Homélie du 1er dimanche de carême, 18 février 2018
Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après retranscription.
Les lectures de ce premier dimanche de carême nous parlent d’Alliance.
I – Noé : Alliance de Dieu avec les hommes
Dans la première lecture, c’est l’histoire de Noé. Alors à la fois on la connait bien parce qu’elle fait partie de notre imaginaire, puis peut-être que ça fait longtemps qu’on a pas relu ce texte en entier. C’est un récit qui arrive dans la Bible autour des années 700 avant Jésus Christ peut-être. Et en même temps, c’est un récit que l’on retrouve dans des traditions bien, bien, bien plus anciennes dans la région de Babylone. En 1500 avant Jésus Christ, on a des tablettes qui nous racontent une histoire qui ressemble à celle de Noé. Mais c’est pas tout à fait pareil quand même.
L’histoire biblique nous apporte quelque chose. Alors est-ce que l’histoire de Noé est réelle ? Est-ce que ça s’est vraiment passé ? Ben on n’en sait rien ! On n’a pas d’autres témoignages. Par contre, le texte biblique veut nous apporter, nous révéler quelque chose sur Dieu et sur nous. Alors mettons-nous à l’écoute de ce texte et peut-être qu’on peut l’écouter en le comparant avec les versions païennes de cette histoire.
Dans la version païenne, si les dieux décident qu’il y ait un déluge sur la terre, c’est d’abord et avant tout parce que : 1, ils s’ennuient. Et 2, ils trouvent que les hommes… bah, c’est pas très intéressant finalement. Et donc autant s’en débarrasser. Et parmi tous ces hommes-là, il y en a un qui trouve grâce à leurs yeux et à qui on donne une mission et qui va aller sur son arche. Dans le monde païen, cet homme-là, en récompense, il devient un dieu. Il est placé à l’égal des autres, il devient un dieu. Et puis chaque fois qu’on réalise un sacrifice dans l’histoire babylonienne, dans l’histoire des païens, chaque fois, c’est une façon pour les hommes de forcer les dieux à agir de la manière dont ils veulent. En fait, le sacrifice dans la tradition païenne, c’est un moyen de mettre la main sur Dieu. “Si je t’offre à manger, – parce que c’est ça offrir un sacrifice -, alors Dieu tu vas faire ce que je veux”.
Alors dans la Bible, ce n’est pas tout à fait la même histoire. Effectivement, ça ressemble : on a Dieu, on a un déluge, on a un homme Noé. Mais dans l’histoire de la Bible, si Dieu se résout à lancer un déluge sur la terre, c’est parce que le mal est partout. Et il est tellement partout qu’il semble impossible de purifier cette terre autrement. Alors qu’est-ce que c’est que le mal ? Le mal, c’est le non-amour. C’est la guerre. La haine. Mais parmi tous ces hommes, il y en a quand même un, et sa famille, qui essaye de vivre dans l’amour, qui essaye d’être dans l’amour de la Parole de Dieu et cet homme-là, c’est Noé. Alors Noé, puisqu’il a choisi d’être fidèle à Dieu, puisqu’il a choisi la vie, eh bien la vie va lui être préservée, va lui être donnée. Et ceux qui par eux-mêmes ont choisi la mort, eh bien la conséquence sera la mort. Dans ce conte finalement, chacun reçoit ce qu’il mérite.
De fait, aujourd’hui, dans notre monde actuel, on a des petites choses semblables. Lorsque, – il n’y a pas si longtemps que cela -, il y a eu une catastrophe à Fukushima, c’est un ouragan, un tsunami qu’on ne contrôle pas, mais par contre, les conséquences sont bien dues à un choix que les hommes et que des hommes ont posé. De placer une centrale nucléaire dans un endroit où on savait qu’il pouvait y avoir ce type d’accident. Donc c’est l’homme finalement, en dernier ressort, qui choisit de vivre et donc de laisser place à l’amour, ou de mourir et donc ça veut dire de laisser place à tout le reste.
La deuxième différence, c’est que la conclusion de notre histoire, c’est pas Noé qui devient un dieu parmi les autres, c’est plutôt qu’une alliance, une alliance, est tissée entre Dieu et nous. Une alliance. Et celui qui fait alliance, c’est Dieu. C’est Lui qui choisit d’établir un rapport d’égal à égal. Parce que pour être alliés, il faut se considérer comme des égaux. Donc il nous élève à son niveau et Il veut faire alliance avec nous. Et on a ce beau signe, cet arc-en-ciel, lorsqu’on en voit un, peut nous faire penser à cette alliance entre Dieu et nous.
Et enfin, on a un sacrifice dans cette histoire de Noé et le sacrifice, il n’est pas là pour mettre la main sur Dieu, il est là pour lui rendre grâce. Pour faire action de grâce. Action de grâce. Ça vous dit quelque chose… Puisque c’est ce que nous faisons même aujourd’hui : eucharistie ! Voilà quelques mots autour de l’histoire de Noé.
II – Le déluge préfiguration du baptême, pour notre salut
Alors cette histoire très ancienne, elle s’actualise. Et c’est la deuxième lecture. Saint Pierre parle de cette alliance entre Dieu et Noé. Et il montre comment le Christ, Lui aussi, fait alliance avec nous. Et comment l’alliance par le Christ dépasse l’alliance de Noé. Au déluge, Dieu sauve les innocents. Dieu sauve les justes et les injustes sont laissés à leur sort, en tout cas dans le récit. Par le baptême, le Christ souffre pour les péchés, Lui le juste, pour les injustes. Pour chacun de nous ! Le Christ meurt et ressuscite, Il nous donne le Salut pour nous, alors que nous ne le méritons pas.
Alors pourtant, nous sommes quand même, – et c’est ce que dit saint Pierre -, comme à l’époque de Noé, nous sommes partie prenante de ce Salut. Nous sommes responsables de notre Salut et de celui des autres d’ailleurs ! Pourquoi ? Parce que si Dieu me propose toujours le Salut, même si je ne le mérite pas, c’est moi qui décide de l’accueillir ce Salut. Est-ce que je veux accueillir l’alliance que Dieu veut faire avec moi ? Est-ce que je veux accepter d’être ami avec le Seigneur ? Le baptême est l’engagement envers Dieu d’une conscience droite. Voilà ! Dieu a besoin de mon accord pour me sauver. Et le baptême sauve, par la résurrection de Jésus Christ. Ça, c’est saint Pierre qui nous le dit.
Alors un déluge qui est l’occasion d’une alliance et nous dépassons cela et on entre dans la mort et dans la résurrection du Christ qui est l’alliance nouvelle et éternelle. Jésus. Jésus qui est poussé au désert par l’Esprit, et Il y reste quarante jours.
III – Quarante jours pour se préparer à l’Alliance
Quarante jours. Ça nous dit quelque chose. Quarante jours, c’est le temps pendant lequel il pleut à l’époque du déluge ; Quarante jours, c’est le temps qu’il faut à Moïse pour recevoir les tables de la Loi sur la montagne sainte du Sinaï. Quarante jours, c’est le temps qu’il faut à Élie pour rejoindre l’Horeb – là encore, la montagne sainte -, pour entendre la Parole de Dieu. Chaque fois, c’est pour faire alliance. Quarante ans, c’est le temps dont les Hébreux vont avoir besoin pour passer de la mort à la vie, de l’Égypte à la Terre promise et recevoir cette promesse, cette alliance encore une fois. C’est ça la fin, le but, la finalité de ces quarante jours, c’est l’alliance. Pour le Christ, et pour nous. Nous sommes entrés en carême ; ça veut justement dire quarante ! Nous sommes entrés en carême, et le but, c’est qu’à la fin de ces quarante jours, nous ayons fait un pas de plus dans l’alliance avec notre Dieu.
Quarante jours au désert, tenté par Satan. Et vous le savez, il y a trois grandes tentations. On l’a pas dans l’évangile de saint Marc, on l’a dans l’évangile selon saint Matthieu et selon saint Luc, mais globalement, ces tentations ultimes que l’on retrouve quand même chez saint Marc, mais ailleurs.
C’est d’abord après la multiplication des pains, la foule qui se dit : “ah, nous allons faire de Jésus notre roi, comme ça nous n’aurons plus jamais faim”. C’est la tentation finalement d’un certain confort. C’est la tentation d’éviter les conséquences de l’annonce de l’évangile. En fait, c’est se satisfaire d’un message qui serait celui de la solidarité, qui serait celui d’une forme d’humanisme gentil. Alors ça ne veut pas dire qu’il faut se priver de ce langage-là, mais il ne faut pas oublier que notre solidarité elle est mise en mouvement par l’Amour même de Dieu qui donne sa vie et qui nous demande à nous de donner notre vie.
La deuxième tentation, c’est celle de choisir un chemin d’homme et non pas celui de Dieu. Celui, -comme les disciples l’espéraient un peu, – de pouvoir être les ministres d’un Dieu tout-puissant qui aurait le pouvoir sur la terre. Finalement, c’est le rêve d’un empire, un empire chrétien, pourquoi pas ! où plus personne n’aurait le choix… C’est aussi une tentation qu’on peut avoir, un peu à l’inverse de la précédente.
Et puis enfin, une troisième tentation, c’est déjà celle des païens à l’époque, bien avant la Bible. C’est celle d’avoir un Dieu qui se plie à notre désir. “Si cette coupe peut s’éloigner de moi ». Bah, c’est Pierre qui s’approche de Jésus en disant : “non, ça n’arrivera pas, tu ne mourras pas sur la croix !”. En fait, c’est le rêve d’avoir un Dieu baby-sitter. Le rêve d’avoir un Dieu qui nous protège de tout problème. Et finalement, qu’on aurait plus besoin d’aimer, puisqu’on n’aime pas une baby-sitter. On aime son père ou sa mère. Pas la baby-sitter… C’est finalement la tentation de l’idolâtrie. Placer Dieu comme un moyen, comme un instrument au service de mon MOI !
Quarante jours au désert… Ces tentations, il nous faut y faire face, comme Jésus pour y répondre. Alors, elles se camouflent bien ces tentations et on les a tous. Tous, nous avons ces tentations dans nos vies. Ça vaut le coup d’essayer de les regarder en face. Et après ces quarante jours ? Est-ce que nous nous arrêtons-là ? Est-ce que nous choisissons la pénitence, la prière et le partage juste pour cela ? Pour eux-mêmes. Bien évidemment non. Nous sommes invités à entrer dans une alliance… Alliance ! Alliance avec le Christ. « Les temps sont accomplis. Le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’évangile ». Croyez que Dieu est un Dieu qui nous aime, qui veut notre bien et notre joie, qui nous propose l’Amour. Et nous savons que cet Amour passe par la Croix. Et que si le Christ est passé par la croix, nous, pauvres disciples, petits disciples, humbles disciples, nous n’y échapperont pas non plus.
Mais tout cela, c’est pour la Gloire de Dieu et le Salut du monde. Si nous sommes chrétiens, si nous voulons entrer pleinement dans la mort et la résurrection du Christ, c’est bien pour que Dieu soit loué et pour que chacun des hommes de notre monde, dans notre terre, soit présenté, porté, présenté à Dieu. Et c’est notre mission, à nous, chrétiens, de présenter le monde au Père, par le Christ, avec le Christ, en le Christ.
Alors, laissons-nous aimer. Aimons en retour. Prenons la route. Prenons la route qui nous conduit jusqu’à Pâques, jusqu’à la mort et la résurrection.