Par l’abbé Gaël de Breuvand,
en présence de monsieur le maire de Brignais, Paul Minssieux, d’élus municipaux et d’anciens combattants
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Homélie du 8 mai, Année B, Messe pour demander la paix et la justice
8 mai 2018. 8 mai, c’est la fin d’une guerre, qui a duré 6 ans et qui nous a montré toutes les atrocités possibles. C’est aussi 2018, un siècle. Un siècle que cette Première guerre mondiale a pris fin. Et c’est d’ailleurs pour cela que sur le cierge pascal est représenté le Christ et la Vierge Marie, prenant soin d’un poilu.
I – la paix, fruit de l’amour
C’est l’occasion aujourd’hui de prier pour la justice et pour la paix, puisque cela va ensemble. On ne peut pas les séparer.
La paix. Certainement un des biens les plus importants, un des plus grands biens dont on puisse profiter. L’un des plus précieux. Il est tellement précieux qu’il nous est nécessaire pour vivre vraiment dans la joie. Et ce bien-là, c’est ce que dit Jésus. C’est Dieu Lui-même qui nous le donne. La paix, c’est un cadeau de Dieu. « La paix soit avec vous ! », dit Jésus. Un cadeau de Dieu.
Et en même temps, Dieu ne nous donne pas immédiatement, pas premièrement la paix. Pour pouvoir vivre dans la paix, il nous faut accueillir un autre cadeau auparavant. « Par-dessus tout, – c’est ce que saint Paul nous dit -, par-dessus tout, ayez l’Amour, qui est le lien le plus parfait et alors dans votre cœur régnera la paix du Christ ».
L’amour. L’amour, c’est le fait de décider, de choisir de se mettre au service de la joie et du bonheur de ceux qui sont là, près de nous. Ou un peu plus loin… Pour travailler vraiment à leur joie. Et alors c’est ainsi que nous aimons, et nous sommes faits pour cela. Tous, Chacun.
Et on pourra d’ailleurs juger de la qualité d’une société à la manière dont au sein de cette société, les gens s’aiment les uns les autres. C’est d’ailleurs encore un commandement du Christ. « Aimez-vous les uns les autres, comme Moi, Je vous ai aimés ». On pourra évaluer la qualité d’une société à la manière dont elle valorise ce commandement : « aimez-vous les uns les autres ». Et alors, quand chaque chose est à sa place, quand effectivement l’amour est premier dans notre vie personnelle et autour de nous… Alors oui, la paix vient. Comme par surcroît. Comme un cadeau supplémentaire. Lorsque Jésus arrive au milieu des disciples, Il leur fait ce cadeau parce qu’ils sont capables de le recevoir. Ils ont déjà appris à s’aimer les uns les autres et à se tourner vers le Christ en l’aimant. Chaque chose à sa place. Chacun à sa place, au service de la joie de ses frères. C’est cela qui donne la paix.
Alors vous allez me dire : “on est tous d’accord sur ce principe-là. Il n’y a rien de très original”. Et pourtant, on constate la guerre. Alors on constate des guerres longues et pénibles, et durable… comme les 70 dernières années nous l’ont montré. On a enchaîné les guerres. Des jours de paix, il n’y en a pas beaucoup sur notre terre.
II – Le mal, c’est en voulant se passer de Dieu
Alors pourquoi ? On constate qu’il y a du mal dans notre monde. En fait, le premier mal qu’il nous faut rechercher, c’est celui qui est au fond de notre cœur. Il n’y a pas besoin de chercher très longtemps. Le moment où, au lieu de me mettre au service de la joie de l’autre, je me referme et je sers mon égoïsme, cela arrive quand même très régulièrement. De fait, nous chrétiens, nous croyons à cette présence d’un tentateur, d’un diviseur, qui va nous pousser à nous séparer les uns les autres, au lieu d’établir des liens. Ce diable, qui nous pousse à nous faire Dieu. À croire que nous pouvons arriver par nous-mêmes arriver à un salut. “Nous aurons la vie éternelle grâce à nos propres forces. Nous aurons la puissance grâce à nos propres forces”.
Et de fait, il y a 70 ans, le 8 mai mettait fin à une de ses tentatives du diviseur pour vouloir faire de l’Homme un Dieu. Le nazisme, c’est cela. Avant d’être une théorie politique, c’est en fait une religion. Le nazisme. Une religion qui s’oppose à Dieu et qui veut faire de l’Homme la référence de toute chose.
Mais ce n’est pas cela évidemment. Le Christ nous montre que la grandeur de l’Homme, c’est de reconnaître sa dépendance. Dépendance envers Dieu et dépendance envers nos frères. Nous avons besoin les uns des autres.
Alors on pense à ce mal qui est posé volontairement, d’une manière consciente, quasiment, par ceux qui prônent un certain nombre d’idéologies. On pense à des idéologies passées et puis on pense aussi à des idéologies présentes.
III – face au mal, notre engagement dans l’amour
Et puis il y a aussi cette, – comment dire ? -, notre complicité. Pas pleinement responsable, pas pleinement coupable. Mais le fait qu’il y a du mal qui se passe, mais je ne réagis pas. On en a des exemples tout autour de nous. Nous ne réagissons pas : “parce que ce n’est pas à nous de réagir” ou “de toute façon, ça ne nous concerne pas immédiatement”. Voilà et finalement, c’est notre faiblesse, c’est peut-être notre complicité, c’est peut-être notre lâcheté. En fait, une forme de non-amour. Nous nous refusons à donner notre vie.
Il y a quelques jours, j’ai rencontré la vice-présidente de l’association qui s’est fondée autour de Marin, – vous savez, ce garçon d’une vingtaine d’années qui a pris position justement face à un groupe de jeunes qui insultaient deux autres qui s’embrassaient. Il a pris position en disant : “arrêtez !” Et ayant pris position, il a pris le bus et là, l’un des moqueurs l’a suivi et l’a littéralement massacré puisque aujourd’hui, deux ans après, Marin a toujours des séquelles très lourdes. Il a rencontré le pape il y a peu… -. De fait, poser un acte d’amour, ce qu’a fait Marin, c’est exigeant et ça peut nous demander jusqu’à toute notre vie.
On pense aussi au colonel Beltrame. Il est entré dans cette fosse aux lions en sachant ce qu’il risquait sans armes. Comme tout un chacun, il l’espérait bien pouvoir s’en sortir. Mais il savait ce qu’il risquait. Savoir se lever et prendre position jusqu’à donner sa vie, c’est ce que nous sommes invités à faire, c’est ce que le Christ nous donne comme exemple. Le Christ ne nous demande pas de mettre en œuvre la violence. Il nous appelle à nous lever et à dire, rappeler, ce que sont nos valeurs. Nos valeurs. Aimer. C’est ce qu’on fait les soldats qui se sont engagés en 1939, en 1940 et après pour prendre position face à une idéologie barbare et nazie.
Alors pour autant, la guerre reste un mal. Et même si on a pris position pour de bonnes raisons, on sait que cette guerre peut nous contaminer. Et il est difficile, lorsque l’on prend position, lorsque l’on s’oppose, que l’on lève le drapeau de l’Amour, finalement, face à celui de la haine, il est quand même difficile de ne pas se laisser tenter par la haine. Alors c’est peut-être là qu’est le premier combat. Si on veut vraiment la paix, le premier combat, il est là, dans notre cœur. Que nous sachions toujours aimer, même celui qui est notre ennemi. C’est un combat qu’on va trouver sans fin, peut-être ingagnable et pourtant, en réalité, il est déjà gagné. La victoire est acquise parce que le Christ a vaincu la mort. Il a vaincu la haine et Il nous donne la vie.