Homélie du 17e dimanche du TO, année B, 29 juillet 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – Dieu veut prendre soin de nous
« Les yeux sur toi, tous, ils espèrent. Tu leur donnes la nourriture au temps voulu ». Ce verset du psaume, que l’on vient d’entendre, manifeste la foi du peuple d’Israël, manifeste la foi du priant. Le Seigneur veut prendre soin de son œuvre. Le Seigneur veut prendre soin de sa création. Le Seigneur veut prendre soin de chacun de nous.
Le Seigneur a pris soin de son peuple et on l’a vu déjà à l’époque d’Élisée. On est en 750 avant Jésus-Christ. Avec 20 morceaux de pain, voilà qu’on peut nourrir 100 personnes. Avec la manne dans le désert, Dieu a pris soin de son peuple et l’a empêché de mourir de faim. Dieu a donné l’eau. Dieu a surtout donné Son Fils, notre Sauveur. « Les yeux sur Toi, tous, ils espèrent ». Nous espérons ! « Tu leur donnes la nourriture au temps voulu ». Nous sommes comblés par la bonté du Seigneur.
II – de saint Marc à saint Jean
Cette année, nous sommes l’année B dans la liturgie. Cela veut dire que nous lisons tout au long de cette année l’évangile selon saint Marc. Et vous allez me dire qu’aujourd’hui, nous n’avons pas lu saint Marc. Pour deux raisons :
– d’abord, l’évangile selon saint Marc est le plus court des évangiles. Il ne fait que 16 chapitres. On le lisant d’une traite, on met deux heures. On est un peu en vacances, on a un peu le temps… c’est peut-être l’occasion de lire l’évangile selon saint Marc. Donc il est un petit peu plus court, donc pour remplir les 52 dimanches de l’année, il faut en ajouter un petit peu… Donc on ajoute un peu de saint Jean. C’est la première raison, très matérielle et très pratique.
– La deuxième chose, c’est que la semaine dernière, nous avons vu Jésus dont les entrailles s’étaient serrées de compassion pour cette foule qui était comme des brebis sans berger. Et Il se mit à les enseigner. Il leur a donné la nourriture de l’intelligence. Il leur a donné de quoi nourrir leur foi. Il leur a donné de quoi grandir dans la relation avec le Père du ciel. Et puis, dans l’évangile selon saint Marc, c’est à ce moment-là, juste après cet enseignement, que vient se placer la multiplication des pains. C’est un peu un signe pour montrer à ce peuple qu’Il nourrit de manière intellectuelle et spirituelle, que vraiment, c’est une vraie nourriture. Il multiplie les pains pour leur montrer que c’est du même ordre, finalement.
La nourriture spirituelle, la nourriture intellectuelle, est aussi importante que la nourriture du corps. D’ailleurs, on le sait bien…. En fait, on n’en a pas toujours conscience. Nous tous, et dans le monde, on nourrit facilement notre corps, on en prend soin. Globalement on prend soin aussi de notre intelligence. On va à l’école et après on continue à s’instruire, à se former, à lire, à s’informer. Et puis la dimension spirituelle ? Elle est aussi nécessaire. Et c’est souvent elle le parent pauvre….
Voilà ce que veut nous dire saint Marc, c’est que la dimension spirituelle est aussi importante que la dimension matérielle.
Et puis là on fait un bond. On a lu saint Marc jusqu’au chapitre 6 dimanche dernier… et là, on fait un bond et on passe au chapitre 6 de saint Jean. Saint Jean, lui, a une logique inverse. Il commence par la multiplication des pains et c’est ensuite qu’il fait un grand discours.
Alors cette multiplication des pains, on l’a entendue aujourd’hui. Et puis tous les dimanches du mois d’août, on entendra le discours que Jésus a fait en la synagogue de Capharnaüm et qui vient compléter ce signe de la multiplication des pains. Alors, peut-être, là aussi, on va l’entendre tout au long du mois, ce chapitre 6 de saint Jean, mais il mérite d’être lu d’une seule traite, d’abord, et non pas découpé en petits morceaux. Et puis c’est une vraie nourriture pour nous. Là encore, n’hésitez pas à lire le chapitre 6 de l’évangile selon saint Jean.
III – Dieu choisit d’avoir besoin de nous
Cette multiplication des pains : Jésus lève les yeux, voit une foule nombreuse qui vient à lui. Il dit à Philippe : “où pourrions-nous acheter du pain ? ” Philippe reste coi : “bah, il y a beaucoup trop de monde ! Nous n’aurions pas assez… Nous n’avons pas d’argent et de toute façon, même si il y avait des boulangers à côté, ils auraient du mal à fournir toute la quantité nécessaire”. Jésus nous montre un peu son humour. Il savait ce qu’il allait faire. En fait, on le sent presque un peu taquin. Quelle épreuve ? Quelle épreuve est-ce pour Philippe ? Elle est double. Philippe doit d’abord faire confiance à Jésus. Il est invité à faire un pas. Finalement nous ne pouvons rien faire, parce que le salaire de 200 journées, nous ne l’avons pas. C’est quasiment un an de salaire en fait, 200 journées… Nous ne l’avons pas ce salaire… Et en même temps, c’est quand même vers Philippe que Jésus se tourne. Et donc il faut que Philippe fasse confiance en lui-même. Si Jésus lui demande, c’est qu’il a son rôle à jouer, une place à tenir. Cette épreuve, nous avons à y faire face, peut-être tous les jours de notre vie. Nous aussi, il nous faut faire confiance en Dieu, en la parole du Christ et puis avoir confiance en nous-même, si nous avons des responsabilités, si nous avons des charges, c’est parce que Dieu nous y a appelé. Il nous faut accepter d’être comme un instrument de la grâce de Dieu. Un instrument de l’action de Dieu. Pour nous-mêmes. Et pour les autres.
C’est saint Augustin qui a une parole et qui dit que « si Dieu nous a créé sans nous, Il ne nous sauvera pas sans nous ». Ce qui se passe, là, dans cette multiplication des pains, c’est dans cet ordre-là. Jésus pourrait donner un sentiment de satiété à toute cette foule. Il pourrait faire apparaître nourriture à profusion pour cette foule. Mais non. Il décide d’avoir besoin de l’aide de ses disciples, de ses apôtres, qui sont invités à chercher une solution, et qui en trouvent une, même si elle est toute petite. “Il y a là un jeune garçon, avec 5 pains et 2 poissons”. Qu’est-ce que c’est que ces 5 pains et ces 2 poissons ? Peu de chose ! Et qui seront ensuite invités à participer à l’œuvre de la multiplication des pains dans le sens où ils vont être invités à partager, à transmettre ce pain et à en ramasser les restes.
Donc ils ont leur place. C’est le Christ qui fait l’essentiel du travail bien évidemment. Mais Jésus choisit d’avoir besoin de nous. Lorsque l’on est à Tabgha, – Tabgha c’est sur le bord du lac de Tibériade, cette mer de Galilée -, et à Tabgha, c’est le lieu de la multiplication des pains, un lieu qui en été est sec, mais qui au printemps, en avril, au moment de la Pâque des Juifs, est justement une zone herbeuse. Et donc tout ce monde-là est assis sur l’herbe et à Tabgha, il y a le rocher, une église qui est construite sur le rocher que la Tradition nous désigne comme étant le lieu où Jésus était assis pour faire cette multiplication des pains. Et devant ce rocher, il y a une mosaïque. Et cette mosaïque, elle représente deux poissons, un panier, et puis un, deux, trois, quatre pains ! quatre pains ! Pourtant, c’est bien avec cinq pains et deux poissons que le Christ a accompli ce signe. Il manque un pain… parce que le pain dont le Seigneur a besoin… c’est nous ! C’est chacun de nous ! Nous sommes invités à Lui faire confiance suffisamment pour nous laisser transformer par Lui, pour nous laisser être le bon pain qui va nourrir ceux qui en ont besoin au sein de notre communauté et bien évidemment aussi et peut-être surtout en dehors. C’est là le point essentiel. Accepter d’être ce cinquième pain.
Pour l’Eucharistie aussi, Jésus a besoin de nous
Dans cette épreuve, que Jésus propose à ses apôtres, dans cette épreuve qu’Il nous propose à chacun, elle est double. Il faut avoir confiance en Lui, le Christ, qui est notre sauveur, vers qui nous pouvons nous tourner en espérant et Il nous donnera notre nourriture. Nous tourner vers Lui en acceptant et en accueillant son Amour, en acceptant de nous laisser aimer. Parce que même si l’on a l’impression de n’être pas très aimable, Lui, Il nous aime ! Il nous connaît bien mieux que nous-mêmes.
Ça, c’est la première dimension de l’épreuve.
Et la deuxième dimension de l’épreuve, c’est que nous avons part à l’action de Dieu, nous avons part à l’action de salut du Christ. Chacun de nous, nous avons une place à tenir dans le Corps du Christ. Pour que le monde soit sauvé !
Vous savez, et c’est le dernier mot, que la multiplication des pains, c’est une annonce de l’eucharistie. On le voit premièrement parce que Jésus prit les pains et « après avoir rendu grâce », autrement dit en grec : « après avoir fait eucharistie », Il les distribua aux convives. Chaque fois que nous communions au Corps du Christ, nous acceptons de devenir nous-mêmes ce pain. Ce pain qui sera donné. Et à chaque fois, à chaque messe, lorsque nous entendons cette parole : « ceci est mon corps donné pour vous… livré pour vous », chacun de nous au plus profond de notre cœur, nous pouvons nous dire Seigneur : “mon corps, ma vie, je te la donne pour que Tu la distribues aux convives, à tous ceux qui sont appelés”. À tous ceux qui sont invités.