de leur procurer un peu de gloire et d’honneur.
Et pourtant le geste d’offrande de ces deux veuves est de ceux qui construisent le Royaume, qui font progresser l’humanité dans sa marche vers le salut. Voilà pourquoi, Jésus le propose en exemple. Il appelle ses disciples pour qu’ils observent le geste de cette femme. Pauvre d’argent, elle est riche d’humanité, de bonté. Nous avons beaucoup à apprendre des pauvres, car ce sont eux qui nous enseignement le véritable don. Saint Vincent de Paul ne disait-il pas : « Heureusement qu’il y a les pauvres pour les pauvres ; eux seuls savent donner ».
Par leur geste, ces deux femmes nous apprennent que nul n’est trop pauvre pour donner ; que nul n’est insignifiant pour Dieu. Car aussi pauvre que l’on soit, chacun possède devant Dieu le plus précieux des trésors que lui-même nous a donné : un cœur. Et quand celui-ci devient la mesure de notre don, alors notre pauvreté se transforme en une richesse incommensurable. Ces deux piécettes de la veuve que les préposés au trésor ont, peut-être, eu honte de comptabiliser dans les caisses du temple sont inscrites en lettres d’or sur un autre livre, un registre où la quantité n’est plus l’unique mesure et où sont appréciés les trésors que le monde ignore. Là elles rayonnent de la splendeur que confère au plus insignifiant des dons l’unique valeur qui transforme tout : le don de soi-même.
Comprenons-le bien : Jésus ne condamne pas ceux qui donnent leur fortune, il ne jette pas le discrédit sur leurs grandes largesses comme si elles devaient être suspectes. Il fait tout simplement remarquer qu’en donnant ce qu’elle avait pour vivre cette pauvre veuve a touché le cœur de Dieu.
Pour connaitre la valeur du don, disait un auteur, on ne devrait pas regarder la quantité donnée mais plutôt ce qui nous reste.