Homélie du 27e dimanche du TO, année B, 7 octobre 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Hier, nous avons célébrés la messe avec les enfants du caté et les adolescents, les collégiens… Ils avaient deux questions pour l’homélie.
I. La femme : inférieure à l’homme ?
La première, c’est : “la femme est créée après l’homme, elle est créée à partir de l’homme. Est-ce que cela veut dire qu’elle est inférieure à l’homme ?” Bonne question… On nous l’envoie dans la figure assez souvent ! De fait, si on lit rapidement le texte, on peut avoir cette impression-là. Mais nous, on va essayer de ne pas le lire trop vite et de prendre un peu le temps. L’Homme est appelé à gouverner, à prendre soin de toute la Création. Il est appelé à nommer toute chose et en nommant toute chose, il ne trouve pas l’aide dont il a besoin. Quand le texte biblique parle de l’homme à ce moment-là, on parle de l’être humain, homo en latin. Puis un sommeil mystérieux tombe sur l’homme ; l’homme s’endort… Et le Seigneur Dieu prit l’une de ses côtes. La côte, c’est à peu près par-là… ce n’est ni un morceau du pied, ni un morceau de la tête. Un morceau du pied : on aurait pu dire que la créature tirée du pied serait inférieure ; un morceau de la tête, que la créature tirée de la tête serait supérieure… Non. C’est quelqu’un tiré du côté. Côte-à-côte. Face-à-face… Et de fait, lorsque la femme est présentée à l’homme, l’homme s’exclame : “la voici ! l’os de mes os, la chair de ma chair”. Il la reconnaît… comme son égal ! Comme celle qui lui est donnée comme un vis-à-vis. Comme quelqu’un avec qui il va pouvoir parler, échanger ; établir un lien, une alliance. De fait, ce n’était pas le cas avec les animaux. “Et voici qu’on l’appellera femme, ishsha, celle-là qui fut tirée de l’homme, Ish”. Une lettre de différence, pour montrer la complémentarité entre cet homme et cette femme. Une complémentarité telle qu’ils vont pouvoir établir une alliance : “l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à se femme et tous deux ne feront plus qu’un”. Nous sommes faits pour établir une relation toute particulière, chacun de nous, une relation, – la plus parfaite des relations ! -, que l’on appelle l’amour. Et l’Amour le plus plénier de tous les amours, sur la Terre, c’est l’Amour qui unir un homme et une femme, qui vont tisser un lien. Un lien qui va être signe de l’Amour de Dieu. On reviendra un peu sur cette question…
II. Le Royaume de Dieu est pour les enfants… pas pour les grands alors ?
Il y avait une deuxième question de la part des jeunes, hier. C’était au sujet des enfants. Des gens présentèrent à Jésus des enfants… “Ne les empêchez-pas, car le Royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemble”. Donc le Royaume de Dieu, il est pour les enfants. Alors du coup, nous qui sommes grands, très grands, très vieux !, est-ce que le Royaume de Dieu n’est pas pour nous ? (Désignant un enfant) En fait, il n’y en a qu’un parmi nous ce soir, il est là-bas au fond. Pour lui le Royaume de Dieu est donné. Et pour nous, est-ce que l’on se retrouve incapable d’accéder au Royaume de Dieu ? C’est une bonne question, là aussi… Et de fait, nous sommes invités à réfléchir : qu’est-ce qui fait que les enfants entrent naturellement dans le Royaume de Dieu, et que nous, nous avons un peu de mal, qu’il nous faut une conversion, qu’il nous faut entrer dans une démarche. Quand j’y réfléchis, je me dis que peut-être, la caractéristique des enfants, c’est qu’ils sont capables de faire une confiance absolue à leur papa, à leur maman. Ils sont sans inquiétude. Maman est là, les nourrira. Papa est là, les protègera. Et d’ailleurs, on le voit bien dans le cadre de l’éducation, il y a un moment où les enfants grandissent, et nous avec nos limites humaines de père ou de mère, on trahit un peu leur confiance… C’est douloureux pour l’enfant. L’enfant, il a une confiance absolue dans la parole de ses parents. Nous sommes invités à entrer dans le Royaume de Dieu en faisant une confiance absolue à la Parole de Dieu.
Pourquoi Jésus la met à ce moment-là ? Parce que c’est cela aussi… Cette phrase qui nous parle des enfants, quel lien avec les autres textes qui nous parlent plutôt du mariage, de l’alliance homme-femme ? C’est peut-être justement pour cela. Parce que la parole que Jésus vient de dire, elle est un peu dure… Elle est un peu raide ! Et du coup, Jésus nous rappelle que Sa parole, elle est pour notre bien ; que nous sommes invités à entrer dans cette parole, en faisant confiance, tel un petit enfant.
III. La fidélité dans le mariage : pas par nos propres forces… cela est donné !
Alors justement cette parole… Que vous a prescrit Moïse ? “Ah… Il nous a permis de divorcer. Mais il faut établir un acte de répudiation ; il faut faire ça dans les règles, hein…” À l’origine, il n’en était pas ainsi. À l’origine, Dieu les fit homme et femme, Ish et Ishsha. C’est ce que dit Jésus ! Il parlait araméen, Il ne parlait pas français… donc le mot, il est bien plus proche. Il les a faits complémentaire, fait pour s’allier, l’un l’autre. « À cause de cela, l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme. Tous deux deviendront une seule chair. Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas ». On la trouve raide cette parole, et on a raison d’ailleurs. Mais le problème, c’est que Jésus, dans l’évangile selon saint Marc, ça apparaît une fois, dans l’évangile selon saint Matthieu, ça apparaît deux fois, dans l’évangile selon saint Luc, ça apparaît une fois, dans la lettre de saint Paul apôtre aux Éphésiens (ch.5)…
C’est une parole que Jésus a reprise souvent ! Et pourquoi Il la reprend si souvent ? Eh bien peut-être parce que justement, elle est un peu dure à avaler… D’ailleurs : « de retour à la maison, les disciples l’interrogeaient de nouveau ». Et il faut que Jésus remette les points sur les I et les barres sur les T. “Celui qui renvoie sa femme, en épouse une autre, devient adultère, et réciproquement, quand une femme renvoie son mari”. Oui, c’est dur ! Et on continue un petit peu… Un peu plus loin, dans l’évangile selon saint Matthieu, on a encore une discussion après cette parole et là Jésus dit, parce que les disciples sont en mode : “ouh la la, mais à ce titre-là, ça vaut pas le coup de se marier, c’est trop dur pour nous !” Mais Jésus leur dit : “cela est donné. Cela est donné !” Ce n’est pas par nos propres forces que nous pourrons vivre dans la joie pour toujours. Ce n’est pas par nos propres forces que nous pourrons vivre dans l’Amour pour toujours. Ce n’est pas par notre propre force que nous serons des saints, des super-héros ou je ne sais… Cela est donné. Et de fait, il nous faut ouvrir notre cœur, mettre Dieu dans l’équipe ! Mettre Dieu dans notre équipe…
IV. Le mariage comme signe visible de l’Amour de Dieu
En fait, il faut être des petits-enfants. Faire confiance au Seigneur : Il ne nous laisse pas tomber ! Il ne nous laisse pas tomber.
Et pourquoi ? C’est assez frappant… On n’a pas tout le texte. Le texte de la Genèse, c’est un texte qui est juste une merveille. Entre le chapitre 1 et le chapitre 2, avec cette création de l’homme et de la femme. Et quand on lit avec attention, – vous pourriez le relire ces jours-ci, cette semaine, chapitre 1 et 2 de la Genèse -, la Parole de Dieu : “faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance. Et Dieu créa l’homme à son image et à Sa ressemblance. Homme et femme, mâle et femelle, Il les créa”. À la ressemblance de Dieu… En fait, le mariage, l’union d’un homme et d’une femme, qui s’engagent l’un envers l’autre, c’est le signe de la présence de Dieu. C’est une façon de refléter l’Amour de Dieu dans notre monde. Et là, on dit : “Waouh !” La responsabilité est énorme parce que aimer chaque jour à la manière de Dieu, c’est un amour libre, c’est un amour qui est fidèle, c’est un amour qui est pour toujours, c’est un amour qui donne la vie… Eh bien c’est une sacrée responsabilité ! Et peut-être qu’elle est un peu lourde pour nous. C’est même sûr qu’elle est un peu lourde. Et c’est pour cela que Moïse, face à notre dureté de cœur a donné des passe-droit. Notre cœur est toujours aussi dur, mais le Seigneur est avec nous et Il nous l’attendrit notre cœur ! Et si nous nous laissons faire par Lui, nous pourrons atteindre cette sainteté, cette ressemblance avec Dieu. Et notre mariage, nos unions, pourront devenir des lumières pour tous ceux qui sont autour de nous. Est-ce que ce sera facile ? Non. Le Seigneur ne nous a jamais promis la facilité. Il nous promet la joie et le bonheur, mais pas la facilité.
Et pour reprendre la lettre aux Hébreux : « Jésus, nous le voyons couronné de gloire et d’honneur à cause de Sa passion et de Sa mort ». Nous sommes chrétiens. Ce que le maître a vécu, nous sommes invités à le traverser nous aussi. Alors on va se dire : “Zut ! C’est pas drôle tout ça.” Si, en fait, c’est une grande joie, parce que le Seigneur est avec nous. De fait, il y a des moments moins faciles. Ce sont des combats ! Et en même temps, chaque fois qu’une victoire s’accomplit dans notre vie, c’est pas grâce à nous. Grâce au Seigneur ! Alors la joie vient ! La joie vient…
Reprenons chaque jour cette décision : “Seigneur, viens dans ma vie ! Seigneur, je me donne à toi”. Pourquoi ? Parce que recevoir Dieu, Recevoir Dieu dans ma vie, cela permet de me combler et de combler les autres. Cela doit déborder de moi. D’ailleurs, vous remarquerez : le signe de la croix, c’est cela. Je reçois Dieu dans ma vie (verticalité) et cela déborde de moi (horizontalité). L’Amour peut rayonner de moi. « Je deviens source jaillissante », dit Jésus à la Samaritaine.
Et le lieu ultime… se tient dans les sacrements. Il y a le sacrement du mariage où il dit : “je me donne à toi et je te reçois” et elle dit : “je me donne à toi et je te reçois”. Et puis, absolument lié, très proche l’un de l’autre, le sacrement de l’eucharistie, où Jésus nous dit : “je te donne mon corps, le voici. Je te donne mon sang”. Et nous, nous sommes invités à Lui répondre, dans un échange d’Amour. Nous sommes invités à nous laisser faire par Lui et à Lui dire : “je te reçois et je veux me donner à Toi”.