Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après retranscription.
Peut-être que dans la semaine qui vient nous pourrions relire le livre de Jonas. (La première lecture) C’est un livre qui fait quatre pages… C’est à peu près à notre portée.
I – Deux leçons du livre de Jonas
Jonas. Vous savez, ce prophète que Dieu appelle pour aller prêcher dans la ville qui est par essence l’ennemi d’Israël. Ninive. Et quand Dieu dit à Jonas : “si Ninive continue sur cette voie, elle va être détruite. Alors je veux que tu ailles prêcher chez eux pour qu’il soient sauvés…”. Eh bien Jonas, il n’a pas envie d’y aller. Il est très réticent. Et il s’enfuit. Il essaie de franchir la mer. On sait qu’il y a une histoire de tempête et de gros poisson… Et finalement, « la Parole du Seigneur fut de nouveau adressée à Jonas : “lève-toi. Va à Ninive, la grande ville païenne et proclame le message” ». Alors Jonas y va. Pas forcément très joyeux. Ce qui fait que cette ville très grande – il faut trois jours pour la traverser – et il y prêche une journée. Alors est-ce que c’est parce que c’est le zèle qui l’a poussé ? Ou est-ce qu’il a un peu bâclé son affaire ?
Mais une chose étonnante : c’est qu’à cette parole de Jonas, le peuple de Ninive, qui est un peuple païen qui ne connaît pas Dieu, entend, reçois et change de vie. Et ça, c’est une sacrée surprise pour Jonas. Et Jonas, – c’est la suite du livre – et Jonas sera presque déçu. Mais il aura un petit espoir. Il se dit : “les Ninivites n’arriveront pas à tenir leurs promesses, leur nouveau mode de vie, donc ils vont repartir dans leurs errements… Et donc ils seront détruits, quand même”. Et donc, c’est là que Dieu va être obligé d’intervenir pour convertir le prophète lui-même.
Alors de cette histoire, – parce que c’est un petit roman qui a été écrit au IIIe siècle (av JC) -, de cette histoire, Dieu veut nous dire deux choses essentielles, deux choses importantes :
D’abord, c’est que Dieu est le Dieu de tous les hommes. Pas d’exception. Même les gens de Ninive, la grande ville païenne, sont les aimés de Dieu. Et donc s’ils sont les aimés de Dieu, il faut qu’ils soient regardés par Jonas et par les Juifs comme cela : comme des aimés de Dieu. Dieu a souci de tous les hommes. Dieu veut que tous les hommes soient sauvés, et il n’y a pas d’exception dans son Amour. Il n’y en a pas un qui peut dire : “moi, Tu ne m’aimes pas”. Non, ça ce n’est pas possible. Nous sommes tous aimés. D’un Amour de préférence, par notre Dieu qui se présente à nous comme un Père et qui prend tous les moyens nécessaires pour nous sauver. Ça, c’est la première idée.
La deuxième idée que l’on peut tirer de ce texte, c’est qu’au fond du cœur de chaque homme, il y a déjà quelque chose qui est semé, – les Pères de l’Église appellent ça les ‘semina verbi’, les semences du Verbe, les semences de Dieu -, dans notre cœur, dans le cœur de chaque homme, il y a quelque chose qui est semé par Dieu, invisiblement, et qui va nous permettre de reconnaître la Vérité. Qui va nous permettre de reconnaître l’appel du Christ. Ce qui fait que la conséquence logique qu’on en tire, c’est que autour de nous, – vous le savez bien, dans cette ville de Brignais, il y a beaucoup de non-chrétiens -, eh bien tous, autant qu’ils sont, au fond de leur cœur, il y a cet appel à quelque chose de plus grand, de plus beau. En fait, un appel à l’Amour vrai. Alors ça nous responsabilise parce que nous devons être des Jonas. Non pas dans notre réticence à aller annoncer la Parole de Dieu, mais plutôt dans notre mission prophétique.
II – appel à la conversion : Tout ordonner à l’essentiel
Lorsque saint Paul prend la parole avec la deuxième lecture, il nous dit : « le temps est limité ». En fait, le mot ‘limité’, c’est un mot qui est très difficile à traduire, c’est un temps qui est concentré, qui est dense. En fait, c’est maintenant que vont se passer les choses essentielles ; donc il est temps de prendre des décisions ; Et là, parmi nous, il y en a quelques-uns qui se préparent au mariage… « Que ceux qui ont une femme soient comme s’ils n’avaient pas de femme ». Alors, ce n’est pas pour dire : ‘ne vous mariez pas’, ce n’est pas ça… C’est plutôt : ‘gardez au cœur l’essentiel”. Et l’essentiel, c’est le royaume de Dieu. L’essentiel, c’est l’Évangile. Et si on voulait résumer l’Évangile, c’est quoi ? C’est peut-être : « Écoute, écoute Israël. Le Seigneur Ton Dieu est l’unique. Tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et tu aimeras ton prochain comme toi-même ». C’est l’essentiel, c’est l’Amour. Parce que vous le savez, saint Paul le dit dans cette même lettre : “la seule chose qui ne passe pas, c’est l’Amour”. À la différence de toutes ces autres choses qui sont autour de nous, et qui nous le savons bien ne dureront pas, « car il passe, ce monde, tel que nous le voyons ».
Alors saint Paul nous appelle a plus de liberté : “soyez libre pour vivre ce qui est vraiment essentiel ; soyez libre pour aimer”. Voilà. Ça implique forcément un petit arrachement parce qu’il faut s’arracher à une certaine forme de confort. Il faut s’arracher à une certaine forme de… – Oui, nous sommes un peu des bernard-l’hermite, quoi…-, et il faut sortir de notre coquille. « Que ceux qui font des achats soient comme s’ils ne possédaient rien. Que ceux qui sont dans la joie soient comme s’ils n’étaient pas dans la joie. Que ceux qui pleurent comme s’ils ne pleuraient pas », parce que ce qui est essentiel, c’est d’aimer.
Dans l’évangile, Jésus continue. En fait, Il s’inscrit vraiment dans la continuité de toute l’histoire d’Israël. Et en fait, il reprend les mêmes mots que Jonas. « Convertissez-vous. Convertissez-vous. Croyez à l’évangile ». L’évangile, ça veut dire la bonne nouvelle, et la bonne nouvelle ultime dans le monde grec à l’époque, c’était l’arrivée du roi dans sa ville. Alors là, combien plus, parce que le roi que nous accueillons, c’est Dieu lui-même. Dieu lui-même que l’on pourrait croire loin, distant, car Il est infini, Il est invisible, et qui là, vient à notre rencontre et Il se fait proche. Il nous dit : “soyez mes amis”. Il se présente… Dieu se présente lui-même comme un Dieu d’Amour, un Dieu Père, un Dieu tendre. Alors oui, il nous faut nous convertir. C’est-à-dire changer notre regard. Notre regard qui peut être fixé un peu sur les choses un peu terre-à-terre, matérielles, concrètes… ça veut pas dire qu’il faut complètement les ignorer, mais il faut se souvenir qu’elles ne sont là que pour un temps. Et il nous faut tourner notre regard que vers ce qui est absolument essentiel : vers Dieu. Vers l’Amour. Celui qu’on donne chaque jour. Celui qu’on reçoit chaque jour.
III – participer à la mission du Christ
Et Jésus qui prêche, qui annonce, qui nous enjoint à la conversion, nous appelle à la conversion, décide de ne pas faire cela tout seul. « Et passant le long de la mer de Galilée, Il voit Simon et André », et puis ensuite Jacques et Jean. Et il leur dit : « suivez-moi ! »
Sans aucun doute, chacun d’entre nous, ici, nous sommes appelés par le Christ et Il nous dit : “suis-moi”. Notre réponse ? Nous n’avons pas tous la même réponse à faire. Mais nous avons tous une réponse à donner. Alors est-ce qu’il nous faudra tout lâcher, tout abandonner pour suivre le Christ ? Peut-être pour certains. Pour d’autres il ne faudra peut-être pas tout lâcher, il faudra quand même abandonner quelque chose.
Tout cela pour qu’on devienne des pêcheurs d’hommes. Alors c’est une drôle d’expression ‘pêcheurs d’hommes’. C’est un père de l’Église, saint Augustin qui dit que finalement, la mission de l’apôtre, la mission du disciple du Christ, c’est d’aider les poissons qui sont dans leur milieu habituel et confortable, mais qui est un milieu un peu opaque, – hein, la mer… -, qui ne permet pas de voir vraiment le soleil. Le disciple a cette mission d’aider le petit poisson à découvrir la réalité, à découvrir le soleil, à découvrir le paysage, à découvrir autre chose que le milieu ambiant.
Alors évidemment, on ne va pas poursuivre la comparaison trop loin car on sait bien que le poisson qui va dans l’air, il s’en porte pas très bien, alors que nous, petit poisson sur cette terre, nous sommes faits pour voir le soleil en face. Ce Soleil qui est Dieu. Ce Soleil qui nous réchauffe, qui nous attend, qui nous appelle.
Alors nous sommes invités à être des pêcheurs d’hommes, non pas pour forcer les autres, forcer nos contemporains à croire au Christ, mais pour leur proposer, pour leur proposer d’avoir un ami. Un ami qui est Jésus. Un Ami à qui on peut tout dire. Un Ami avec qui on peut être en relation, sans cesse. Un Ami qui nous appelle et qui nous dit : “venez à ma suite”. Un Ami qui nous propose la vraie joie et le vrai bonheur.