Homélie du 21e dimanche du TO, Année B, 26 août 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – À qui irions-nous ? C’est toi qui a les paroles de la vie éternelle
Le dernier dimanche de juillet, nous avons eu la multiplication des pains. Et puis tout au cours du mois d’août, nous avons entendu ce grand discours que Jésus a fait à Capharnaüm. Ce discours du pain de vie ! Il se présente à nous comme étant la Parole de Dieu incarnée, comme étant la nourriture qu’il nous faut manger pour entrer dans la vie éternelle. Cette chair, il nous faut la manger ! Évidemment, en entendant cela pour tous ceux qui l’écoute et pour nous tous aujourd’hui, c’est un peu scandaleux… cela ressemble un peu à une proposition de cannibalisme ! Cette parole est rude. Qui peut l’entendre ?
Et voilà qu’un certain nombre vont quitter Jésus, vont renoncer à le suivre, parce qu’entrer dans cette communion plénière en mangeant la chair du Seigneur, ça ne leur paraît pas possible. Et ce qui est intéressant d’ailleurs, c’est ce qui n’est pas dans le texte. Jésus ne dit pas : “euh, non. Revenez ! C’était juste une façon de parler”. Non, Jésus les laisse partir, parce qu’effectivement, ce qu’Il leur a proposé est scandaleux.
On s’en rend plus très bien compte. Cela fait 2 000 ans que nous sommes invités chaque dimanche à communier, à manger le Corps du Christ. Que nous sommes invités à venir l’adorer, présent !, dans l’eucharistie. Donc cela ne nous scandalise plus… et pourtant ! Ça devrait…
Jésus nous dit qu’il nous faut manger sa chair pour entrer dans la vie éternelle. C’est cette question que l’on peut toujours se poser : “Qu’est-ce que c’est que cette vie éternelle que nous propose Jésus ?” Et vous le savez bien, la vie éternelle, c’est la vie qui est propre à Dieu… « Et Dieu est Amour ». Et donc, entrer et vivre de la vie éternelle, c’est aimer d’amour, d’un amour plénier, total. Un amour qui implique de se donner, de se donner tout entier, sans rien retenir. Et c’est bien ce que fais Jésus : “Je me donne à vous. Voici mon corps, donné pour vous. Voici mon sang. Je ne retiens rien”. Et sur la croix : « Il remit l’Esprit ». Il nous le donne ! Et Il nous envoie cet Esprit saint pour nous faire vivre de Sa vie.
Alors notre réponse ? C’est un acte de foi. C’est accueillir le don que Jésus nous fait. Tel qu’Il veut nous le faire. C’est la réponse de Pierre : « quant à nous, nous croyons et nous savons que Tu es le saint de Dieu ». Autrement dit : “que Tu es Dieu”. Et ça, c’est un pas immense ! Accepter de croire que Jésus est effectivement ce qu’Il dit. Et ne pas essayer de se faire un messie tel qu’on aimerait qu’il soit. On préfèrerait avoir superman. On préfèrerait avoir un libérateur qui gagne par la force, qui impose la paix. Eh non… Il se donne.
La souffrance, la mort, la détresse, la solitude ne disparaissent pas comme un coup de baguette magique. Mais s’Il est là, avec nous, avec les plus pauvres, les plus petits d’entre les siens, pour nous apprendre à aimer à travers ces épreuves.
Non. Jésus ne cherche pas à être populaire. Jésus nous donne ce qu’Il est, Lui, Dieu, tout entier. Un Dieu qui nous aime, un Dieu qui nous veut libre, un Dieu qui nous veut fidèle. Comme nous le rappelle la première lecture, ce passage du livre de Josué. Il a donné Sa vie pour nous, et Il nous invite à entrer dans son alliance, dans Sa vie. « Nous aussi nous voulons servir le Seigneur, car c’est Lui notre Dieu ». C’est cette fidélité-là à laquelle nous sommes invités.
« À qui irions-nous ? C’est Toi qui a les Paroles de la vie éternelle ». C’était la première partie.
II – Sur la lettre aux Éphésiens…
Ce chapitre 5 de la Lettre aux Éphésiens, jusque dans les années 65, c’était le texte que l’on avait à tous les mariages. Donc certains d’entre vous s’en souviennent peut-être. Et depuis 1965, il fait partie du choix pour les mariages, et généralement, il n’est pas pris… Alors pourquoi ? Vous le savez comme moi : « Par respect pour le Christ, soyez soumis les uns aux autres, les femmes à leur mari comme au Seigneur Jésus ». Et ça, ça a un peu du mal à passer. Mais si saint Paul nous le dit, c’est que ça doit être vrai… Il doit y avoir quelque chose à prendre, quand même, pour nous.
« Soyez soumis les uns aux autres… ». D’abord, quand saint Paul prend la parole, c’est bien à une réciprocité pleine qu’il nous invite. Ça s’applique au mariage, mais pas seulement. Nous sommes tous invités à nous soumettre les uns aux autres. Moi à chacun d’entre vous ; vous à chacun d’entre vous… Tous ! D’une certaine manière, la bonne manière de vivre, c’est d’accepter de se soumettre… avec un point d’attention, c’est que chacun de nous est invité à être soumis aux autres, mais aucun d’entre nous n’est invité à soumettre les autres ! Je choisis de me mettre dessous, de me faire petit, mais je ne choisis pas d’écraser les autres. C’est important cela : parfois, on pourrait entrer dans une sorte de non-sens et croire que ce qui est important, c’est que les autres soient écrasés par nous. Non ! Bien évidemment.
Alors, qu’est-ce que c’est que de se soumettre et accepter d’être soumis à l’autre ? C’est accepter de le recevoir, tout simplement ! Cela rejoint, la vertu, le conseil évangélique d’obéissance. Accepter l’autre comme un cadeau, une merveille que je reçois et je suis invité à me mettre à son écoute.
Alors on va dire : “oui, mais la soumission, elle n’est que du côté de la femme”. C’est que, là encore, il faut continuer le texte et saint Paul dit aux maris : « aimez vos femmes à la manière du Seigneur Jésus ». Et le Seigneur Jésus, comment Il aime ? Eh bien on l’a entendu pendant tout ce discours du pain de vie. Il donne sa chair à manger. Et on le voit concrètement : Il lave les pieds de ses disciples. Il se fait serviteur. Aimer sa femme, pour un mari, cela veut dire se mettre à son service, tout entier ! Sans rien retenir. En fait, tout ce texte-là, c’est une pleine réciprocité entre le mari et la femme. Il n’y en a pas un qui serait au-dessus de l’autre par choix, mais chacun des deux décide d’être en-dessous, au contraire.
Et ce texte, il va encore un peu plus loin. Parce qu’il nous parle non seulement de la relation entre le mari et la femme, il nous parle non seulement de la relation qu’il doit y avoir entre tous chrétiens, mais il nous parle de la relation qu’il doit y avoir entre le Christ, qui se donne tout entier, et l’Église, qui doit recevoir le cadeau que le Christ lui fait. Un cadeau !
Hier, il y avait deux mariages. Donc c’était jour de joie. Et de fait, chacun des deux mariages, dans la formule d’échange des consentements, il y a ce moment qui l’ultime, qui est le sommet : « je me donne à toi, et je te reçois ».
En fait, c’est exactement ce qui va se passer dans quelques instants. Tout à l’heure, Jésus nous dit à chacun : “Je me donne à toi, et je te reçois”. Et nous sommes invités à lui répondre : “Seigneur, je veux te recevoir. Je te reçois, et je me donne à Toi”. En fait, ce qu’il y a de plus ressemblant à un mariage, c’est peut-être ce moment de communion, de relation avec le Christ que nous sommes invités à avoir. “Je me donne à toi, tout entier”. Le Christ ne retient rien. Et nous sommes invités à le recevoir et à nous donner à Lui en échange.
Alors c’est beau, vu comme ça… et ça peut paraître un peu désincarné. Parce que si c’est vrai ce que je viens de dire, normalement, tous les mariages devraient pouvoir vivre cela et donc tous les mariages devraient pouvoir être parfaits. Et en même temps, on sait bien qu’au quotidien et même dans les relations autre que celles du mariage d’ailleurs, des relations sur la terre, c’est toujours un peu compliqué. Il y a toujours une forme d’arrachement à soi-même. Il faut lutter contre notre propre égoïsme. Il faut lutter aussi d’une certaine manière, contre notre tentation à voir chez l’autre un monstre d’égoïsme ! Il nous faut accepter de passer sur la croix, avec Jésus. Jésus pour pouvoir se donner à nous, a accueilli cette croix. Nous sommes invités à l’accueillir nous aussi. C’est douloureux. C’est douloureux… Et pourtant, c’est en donnant notre vie toute entière, sans rien retenir, que nous trouverons la vraie joie, celle que nous cherchons.
Alors, pendant cette messe, pendant cette eucharistie, pendant cette action de grâce, accueillons encore à nouveau le don de Dieu. Il se donne à nous. Faisons mémoire de nos engagements, de tous les lieux où nous donnons notre vie. Alors on pense particulièrement au mariage, je pense à mon ordination, mais chacun de nous : il y a des promesses scouts, il y a des engagements… même dans son travail. Ces lieux où l’on a décidé de se donner. Rendons grâce à Dieu pour ces moments-là ! Demandons-Lui Son Amour, pour apprendre à mieux se donner. Et alors nous ‘serons’ notre prière. Pendant la prière eucharistique, nous demandons nous-mêmes à Dieu que nous soyons nous-mêmes offrande, oblation sainte ! Voilà… Et c’est comme cela que nous trouverons ce pour quoi nous sommes faits. Offerts en cadeau les uns aux autres, offerts à Dieu.