Homélie du 3e dimanche de Pâques, Année B, 15 avril 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après retranscription.
En arabe on dit « Mektoub » : « c’était écrit ! ». Et quand on dit cela, habituellement, c’est que l’on n’a pas eu le choix : « c’était écrit ! ». Et de fait, en écoutant cet évangile, on peut se poser la question : « Mektoub ! ». Il était dit que Jésus souffrirait, serait condamné à mort et mourrait sur une croix. Du coup puisque c’était écrit, où est notre liberté ? Est-ce que le projet de Dieu avance, y compris en voulant le mal ? Contre notre gré ? Et du coup, nous n’avons pas le choix ?
Homélie du 3e dimanche de Pâques, Année B, 15 avril 2018
I – C’était écrit
« C’était écrit ! ». C’est d’ailleurs tellement dérangeant qu’un bon nombre d’hérésies ou de conflits autour de la doctrine chrétienne trouvent leur cœur ici. Le jansénisme, c’est ça. Le luthéranisme, c’est ça. “C’était écrit ; je n’ai pas le choix”.
Alors en fait, quand on se penche vraiment sur l’ensemble des écritures et qu’on se pose la question : “qu’est-ce que veut dire Jésus quand Il nous dit : c’était écrit que le Christ souffrirait ? ”
En fait, Dieu établit une relation avec nous. Une relation qu’on appelle l’amour. Il s’approche de nous. Il se fait connaître de nous. Il se met à notre service pour notre joie et notre bonheur. Et nous sommes invités à Lui répondre. Ce qui est écrit dans la Bible, c’est le mode d’emploi de cette relation. Et on en a d’ailleurs un passage assez frappant, cette lecture de la première lettre de saint Jean : « voici comment nous savons que nous le connaissons : si nous gardons ses commandements. Celui qui dit : je le connais, et qui ne garde pas ses commandements est un menteur ». Les commandements, où sont-ils ? Eh bien ils sont dans les 2000 pages de la Bible.
Voilà le mode d’emploi de la relation que nous avons à établir avec Dieu et puis avec les autres parce que ça va ensemble, vous le savez bien. Un mode d’emploi et nous sommes libres d’entrer dans cette relation en aimant, nous, ou bien nous sommes libres de nous y opposer.
« Et Dieu est ». Et donc Il connaît toute chose. Il connaît le fond de notre cœur. Et Il sait que pour nous, il est souvent plus facile de nous opposer à son projet d’amour. Alors oui : « c’était écrit ! ». Mais ce que fait le Christ, ce que fait Dieu à travers ce mal qui s’oppose immédiatement à son projet, c’est qu’Il en tire un plus grand bien. Il en tire la vie. En fait, dans ce qui est un non-sens absolu, la souffrance de la croix, la mort, Il choisit d’aimer. Et vous savez que aimer, c’est vivre. Et nous découvrons par la résurrection que la vie est plus forte que la mort, que l’amour est plus fort que la mort.
Dans nos vies, on peut faire de même. Sans être grand prophète, je pourrais dire quasiment pour chacun de vous : “vous souffrirez, vous connaîtrez des maladies, vous aurez des moments d’isolement…”. Tout cela, ça va venir dans nos vies. Et tout cela, comme le Christ, nous sommes invités à le traverser en aimant. La croix, elle viendra de toute façon. La croix viendra de toute façon et nous avons cette capacité, cette liberté de faire de cette croix un lieu de vie.
« C’était écrit ! ». Il était écrit aussi que nous serions tous appelés à vivre et à aimer.
II – la Résurrection, ce n’est pas qu’une belle histoire
Cette foi, cette certitude, elle s’appuie sur une réalité qui est la Résurrection du Christ.
Il y a quelques temps, une maman veut expliquer ce qu’est Pâques à son enfant qui a trois ans et demi, quatre ans. Donc elle lui explique : “Jésus est mort sur la croix. Puis on l’a enterré, on l’a mis dans un tombeau, une sorte de chambre avec un lit en pierre. Et trois jours plus tard, Jésus s’est relevé”. Et l’enfant, il a bien compris et à la fin il conclut en disant : “en fait, c’est comme Blanche-Neige”. Alors effectivement, on pourrait croire que c’est comme Blanche-Neige. Que c’est un conte pour nous dire quelque chose d’important, une sorte de parabole. Le Christ est mort, mais comme l’amour est tellement important, en fait, au fond de nous, il est encore vivant. C’est un peu la théologie du Roi Lion. Vous savez le dessin animé de Walt Disney. “Il est encore vivant dans les étoiles, dans ton cœur. Mais en vrai, non”.
De fait, c’est une question qui s’est posée très vite dans l’Église pour les premiers chrétiens : “mais est-ce que cela n’est pas une belle histoire, un conte que l’on nous raconte au sujet de ce Jésus ressuscité ? Est-ce que ce n’est pas que l’espérance des disciples était telle qu’ils se sont autosuggestionnés, ils ont cru qu’ils l’avaient vu alors qu’en fait…”. C’est là que nos textes, celui de la semaine dernière et celui de cette semaine, sont très intéressants, parce que justement, ils répondent à cette question.
Thomas était très proche des autres disciples. Et quand les autres disciples lui disent : “on l’a vu !”. Cela aurait pu être confortable pour lui de se dire : “bah oui. Évidemment. Il est là, vivant, présent au milieu de nous dans nos cœurs”. Non. Thomas ne croit pas. Et il faut cette rencontre pour croire. Et aujourd’hui de même. Pour l’instant, on est sur des récits. On vient d’avoir le récit dans l’évangile de saint Luc, on vient d’avoir le texte des disciples d’Emmaüs… Les disciples sont rentrés en courant, racontant leur rencontre et les 11 qui sont au cénacle leur disent : “oui, Il est apparu aussi à Pierre”. Pour l’instant, la majorité des chrétiens ne croit que ce qu’on lui a dit. Ça pourrait être une belle histoire inventée par deux ou trois.
Et voilà que Jésus est là, présent au milieu d’eux. Et pour montrer que cela les surprend, qu’ils ne pensaient pas forcément à une réalité telle que la résurrection : « ils sont saisis de frayeur et de crainte ; Ils croyaient voir un esprit”. En fait pour eux, résurrection, ça ne voulait encore rien dire. Et il va falloir que Jésus les fasse toucher, les fasse voir, montre qu’Il mange, pour que les disciples croient que vraiment la résurrection est quelque chose de tangible, de substantiel. Qui est réel non seulement dans nos cœurs, mais aussi dans le monde physique. Ce n’est pas une hallucination. Ce n’est pas une autosuggestion. Il a fallu que le Christ apparaisse et qu’IL se fasse présent réellement, concrètement, matériellement, pour que les disciples acceptent de croire. Et sur leur témoignage, et le fait qu’ils aient rencontré le Christ en chair et en os, que nous, nous pouvons croire. Et que nous sommes les récipiendaires de la parole du Christ : « heureux ceux qui croient sans avoir vu ». Mais si nous pouvons croire sans avoir vu, c’est parce qu’ils furent, – saint Paul dit 500 -, 500 à l’avoir vu en vrai.
III – Nous aussi, nous ressusciterons
Et je vais conclure avec un dernier petit point, parce que nous parlons de résurrection de Jésus. Et cette résurrection de Jésus, c’est le début d’une histoire. Le début de la relation plénière entre Dieu et moi dans mon cœur. Mais pas seulement. C’est aussi le début de ma vie à moi, pour toujours. Car comme Jésus, nous allons ressusciter. Comme Jésus, nous sommes destinés à une vie éternelle, – la vie de Dieu -, une vie qui est celle de l’Amour, avec nos corps ! Parce que nous sommes des êtres humains. Et si nous n’avions pas de corps, nous serions des anges. Mais pas des hommes. Nous mourrons, tous. Nos fonctions physiques vont s’arrêter. Mais Dieu nous aime et Il nous maintient en existence, jusqu’au jour où nous nous retrouverons avec nos corps.
Alors, les aspects biologiques et physiques de la question, on ne les maîtrise pas. On peut juste se dire quelques indices, quelques pistes, convictions que l’on tire à partir de la résurrection du Christ. Le Christ, Il est reconnaissable. Difficile à reconnaître ! Parce qu’il faut que nos cœurs soient ouverts. Mais on l’identifie : Il est Jésus. Et Il se présente, il dit : “regardez, c’est bien moi. Regardez mes mains, mes pieds, ma plaie au côté, mes cicatrices de la couronne d’épines…”. C’est bien Lui. On peut le reconnaître. Un corps glorieux qui ne dépend pas tout-à-fait des limites physiques de notre monde. Il apparaît au milieu d’eux. Il n’est même pas passé à travers le monde. Il apparaît, – là ! -, au milieu d’eux.
Et puis Il porte encore des cicatrices. Ses cicatrices sont les marques de la folie de son Amour. Comme les décorations, comme des mémoriaux de la manière dont Il nous aime. Si nous nous projetons, je ne sais pas à quoi exactement nous ressemblerons, lorsque nous serons ressuscités. Je sais que nous pourrons nous toucher les uns les autres. Je sais que nous ne serons pas tout-à-fait soumis aux limites physiques de notre temps, de notre monde actuel. Et je sais aussi que nous porterons, dans notre chair visible, les traces de l’amour que nous aurons reçu et de l’amour que nous aurons donné.
Car c’est cela ! L’histoire de la résurrection, ce n’est pas juste une belle histoire, ce n’est pas un beau conte, ce n’est pas Blanche-Neige ni le Roi lion, c’est l’histoire d’un Amour qui est réel. Dieu nous aime, et Il nous donne Sa vie.