Homélie de la Toussaint
En ce jour, où nous célébrons tous les Saints, nous célébrons également par anticipation la Commémoration de tous les fidèles défunts. Nous portons nos cœurs, nos regards et nos prières vers tous nos frères et sœurs qui nous ont précédés dans la maison du Père, notre véritable destination. Nous sommes ici pour renouveler de façon toute spéciale notre foi en la vie éternelle et notre prière de ce jour est illuminée par la Résurrection du Christ. Chaque année à la même date, nous allons dans nos cimetières pour prier, pour visiter nos parents et amis défunts pour leur exprimer notre affection et notre attachement. La visite des cimetières est un moment favorable pour vivre une expérience particulière de cet article de foi, contenu dans le Credo : « Je crois à la Communion des Saints ». La Communion des Saints exprime ce lien étroit qu’il y a entre les Saints du ciel, les autres fidèles défunts et nous qui marchons encore sur cette terre. Notre eucharistie est donc un moment de proximité avec nos frères et sœurs les saints. C’est pourquoi, j’aimerais tourner nos la sainteté.
Ils sont sans doute nombreux ceux qui pensent, de bonne foi certainement, avec déception et naïveté parfois, que la sainteté consiste essentiellement à renoncer au bonheur, à la joie de vivre. Et pour cause ! A leurs yeux, l’élément essentiel qui se retrouverait à la base de toute expérience de la sainteté est le renoncement. C’est le passage obligé, incommode et rugueux, par lequel seraient passés les martyrs et les confesseurs, les pontifes et les vierges, les prêtres, les religieux, religieuses et laïcs de tous les temps. Chacun d’eux aurait dû renoncer, un jour ou l’autre, à la richesse, à l’honneur, au pouvoir, au mariage, à la famille, au plaisir ou tout simplement à sa propre vie. On comprend dès lors pourquoi la sainteté ne fait pas recette parmi les gens « ordinaires » pour se lancer dans l’aventure périlleuse du dépouillement. Franchement attachés à la joie de vivre, ils éprouvent, comme le jeune homme riche de l’Evangile qui s’éloigne du Christ le regard sombre, une réelle incapacité à renoncer aux biens qu’offre ce monde.
Mais la sainteté rime-t-elle réellement avec la tristesse ? Doit-on la considérer comme une option pour la désolation ou une démarche que l’on entreprend les dents serrées ? Il me semble que l’un des obstacles les plus sérieux à l’engagement sur le chemin de la perfection évangélique réside précisément dans l’idée erronée que nous nous en faisons.
Chers amis, en cette solennité de la Toussaint, osons faire tomber quelques-unes des fausses barrières qui nous bloquent l’accès à l’aventure la plus belle que Dieu propose à l’homme : celle de l’associer à sa sainteté, lui qui est le Saint par excellence.
Disons tout d’abord que la sainteté n’est pas un appel à la tristesse mais une vocation à la joie. Voilà pourquoi l’Evangile qui nous est proposé en cette fête répète près d’une dizaine de fois le mot « heureux ». Les saints, ce sont les bienheureux, ceux dont la vie est un rayonnement constant de joie, même au cœur de l’épreuve. Paradoxale affirmation !
Précisions ensuite que la sainteté n’est pas une aventure d’exception réservée à quelques surhommes à qui Dieu aurait donné un « coup de pouce », en les hissant au-dessus de notre humaine fragilité. Bien au contraire, la sainteté est une voie ouverte à tous, sans distinction de condition. C’est une telle vérité que l’Eglise affirme avec conviction en parlant de « vocation universelle à la sainteté ».
Il est important de rappeler également que la sainteté ne se mesure pas au pouvoir de faire des miracles ou aux phénomènes extraordinaires tels que les stigmates, les extases, les lévitations etc.. Aussi étrange que cela puisse paraître, tous les saints n’ont forcément fait de miracles, et tous les guérisseurs ne sont pas forcément de saints. Bienheureuse Mère Theresa de Calcutta ne disait-elle pas que la sainteté ne consiste pas à faire des choses extraordinaires les choses ordinaires, mais plutôt à faire de manière extraordinaire les choses ordinaires ?
Que par l’intercession de la Vierge Marie et de tous les saints, le Seigneur nous accorde de parvenir un jour au seuil de sa maison. Amen !