Par le père Séraphin Kiosi, d’après Anne-Marie Pelletier, théologienne
1. Le rude chemin de Golgotha.
Génération après génération, l’Église a médité ce chemin de croix jalonné de trébuchements et de chutes : Jésus tombe, se relève, puis retombe, reprend la marche épuisante, sous les coups des gardes qui l’escortent, puisque c’est ainsi que sont traités les condamnés en notre monde.
Celui qui a relevé les corps grabataires, le voici aujourd’hui effondré sur le sol poussiéreux.
Le Très Haut est à terre.
Fixons le regard sur Jésus. Par lui, le Très Haut nous enseigne qu’il est aussi le Très Bas, prêt à descendre jusqu’à nous, toujours plus bas s’il le faut, de sorte qu’aucun ne se perde dans les bas-fonds de sa misère.
Donne à ton Eglise, nous t’en supplions, de témoigner que le Très Haut et le Très Bas sont un seul visage en toi.
Donne-lui de porter à tous ceux qui tombent la nouvelle de l’Evangile : aucune chute ne peut nous soustraire à ta miséricorde.
Le chemin de Jésus sur cette terre s’arrête sur cette sinistre colline : il laisse derrière les belles de rencontres des hommes et cœurs en souffrance sur les routes que l’urgence de l’annonce de la Bonne Nouvelle lui a fait parcourir.
Aujourd’hui la croix barre le chemin. Jésus n’ira pas plus loin. Impossible d’aller plus loin !
Mais là où s’arrête la route des hommes, l’amour du Père fait débuter le chemin du salut des hommes. Car, au Golgotha, contre toutes les apparences, il s’agit de vie, de grâce, de paix et de la victoire de l’amour.
C’est une naissance qui s’y opère !
Si notre regard ne rejoint pas cette vérité, alors nous restons prisonniers de la souffrance et de la mort. Et nous rendons vaine la Passion du Christ.
Seigneur, nos yeux sont obscurs. « Miséricorde » est ton nom. Qu’éclatent les vieilles outres de nos cœurs. Guéris notre regard pour qu’il s’illumine de la Bonne nouvelle de l’Évangile, à l’heure où nous nous tenons au pied de la Croix de ton Fils.
Et nous pourrons célébrer « la longueur, la largeur, la hauteur », le cœur consolé et ébloui.
La mort de Jésus sur la croix est apparue comme un échec. Le seul acte de foi est venu d’un soldat romain, un étranger : « vraiment cet homme était Fils de Dieu ». Oui, Jésus est Roi, mais son trône, c’est la croix.
Ils sont légion les hommes, les femmes, les enfants mêmes, violentés, humiliés, torturés, assassinés, sous tous les cieux, en chaque temps de l’histoire. C’est la réalité de notre monde, avec ses appels et révoltes, ses cris et clameurs, depuis les terres de misère ou de guerre, dans les foyers déchirés, les prisons, sur les embarcations surchargées de migrants.
A côté de tout cela, en quoi la souffrance et la mort, dans le passé, d’un innocent de plus, Jésus, sont-elles exceptionnelles ?
L’illustration récente, c’est la mort du lieutenant-colonel Arnaud Beltrame le vendredi passé. Il a accepté de donner sa vie pour qu’une femme prise en otage soit sauvée. Remplacez cette femme par notre humanité, vous avez la figure du Christ, qui est Dieu, fils de Dieu venu nous libérer de la mort éternelle.
Tant de larmes, tant de misère ne sont pas perdues dans l’océan du temps, mais recueillies par lui, pour être transfigurées dans la mystérieuse alchimie d’un amour où le mal est englouti.
Seigneur, notre Dieu,
Nous confessons que Jésus est le « resplendissement de ta gloire » (He 1,3).
Fais-nous entrer dans la joie éternelle, qui nous fait acclamer en Jésus revêtu de pourpre et couronné d’épines, le roi de gloire que chante le psaume : « Portes, levez vos frontons, Elevez-vous portes éternelles, qu’il entre le roi de gloire » (Ps 24,9).
Méditons sur quelques personnages qui nous ressemblent : Simon-Pierre, Simon de Cyrène, entre autres.
Simon-Pierre
Autour d’un brasero, dans la cour du sanhédrin, la fidélité intrépide de Pierre ne va pas résister aux paroles soupçonneuses d’une jeune femme… Se reconnaître disciple de Jésus n’a jamais été de tout repos. Il est la vérité. Quand elle implique courage, la vérité a du mal à trouver des témoins… Les hommes sont faits ainsi que beaucoup lui préfèrent alors le mensonge, et Pierre est de notre humanité
l trahit, à trois reprises, c’est-à-dire encore et encore. Mais Pierre sait reconnaître sa faute ; ses larmes coulent, comme une eau qui lave une souillure.
Bientôt, dans quelques jours, auprès d’un autre feu de braise, sur le rivage, Pierre reconnaîtra son Seigneur ressuscité, qui lui confiera le soin de ses brebis. Pierre apprendra le pardon sans mesure que le Ressuscité prononce sur toutes nos trahisons.
Simon de Cyrène
l’Evangile a voulu porter jusqu’à nous le nom de ce libyen. Décidemment, la Lybie est toujours présente dans les grands drames de l’histoire : de la religion à la politique en passant par les migrations massives. Le pauvre geste de secours de cet africain nous enseigne qu’en soulageant la peine d’un condamné à mort, Simon le libyen a soulagé la peine du Fils de Dieu, sans qu’il le sache.
Nous te présentons, comme une offrande sainte, tous les gestes de bonté, d’accueil, de dévouement, qui sont accomplis chaque jour en notre monde.
Daigne les reconnaître comme la vérité de notre humanité, qui parle plus haut que tous les gestes de rejet ou de haine. Daigne bénir les hommes et les femmes de compassion, qui te rendent gloire, même s’ils ne savent pas encore prononcer ton nom.