Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale, c’est pourquoi le style reste familier.
Après avoir mangé notre pain blanc en prêchant sur le Sacré-Cœur vendredi, sur le Saint-Sacrement dimanche dernier, sur la Sainte-Trinité le dimanche d’avant, sur la Pentecôte encore avant, voilà que nous retombons dans le temps ordinaire, et qu’il est difficile de commenter ces textes.
Alors déjà peut-être, revenir sur la question du temps ordinaire : ce temps en vert. Ordinaire… ça veut dire que ça y est, le combat est passé, qu’on reprend notre vie normale et que surtout, on ne va pas se compliquer trop la vie ? Évidemment, ce n’est pas tout à fait ça…
Ordinaire, c’est surtout le temps pendant lequel on va laisser croître ce qui a été planté. C’est le temps où les choses viennent prendre leur ordre. Ordre… Ordinaire, c’est la même racine !
Alors, on écoute. Et on se met à l’écoute du Christ. On se met à l’écoute de la Parole de Dieu qui nous a été donnée aujourd’hui et on se rend compte que non, ce n’est pas confortable.
I – Appelé à témoigner
La première idée de ces textes que l’on a entendus, c’est d’abord un appel à proclamer la Parole de Dieu. Et ce qui est intéressant, c’est que la manière dont le Christ nous appelle, dont Dieu nous appelle à proclamer la Parole de Dieu, c’est d’abord et avant tout par des actes. Concrets ! En fait tout acte bon que l’on pose doit être pour nous un témoignage de l’Amour de Dieu, de l’Amour du Christ. Tout acte que l’on pose doit être un reflet de la tendresse de Dieu, de sa miséricorde. Le Christ nous annonce que Dieu est un Père qui nous aime. Cela nous est dit dans le creux de l’oreille ; à nous de le manifester. De le manifester peut-être par notre bouche, mais pas seulement. Aussi par des actes concrets de charité d’attention à l’autre… aux autres. Et en particulier à ceux qui sont les plus faibles.
Et c’est ce qui a été demandé à Jérémie. C’était la première lecture. Et Jérémie a annoncé, proclamé la Parole de Dieu, mis en garde contre des comportements déviants à l’époque, – on est dans les années 620-600 avant Jésus-Christ -, et la situation sociale n’est pas très saine : les riches sont très riches et les pauvres très pauvres. Et les riches ne font pas attention aux pauvres et même les pauvres d’ailleurs ne sont pas tellement remarquables non plus parce qu’ils ne s’intéressent pas vraiment à la volonté de Dieu. Alors Jérémie, lui, prend position et dit : ‘voilà ce à quoi Dieu nous appelle’. Et c’est de vivre dans un certain ordre, en plaçant Dieu en premier. Et voilà la foule : ‘dénoncez-le ! Allez le dénoncer’. ‘Même mes amis guettent mes faux pas… Nous prendrons notre revanche contre lui…’ Finalement, pour avoir témoigné de la Parole de Dieu, Jérémie est persécuté. Persécuté par ses amis ! Par ceux qui sont proches de lui. On constate que cette persécution, on peut la connaître nous aussi aujourd’hui. On pense aux Coptes, aux Chrétiens syriens, aux chrétiens un peu partout dans le monde qui sont persécutés de manière sanglante. Mais essayons de prendre position et de rappeler quelques vérités essentielles sur la valeur de toute vie humaine, qu’elle soit à peine conçue ou qu’elle soit en toute fin de vie… vous verrez que ça provoque tout de suite des tensions et des réactions, vous le savez bien d’ailleurs. Et la parole de Jérémie est : ‘Toi seul, Seigneur, est notre défenseur. C’est en Tes mains que nous remettons nos vies. D’ailleurs, nous le savons, Tu as pris parti pour nous’. Tu veux notre joie et notre bonheur, – de tous les hommes ! -, et Tu nous demandes, à nous, de témoigner de cette réalité.
Annoncer la Parole de Dieu à temps et à contretemps, même si ce n’est pas forcément très agréable. C’est bien un chemin qui est ce pour quoi nous sommes faits. ‘Ne craignons pas les Hommes’, nous dit Jésus. Soyons sans crainte, nous valons bien plus qu’une multitude de moineaux. Le Seigneur prend soin de nous.
II – le péché : le choix de l’isolement
Dans ce texte, – c’est la deuxième partie en fait…-, dans ce texte, on a un deuxième thème qui revient. C’est saint Paul qui l’ouvre en parlant du péché. Ce peut être l’occasion de réfléchir sur ce qu’est fondamentalement et essentiellement le péché.
Dieu nous appelle à être comme Lui. Dieu est Amour, et Il nous invite à être comme Lui. C’est trop difficile pour nous. Donc comme c’est trop difficile pour nous, Il nous envoie son fils, Jésus, qui nous le révèle, qui nous le manifeste et qui nous donne la capacité d’aimer comme Lui. ‘Aimez-vous les uns les autres, comme Moi je vous ai aimés’. C’est ce que nous dit Jésus ? Et s’Il nous le demande, c’est que finalement, c’est possible. Pas par nos seules forces, mais par sa grâce, par son Amour, par son Esprit Saint.
Le péché, qu’est-ce que c’est ? Eh bien, c’est le moment où je me dis : ‘je me refuse’. Je ferme la porte à cette mission. J’ai reçu mission d’aimer, lorsque je me refuse à aimer, ben… je suis dans le péché. Alors on pourrait se dire, mais en fait dans ma vie, il y a sans cesse du péché. Peut-être même qu’il y a plus de péché que d’actes ou de gestes d’amour. C’est là que le Christ nous sauve ; C’est qu’en fait, la seule chose que nous demande Jésus, c’est d’ouvrir nos cœurs à sa grâce. ‘Si la mort a frappé la multitude par la faute d’un seul, combien plus la grâce de Dieu s’est-elle répandue en abondance sur la multitude’. Et nous en faisons partie de cette multitude, elle est sur nous la grâce de Dieu. Ouvrons notre cœur. Ouvrons notre cœur ! Pour l’accueillir cette grâce. Et en ouvrant notre cœur, nous allons aussi mettre en route tout ce que nous sommes : notre mémoire, notre intelligence, notre volonté. Et du coup, nous pourrons décider, en vérité, d’aimer, pleinement ! Et de ne plus pécher. Ou en tout cas d’être sur un chemin qui va nous faire sortir de l’enfermement qu’est le péché. C’est ça, hein… Le péché, c’est un isolement. On utilise une comparaison : on dit que le péché est une maladie pour l’âme. Parce que comme la maladie pour le corps provoque un isolement, provoque un affaiblissement ; eh bien, le péché pour l’âme, ça provoque un affaiblissement, ça provoque un isolement. Et ce péché, cet isolement, cette conséquence du péché, elle est bien plus grave que la maladie. C’est bien ce que nous dit Jésus : ‘ne craignez pas ce qui tue le corps ! Craignez plutôt ce qui peut faire périr dans la géhenne l’âme aussi bien que le corps’.
Nous percevons ainsi cette réalité essentielle, c’est qu’Il est la vraie vie ; Être vraiment vivant, c’est être dans l’Amour. Être dans la relation : à Dieu ! Et à nos frères ! Et être dans la relation juste avec soi-même aussi. Être capable de sa regarder comme la merveille que Dieu a créée, a voulu. Il nous veut !
III – renié par le Christ ?
Et puis il y a cette phrase, – ce sera la conclusion -, cette phrase qui nous réveille un peu ; peut-être qui nous choque. ‘Quiconque se déclarera pour moi devant les Hommes, moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux’. Si j’accepte de témoigner par ma vie de la tendresse de Dieu, alors le Christ me prend dans son camp. Bon, ça, ça marche. On l’entend bien. Même si j’en suis pas tout à fait digne, Il va faire de moi un Saint. Il me transformera. Ça, on l’accueille sans grande difficulté.
Et puis, il y a la phrase suivante : ‘celui qui me reniera devant les Hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux’. Ça, on a un petit peu plus de mal à l’entendre. Et pourtant, c’est une réalité… bah, d’abord, c’est la Parole de Dieu. Il faut peut-être d’abord la recevoir. Peut-être qu’on ne la comprend pas immédiatement et peut-être qu’il faut se battre un peu avec cette parole. Qu’est-ce que c’est que « renier le Christ devant les Hommes ? » Eh bien c’est d’abord refuser de vivre dans l’Amour. Décider de s’intéresser d’abord à son propre confort, d’abord à son propre bien-être. Quitte à laisser tomber ceux qui ont besoin de ma charité active. C’est finalement… accepter de poser des péchés. De dire : ‘ouais, non. J’ai pas besoin de Dieu dans ma vie. J’ai pas besoin d’écouter Sa Parole. J’ai pas besoin d’aimer les autres. J’ai pas besoin de me mettre au travail pour œuvrer dans le champ du Seigneur’. Alors, vous allez me dire : ‘ouais, mais chez moi c’est pas si explicite !’. Oui, c’est pas explicite, mais les conséquences sont du même ordre. Si je me refuse à témoigner de l’Amour de Dieu dans le monde, je fais comme si Dieu n’existait pas et donc c’est bien une forme de reniement.
Et alors le Christ ? Le Christ Lui, Il continue à vouloir m’aimer. Il continue à vouloir se donner, me donner la vie. Mais en pratique, cette vie, je ne l’accepte pas. Je me ferme à elle. Et à ce moment-là, le Christ prend acte. Il ne nous force pas à être heureux. Il nous invite. Il nous appelle. Il nous attire. Mais Il ne nous contraint pas au bonheur. D’ailleurs, si on était contraint au bonheur, on ne serait pas vraiment heureux ! Ce serait une sorte de bonheur frelaté qui ressemblerait à celui de la drogue, quoi. Or non, le Christ veut que nous le choisissions librement. Et si nous disons : ‘non, je ne veux pas être ton fils. Je ne veux pas être ton frère. Je ne veux pas me mettre au service de ceux qui sont autour de moi’. Le Christ : ‘moi je t’aime, je veux ta joie et ton bonheur, mais je prends acte de Ta décision’. Et ça rejoint cette parole de Jésus qui dit : ‘il n’y a qu’un seul péché que Dieu ne peut pas pardonner. Un seul ! C’est le péché contre l’Esprit Saint’. Et ce péché, c’est tout simplement le fait de refuser l’Amour de Dieu. De refuser Son pardon. Tous les autres péchés, tous les autres égoïsmes et renfermements sur moi-même, Dieu peut les pardonner, puisque j’ouvre mon cœur en Lui disant : ‘ben, je suis pas brillant, mais viens’. Mais si je me refuse à la laisser entrer, eh bien le Christ restera à la porte. Toujours frappant… Mais si on la laisse fermer, Il ne la forcera pas.
Alors nous sommes invités, aujourd’hui, à accueillir le Christ dans nos vies. À lui ouvrir la porte. D’abord la porte pour se laisser pardonner, pour se laisser aimer. Et puis à Lui ouvrir la porte en se déclarant pour Lui devant les Hommes. Et se déclarer pour Lui, cela implique des actes concrets, pratiques. Petits ! pas besoin de grandes choses ; on n’est pas tous appelés à être de saint Thomas d’Aquin ou des saint Jean de la Croix. Mais nous sommes invités à faire ce à quoi Dieu nous appelle. Là, ici et maintenant : auprès de mes enfants, de mon mari, de ma famille, de mes voisins, de tous ceux que je peux rencontrer. Et alors oui, nous trouverons à ce moment-là, la vraie joie.