Par le père Séraphin Kiosi.
Chers frères et sœurs, le Jeudi Saint, nous commémorons ce que Jésus a fait le dernier jour avant sa mort. Au soir de ce jour, il laisse comme testament à ses apôtres deux choses importantes : l’Eucharistie et le nouveau commandement qu’il reformule par le geste du lavement des pieds. Pour ces deux institutions, l’Eucharistie et la Parole Nouvelle, il institue aussi un nouveau sacerdoce. C’est pourquoi le Jeudi Saint est aussi un jour de fête pour les prêtres : ils sont appelés à renouveler leurs engagements sacerdotaux. C’était fait hier soir autour du cardinal archevêque à la cathédrale St Jean.
Contrairement aux autres évangélistes, St Jean ne parle pas de l’institution de l’Eucharistie ; il rapporte plutôt le lavement des pieds qui a pris place lors de ce dernier repas. Les deux gestes, à savoir l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds, sont intimement liés : l’Eucharistie comme don total de sa vie et le lavement des pieds comme service du prochain. Dans les deux cas, ça se termine par une formule semblable : « Vous aussi, vous ferez de même en mémoire de moi ». Tout est lié et leur lien est incontournable.
Chers frères et sœurs, en 2010, – c’était une année sacerdotale, – une retraite sacerdotale internationale a été organisée à Ars. Et pour cause, le curé d’Ars est le saint patron des prêtres. Le saint curé d’Ars disait ceci pour montrer combien le sacerdoce est important pour l’Eglise, mais aussi le lien entre le sacerdoce et l’Eucharistie : « Si j’avais 200 anges et un prêtre devant moi, je saluerais en premier le prêtre, car il est le seul à faire venir le Fils de Dieu sur la terre au moment de chaque messe. Cela, même un ange ne le peut pas. Il est le seul à pouvoir donner le pardon de Dieu sur la terre. Cela, même un ange ne le peut pas ». A cette retraite donc, il n’y avait pas moins de 800 prêtres venus du monde entier. On avait invité Jean Vanier, le fondateur de l’Arche, pour un entretien. Vanier avait accepté de venir à condition que son entretien n’en fût pas un. Tout devait se passer en silence. Jean Vanier a simplement demandé aux prêtres de passer de se laver les pieds les uns les autres. En silence. Dans les prés qui entourent la basilique inférieure à Ars, on pouvait voir les prêtres, répartis en groupes, en train de se laver les pieds les uns les autres et à tour de rôle. C’était un enseignement fort, compris et reçu à 100% par tous, dans le silence.
Car pour laver les pieds de l’autre, comme Jésus l’a fait, il faut du silence, du dépouillement, de l’humilité et du service.
Le lavement des pieds, comme symbole du nouveau commandement de l’avenir, a requis et requiert du silence, sans sonner de la trompette pour se faire voir : « Mon Père, qui voit ce que tu fais dans le secret, te le revaudra ». En silence donc : sans mot dire, Jésus se lève, enlève son manteau, prend un linge, verse de l’eau dans un bassin, lave les pieds … ». C’est après ces actes seulement qu’il donne sens à ces gestes silencieux : « Comprenez-vous ce que je viens de faire ? » Agir en chrétien d’abord, être chrétien d’abord ; l’explication du sens, si la question se pose, viendra après. Il y en a qui aime annoncer des actions et agir après. Pire, ils annoncent des actions et ne font rien : « Ce ne sont pas ceux qui disent Seigneur, Seigneur qui entreront dans le Royaume des cieux , mais ceux qui font la volonté de mon Père».
Après le silence, il y a le dépouillement ; Jésus, qui se dépouille de son vêtement va jusqu’à se dépouiller de toute sa vie : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, livrés pour vous ». Il n’a pas d’amour authentique sans un véritable dépouillement de soi dans le service du prochain. Ce dépouillement comme don de soi va culminer dans le sacrifice de la croix, dont l’Eucharistie est le mémorial, c’est-à-dire il rend et continuera à rendre Jésus présent à nos vies, nos joies, nos fatigues, à nos actes et nos souffrances.
Après ce dépouillement, l’abaissement : Jésus s’abaisse, s’agenouille devant chacun de ses apôtres pour leur laver les pieds. Attitude d’humilité, une attitude du serviteur. Comprenez : ce sont les mains de Dieu qui lavent les pieds des hommes. L’humilité, cette vertu des saints, fait partie du testament du Jeudi Saint.
Le lavement des pieds lui-même peut enfin venir : c’est le service, l’ensemble des actes de charité. Pour leur donner une charge chrétienne (christmation), ils doivent être faits comme Jésus l’a fait, c’est-à-dire dans le silence, le dépouillement, l’humilité et le don de soi. Car il y a une manière de rendre service où l’on ne se donne pas soi-même. On peut donner de la nourriture ou un vêtement à quelqu’un sans compatir à ce qu’il vit, plutôt juste pour se débarrasser de lui, ou avoir une bonne conscience. On peut dire des paroles aimables sans les habiter. Ce n’est pas ainsi que le Seigneur Jésus entend le service.
Le lavement des pieds (c’est-à-dire service, charité) et l’institution de l’Eucharistie (c’est-à-dire don de soi) vont ensemble. Participer à l’Eucharistie, c’est-à-dire au sacrifice du Christ qui se donne pour notre salut, c’est être appelé à être serviteur des autres dans le dépouillement et e don total de soi.
Chers frères et sœurs, en célébrant ce soir le geste de lavement des pieds, je voudrais que se profile devant vous la silhouette du Christ serviteur et aussi la silhouette du chrétien serviteur. En voyant ce que le prêtre va faire à douze personnes de notre assemblée, je voudrais que vous vous demandiez : comment moi je puis me faire serviteur de mes frères et sœurs ? A travers quelle activité puis-je être capable de partager avec les autres les richesses de l’amour reçu ?
Amen.