Homélie du 23e dimanche du TO, année B, 9 septembre 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – La vengeance de Dieu
« Voici la vengeance qui vient, la revanche de Dieu ». Peut-être que lorsque l’on entend ces mots, on n’a pas tout-à-fait l’habitude de les utiliser pour parler de Dieu. « La vengeance qui vient ». Alors on peut se poser la question : “quelle vengeance ?” Est-ce que c’est du même ordre de la nôtre, un homme en colère qui dit : “je vais me venger !”, et pour cela, tout écraser, tout détruire face à lui ? Non. Le prophète Isaïe nous le dit : « les aveugles verront, les sourds entendront, le boiteux bondira et le muet criera de joie ». Voilà la revanche de Dieu. Sa vengeance !
Dieu prend parti. Il prend parti contre ce qui le blesse au plus haut point. Et ce qui le blesse, Lui, Dieu, au plus haut point, c’est le mal. Ce qui le blesse au plus haut point, c’est ce qui nous blesse, nous. Et voilà que Dieu prend parti, pour son peuple d’abord, à l’époque, le peuple d’Israël est en exil à Babylone. Il prend parti pour son peuple et Il prend parti pour chacun de nous, contre le mal qui nous pourrit la vie.
Alors oui, c’est annoncé : « les aveugles verront, les sourds entendront, le boiteux bondira et le muet parlera ». Alors on pourrait se poser cette petite question : “mais quel mal ? Où est-il ce mal ? Nous ne voulons pas faire de mal.
II – La parabole de saint Jacques
Alors on entend cette parole de saint Jacques qui nous donne une petite parabole : imaginons que dans notre assemblée, on ait un très riche, et un très pauvre. Avec lequel serons-nous le plus accueillant, le plus sympathique ? Lequel attirera nos attentions et nos sourires ? Alors on se dire, tous, chacun : “bah non. C’est normal. Nous devrons autant être accueillant pour l’un que pour l’autre”. Et en même temps, si saint Jacques gronde la communauté de Jérusalem certainement, c’est peut-être que c’est arrivé. Et peut-être que cela arrive encore ! Que nous faisons acception des personnes… Que nous les jugeons sur l’apparence, sur l’extérieur… Peut-être d’ailleurs que c’est le riche que l’on n’accueille pas bien.
Ce mal-là, que dénonce saint Jacques, c’est un mal d’isolement, une coupure, une blessure de la relation. Évidemment ! Quand on met quelqu’un à l’écart et qu’on le repousse, où qu’on le met à une place en-dessous, ou trop au-dessus d’ailleurs, c’est une façon d’être séparé de lui, d’être coupé de lui. Cela blesse la relation.
C’est ce que l’on appelle le péché. Le péché, c’est cela. Essentiellement, c’est ce qui blesse, c’est ce qui tue la relation qui doit nous unir les uns aux autres, qui doit nous unir à nous-mêmes et qui doit même nous unir à Dieu.
Alors on pourrait se dire : “mais il n’y a pas besoin d’être chrétien pour le savoir !” Et de fait, non. Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour la savoir. Nous avons tous en nous la conscience, ce qui nous permet de discerner ce qui est bon de ce qui est moins bon. Et donc, normalement, de choisir le bon. Mais voilà ! La difficulté, elle est là ! Il nous faut choisir ce que nous avons discerné comme bien. Et parfois… c’est un peu dur. Parfois… on n’a pas envie. C’est fatigant ! C’est difficile. Et alors on prend la pente de la facilité, qui n’est pas la même pour tout le monde d’ailleurs. Pour certains, ce sera de très bien accueillir le pauvre et de laisser complètement tomber le riche. Et pour d’autres, de laisser tomber le pauvre.
Cette voix de la conscience, elle a besoin d’être soutenue, pour que nous puissions choisir. Et c’est là que Dieu vient prendre parti pour nous. Il nous l’annonce : les relations seront rétablies. Vous pourrez faire le bon choix, parce que Dieu vient prendre sa revanche, Il vient vous sauver. Il vient Lui-même, et nous savons bien quand est-ce qu’Il est venu nous sauver. Jésus !
III – Jésus est le libérateur
Dans l’évangile, Jésus est allé au Nord, du côté de Tyr et de Sidon. Et là, Il redescend un peu, Il va en Décapole. La Décapole, ce n’est pas très loin du lac de Tibériade, mais c’est un pays païen. Il y a dix villes, et ce sont des villes païennes. On ne sait même pas leur nom, d’ailleurs, dans l’évangile. Et Il est dans cette région-là. Et donc, là, les païens le reconnaissent comme certainement déjà au moins un guérisseur, et lui présentent un « sourd qui a du mal à parler ». Ils ont une forme de foi. Mais Jésus le prend quand même à l’écart. Peut-être pour éviter que les gens confondent magie et prière. Il le prend à l’écart et Il va prendre parti pour cet homme-là, cette personne-là. Il lui met les doigts dans les oreilles ; Il lui met la salive sur la langue. C’est très corporel. Il lève les yeux au ciel. Et pour toute chose importante, le Christ n’y manque pas : Il lève les yeux au ciel. On l’entendra tout-à-l’heure dans la prière eucharistique. « Et levant les yeux les yeux au ciel… Il le bénit, le rompit et le donna à ses disciples ». Il lève les yeux au ciel, parce que toute force qui est en Lui, Jésus-Christ, c’est une force de Dieu, qui est donnée par le Père.
Il lève les yeux au ciel, et Il soupire. Il souffle. Et même en grec, Il gémit. Alors sur ce gémissement, les auteurs se sont posés bien des questions. C’est peut-être un gémissement de compassion. Cet homme-là est enfermé en lui-même ; il n’entend pas, il ne peut pas parler. Et Jésus l’ouvre. “Effetah” ! Oui, Il lui ouvre les oreilles. Oui, Il lui délie la langue. Mais surtout, Il l’ouvre, Il lui redonne la possibilité d’être en relation. Et ce mot “effetah”, c’est aussi un rite pendant le baptême. Ce matin, nous avions une préparation au baptême toute la journée avec les familles qui vont baptiser des enfants pendant les mois qui viennent. Et puis nous avions aussi un baptême pendant la messe. Et nous avons vécu ce rite-là : “effetah” ! Le Seigneur t’ouvre, pour que tu puisses être en relation plénière avec Lui, et avec tes frères, et avec toi-même… “Effetah”. Et ses oreilles s’ouvrent, et sa langue se délie, et il peut proclamer les merveilles de Dieu. Et il peut bondir de joie. Et là, face à ces témoignages, tous sont frappés. « Il a bien fait toute chose, il fait entendre les sourds et parler les muets », la prophétie d’Isaïe s’accomplit, alors que ces païens-là ne connaissaient pas Isaïe.
IV – Ne soyons pas des huitres, mais des roses
Le baptême, nous avons été baptisés. Dieu nous a ouvert. Nous sommes capables d’être en relation. Le bon Dieu ne veut jamais le rabais. Il veut toujours le max pour nous, et le maximum pour nous, la vraie relation, la plus plénière, c’est celle de l’Amour. Dans sa bonté, Dieu nous ouvre, pour que nous nous aimions, et que nous nous laissions aimer. Et vous allez me dire : “oui, ça c’est vrai, au baptême, nous avons été libérés, et cette libération, elle était définitive. Et en même temps, aujourd’hui, je me rends bien compte que je me referme”. En tout cas, c’est mon cas… Telle l’huître : on m’a donné un trésor et… clac ! Je me referme. Et c’est difficile de se laisser ouvrir. C’est bien pour cela que chaque dimanche, on vient à la messe. Et cela se renouvelle chaque dimanche. Parce que chaque dimanche, le Seigneur vient nous ouvrir un peu le cœur. Et chaque semaine, je cherche à garder le cœur ouvert, mais j’ai tendance à me refermer. En fait, nous avons une petite tendance à faire l’huître, alors que le Seigneur, Lui, Il veut que l’on soit une fleur qui déploie ses pétales, et qui resplendit, et qui sent bon. Et une fleur, elle ne sent pas bon pour elle-même, elle sent bon pour les autres.
Alors il faut nous laisser ouvrir par le Seigneur, parce que nous, nous pouvons le décider. Mais on est un peu incapable de le faire. Alors par le baptême, nous avons cette connexion qui est la foi. Nous pouvons recevoir l’Amour de Dieu dans nos vies. Chaque jour prendre un petit temps de prière. 5 minutes, 10 minutes, 15 minutes… je ne sais. Chacun le temps qui lui va bien. Mais un vrai temps ! En silence, face à Dieu, peut-être dans cette église, peut-être dans le secret de sa chambre… un petit temps où l’on se laisse regarder par le Seigneur qui nous aime. Où on le regarde, Lui. Peut-être que cela va être difficile, peut-être que l’on va s’ennuyer. Mais ce n’est pas grave. On a tout à fait le droit de s’ennuyer en présence de celui qu’on aime. Et pendant ce temps, le Seigneur, Lui, travaille, dans nos cœurs, et Il nous change, doucement, lentement, à son rythme, à notre rythme. C’est aussi la vie des sacrements : la messe le dimanche, c’est aussi le sacrement de réconciliation… c’est bien ça. C’est nous ouvrir : “effetah” ! On aurait pu prendre “effetah” comme parole d’absolution. On a préféré : « je te pardonne tous tes péchés », mais c’est bien la même chose !
Alors accueillons la vengeance de Dieu dans nos vies… et pour que cette vengeance de Dieu s’accomplisse pleinement, il manque une toute petite chose, et cette toute petite chose, c’est notre oui !