Homélie du 16e dimanche du TO, année B, 22 juillet 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Lorsque Jérémie prend la parole dans la première lecture, on est à peu près en 600 avant Jésus-Christ. Le royaume d’Israël est détruit depuis un siècle, au Nord, et au Sud, le royaume de Jérusalem est en grand danger. Et Jérémie met en garde les pasteurs du peuple. Dieu leur a confié une mission. Il les a appelés : d’abord Aaron et ses descendants, pour être prêtres, pour être garants de la sainteté d’Israël, pour être garant de la relation entre Dieu et son peuple. Et les prêtres ne font pas leur travail. Et puis, les rois ! les fils de David. Dieu les a appelés pour qu’ils soient les garants de la paix à l’intérieur du peuple. Que chacun soit réellement au service les uns des autres et qu’il y ait une vraie paix sociale. Et les rois ne font pas leur travail.
Alors se sont levés, – la troisième catégorie ! -, les prophètes. Et depuis Élie, et avant même, Amos, tous les prophètes viennent rappeler aux rois et aux prêtres quelle est la mission que Dieu leur a confiée. Mais peine perdue…
Alors Dieu fait une promesse : c’est Lui qui va venir prendre soin de son peuple. « Je rassemblerai moi-même le reste de mes brebis. Je les ramènerai dans leur enclos. Je susciterai pour elles des pasteurs. Elles ne seront plus apeurées, ni effrayées. Ce jour-là, Judas sera sauvé et Israël habitera en sécurité ». Cette parole du prophète Jérémie, cette parole de Dieu, le peuple avait besoin de l’entendre, parce que quelques semaines plus tard, quelques mois plus tard, le peuple va partir en exil. Le temple va être détruit et la Terre promise, les Hébreux n’y habiteront plus.
Et on se souviendra : « Je susciterai pour David un germe juste », une descendance adéquate, juste… Et on sait que c’est le Messie qui est annoncé. « Celui dont le nom sera : le Seigneur est notre justice ».
Alors pendant cette période de l’exil, on va méditer cette parole et c’est à ce moment-là qu’on écrit le psaume. Ce psaume 22, que l’on connaît par cœur ! « Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien. Sur des prés d’herbes fraîches, Il me fait reposer ». Le début du psaume, c’est la contemplation des merveilles de Dieu. Et la deuxième partie, on entre dans un dialogue avec Lui : « c’est Toi qui me mène… C’est Toi qui est avec moi et qui me rassure… C’est Toi qui me guides… ». Le Seigneur est avec nous et le peuple découvre que même dans les temps de détresse, le Seigneur est avec nous. C’est une grande nouveauté par rapport au paganisme. Pour les païens, Dieu est avec nous seulement quand on gagne. Quand on est en exil, quand on est vaincu, cela veut dire que Dieu n’est pas avec nous. Et nous découvrons avec l’exil, avec la parole de Dieu la manière dont Dieu se révèle : c’est que lorsque nous sommes au fond du trou, Dieu est avec nous. Il ne nous abandonne pas. Au contraire ! Il est peut-être même PLUS avec nous.
Alors oui, « grâce et bonheur m’accompagne tous les jours de ma vie ». Finalement, les Juifs, en exil, vont découvrir que le plus important, ce n’est pas d’avoir une terre, ce n’est pas d’avoir un temple, le plus important, c’est d’être dans l’amitié du Seigneur. Le seul vrai bien, c’est Dieu Lui-même. Et c’est pour cela que dans l’oraison, dans la prière du début de la messe, nous avons demandés à Dieu qu’Il fasse grandir en nous l’espérance, la foi et la charité. Espérance, foi et charité, c’est Dieu lui-même qui se donne et qui nous connecte à Lui.
La foi, c’est la connexion avec Lui, la relation de confiance, la vie de Dieu qu’Il nous donne. L’Amour, la charité, c’est cette vie que nous recevons et que nous sommes invités à faire croître, à laisser déborder de nous. Et l’espérance, c’est que nous possédons déjà la promesse de l’éternité.
Oui, Dieu Lui-même est notre vrai bien.
Et voilà que dans l’évangile, Jésus vient d’envoyer ses disciples en mission. Et ils ont bien remplis leur mission. Ils ont annoncé le Royaume de Dieu ; ils ont guéri des malades ; ils ont libéré des possédés. Et quand ils reviennent, ils sont un peu fatigués… ils ont bien travaillé. Et Jésus prend soin d’eux : “venez, à l’écart, dans un endroit désert, reposez-vous !” Et alors, Jésus emmène ses disciples dans un endroit désert. Ses disciples, qui sont maintenant des apôtres, des envoyés, qui ont reçu cette mission, il leur faut se mettre à l’écart.
Pour deux raisons :
* d’abord parce que c’est à l’écart que l’on peut se reposer. Que l’on peut contempler les merveilles de Dieu. Que l’on peut mettre un point final à l’action que l’on a accomplie… Dieu se repose à la fin de son œuvre de création, au septième jour. C’est comme le repos du peintre, qui fait un pas de recul et qui contemple son tableau terminé, avant d’aller signer. “Oui, c’est une belle œuvre”. Eh bien, les apôtres sont invités à prendre un peu de recul aussi. Pour contempler la merveille de Dieu et que Dieu a accompli à travers eux d’ailleurs. Nous sommes en période d’été, pour beaucoup, ce sont les vacances, c’est peut-être l’occasion de prendre aussi ce temps de recul, pour contempler les merveilles de Dieu pendant l’année.
* “Venez à l’écart dans un endroit désert…”. La deuxième idée de cet évangile, c’est que Jésus prend soin de ses disciples. Il ne les laisse pas s’épuiser. Son but, ce n’est pas le burn-out… L’objectif du Christ, c’est que ces disciples soient unifiés, en paix avec eux-mêmes, finalement.
Et voilà qu’Il traverse la mer, et là, en arrivant, qu’est-ce qui se passe. Eh bien Il trouve une foule, qui est là, qui les a devancés. Cette foule. Et là, le cœur de Jésus se serre. Ses entrailles s’écrasent. Il est prit de compassion. En grec, c’est un mot assez fort : c’est vraiment que ses entrailles se tordent… Il est pris de compassion et face à cette foule, Il lui faut agir. Elles étaient comme des brebis sans bergers. Et Jésus accomplit la parole de Jérémie : Il est ce bon pasteur. Il est la promesse de Dieu qui s’accomplit. Il veut prendre soin de cette foule. Et Il commence par l’enseigner. Il prend soin de leur cœur ; Il prend soin de leur âme ; Il prend soin de leur intelligence. Et nous verrons dimanche prochain qu’Il prend aussi soin de leur corps, en accomplissant une multiplication des pains.
Il est le bon pasteur. Il est celui que Dieu nous envoie pour prendre soin de nous. Pour prendre soin de chacun des habitants de ce monde. Alors on pourrait se dire : “puisque Jésus s’occupe de tout, on est tranquille”. Mais ce n’est pas comme cela que fonctionne le Seigneur.
Le Seigneur, par notre baptême, nous a connecté à Lui. Il nous a fait membres de Son Corps. Et quand l’un de nous prend soin d’un pauvre, c’est le Christ qui prend soin d’un pauvre. Si l’un de nous ne prend pas soin d’un pauvre, le Christ n’y arrive pas ! Il a besoin de nous. Il a choisi d’avoir besoin de nous. Et si nous n’occupons pas la place, notre place dans Son Corps, eh bien personne ne le fera à notre place.
Certains parmi nous sont parents, papas, mamans… Vous avez des brebis, vous êtes le bon pasteur pour vous enfants, pour votre époux, pour votre épouse. Certains sont grands-parents : vous êtes bon pasteur pour vos enfants, petits-enfants… D’autres sont chefs d’entreprises, chefs de service, responsables d’équipes, soignants, enseignants, je ne sais… tous, finalement d’une manière ou d’une autre, bien particulière, dans un appel spécifique, nous avons à être membres du Corps du Christ, autrement dit membres du Corps de Celui qui est le bon pasteur, et d’être à notre place, bon pasteur pour toux ceux qui sont autour de nous.
Oui, quand Dieu dit, dans la lecture du livre de Jérémie : « voici venir des jours où je susciterai un pasteur… je susciterai pour elle des pasteurs qui les conduiront ». C’est de vous, c’est de moi, c’est de nous dont il parle. Et nous ne pouvons pas faire celui qui n’a pas entendu. Nous sommes chargés, nous sommes responsables des uns des autres. Finalement, la mission que nous recevons, c’est la réponse à la question de Caïn : “est-ce que quelqu’un m’a fait responsable de mon frère ?” Oui. Nous sommes responsables les uns des autres.
Alors mettons-nous à la suite de Jésus et comme Lui, prenons soin de ceux qui sont autour de nous, en les emmenant se reposer à l’écart, en pensant que nous en avons besoin aussi. Juste pour contempler… Et puis aussi pour enseigner, pour annoncer la merveille de Dieu, pour annoncer l’essentiel, c’est que Dieu est le seul vrai bien.