Par l’abbé Gaël de Breuvand
(Les titres sont ajoutés après retranscription, c’est pourquoi le style reste très oral)
I – le péché, un raccourci trompeur
La première lecture nous donne à contempler la création de l’Homme. Comment Dieu donne Sa vie à une créature toute particulière, qui est l’homme. C’est le souffle de Dieu qui anime, – au sens fort –, qui donne une âme, qui donne la capacité d’entrer en relation, à cette créature qu’est l’homme. Finalement, c’est bien une alliance, déjà, qui est tissée, entre Dieu et l’Homme.
Cet homme reçoit une mission, celle de garder un jardin. Il en est le maître, il en est le cultivateur, il doit en prendre soin. Et dans ce jardin, tout est à sa disposition. Tout et en particulier l’arbre qui est au centre de ce jardin, l’arbre de la vie. Et puis il y a une règle, c’est cette parole de confiance qui s’établit entre Dieu et l’Homme. C’est d’un arbre, celui-là, qui est dans un coin du jardin, – on ne sait pas bien où –, l’arbre de la connaissance du bien et du mal : ‘de cet arbre-là tu ne mangeras pas’.
Alors on voit l’action du tentateur, le diable, celui qui divise,– diabolos –, celui qui divise. Il arrive auprès de la femme et lui présente, lui rappelle les règles de Dieu, mais il lui rappelle d’une façon un peu tordue : « Dieu vous a vraiment dit ‘vous ne mangerez d’aucun arbre ? ». Alors évidemment, comme c’est faux, la femme répond. Et elle répond : ‘si, si. Nous pouvons manger les fruits des arbres, mais de l’arbre qui est au milieu du jardin, nous n’en mangerons pas’. C’est intéressant de voir que c’est l’arbre de la vie qui est au milieu du jardin ; et que l’arbre dont il ne faut pas manger, il n’est pas au milieu. Finalement, il y a une sorte de déplacement, lorsque la femme, est tentée, elle se focalise sur ce qui la tente. Finalement, elle déplace ce qui est vraiment important. La vie de Dieu, çà, c’est important ; la connaissance du bien et du mal, la règle normalement, ça vient en deuxième. Et là, elle le place au centre. Tentation. Tentation d’autant plus forte que le serpent, le Satan, continue. ‘Mais, cet arbre, vous n’en mangez pas, parce que Dieu sait bien que si vous en mangez, vous serez comme Lui, comme des dieux. Alors mangez-en !’
C’est intéressant parce que devenir comme Dieu, devenir comme Lui, c’est bien ça le projet de Dieu. Dieu veut que nous soyons comme Lui. Pleins de Sa vie, remplis de Son amour. Il veut que l’on puisse être appelé, finalement, Dieu. Alors en français, on dit plutôt saints. Mais ça revient au même. Dieu seul est saint. Et voilà que l’homme, sa tentation, c’est d’arriver au projet de Dieu, mais par ses propres moyens, sans passer par le chemin que Dieu veut nous faire prendre. Voilà ! Là, nous avons la description du péché. Le péché, c’est bien cela : c’est un objectif qui, souvent, est bon, eh bien au lieu de l’atteindre par le chemin que Dieu nous propose, eh bien on veut prendre un raccourci par nos propres forces, avec nos propres idées. ‘Finalement, on n’a pas besoin de Dieu, on peut y arriver tout seul !’. C’est le péché primordial, celui de l’orgueil. Je peux y arriver seul. Et on voit dans ce texte les conséquences de ce péché. ‘Elle prit de son fruit, elle en mangea. Elle en donna à son mari ; il en mangea et tous les deux eurent les yeux qui s’ouvrirent et ils se virent nus’. Et là, la suite ? ‘Eh bien ils se cachèrent’. Ils se cachent l’un de l’autre. Ils se cachent de Dieu. Et lorsque Dieu les retrouve : ‘mais où étais-tu ?’. L’homme : ‘c’est la femme qui m’a donné le fruit’. Et la femme : ‘c’est le serpent qui m’a donné le fruit’. Finalement, le péché, sa conséquence immédiate, c’est la séparation, l’isolement. Chacun se retrouve seul. Seul. C’est bien cela… La damnation, c’est cela. C’est se retrouver seul, alors que nous sommes faits pour être en relation avec le Père, avec nos frères. Cette tentation primordiale, cette tentation du jardin des origines, c’est la nôtre, hein… Nous tous, à un moment, ou à plusieurs moments dans notre vie, nous sommes en train de rejouer cette tentation lorsque nous prêtons l’oreille à un conseil qui n’est pas bon, lorsque notre regard s’attarde sur ce fruit que l’on commence à trouver savoureux, lorsque nous consentons au péché, à nous éloigner de Dieu. Parce que finalement : ‘on va bien y arriver tout seul’.
II – le Christ, exposé à la tentation, choisit la volonté du Père
Alors le Christ veut nous sortir de cette situation, parce que face à cette tentation, eh bien il y a un pli en nous qui fait qu’on y tombe très facilement. C’est ce qu’on appelle la concupiscence. Le fait d’être faible face à la tentation.
Alors le Christ, c’est le Verbe de Dieu, Dieu lui-même, qui se fait homme. Et comme homme, eh bien lui aussi, il a à faire face à la tentation. Voilà ! Il est rempli de l’Esprit Saint, Il vient d’être baptisé. Il est poussé au désert pour être tenté. Pour être mis à l’épreuve. Pourquoi ? Parce que si Adam et si chacun de nous avons chu, Lui, vaincra. Il va nous montrer, il va nous montrer comment lutter contre la tentation, comment choisir le projet de Dieu et non pas le nôtre. Alors, ces tentations ?
La première, celle du pain. Et celle-là, elle nous parle. Pourquoi Jésus ne choisit pas le confort ? Parce que d’une certaine manière, c’est bien ce que Dieu nous propose. La joie et le bonheur ! Et non. Il refuse ce confort, ce ‘là, tout de suite, maintenant’. Parce que ce n’est pas le projet de Dieu pour le Salut des hommes. De nos jours, on peut être tenté, on est fortement tenté par cela. On aura tendance à dire : ‘oui, mais la faim dans le monde, c’est scandaleux ! La faim autour de nous, c’est scandaleux’. Et c’est vrai, ça l’est. Alors peut-être qu’il faut nous occuper d’abord de multiplier les pains. Et puis peut-être qu’après on pensera à Dieu. Là, Jésus nous avertit, nous rappelle ce que dit Dieu : ‘l’Homme ne vit pas seulement de pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ; et le reste vous sera donné par surcroît !’.
La deuxième tentation… C’est un peu la tentation médiatique. Satan porte Jésus sur le pinacle du Temple, à un endroit où tout le monde le verra et il lui dit : ‘bah, saute ! Tu seras sauvé puisque de toute façon, les anges te soutiendront’. Et là, vous imaginez, face à une foule présente au Temple, Il aurait sauté et serait arrivé sans aucun mal… Quel succès, quelle gloire ! Et Il aurait été reconnu immédiatement comme Roi d’Israël. Et là encore, Jésus s’y refuse. Ce n’est pas cela que Dieu veut pour notre Salut.
Alors enfin, Satan l’emmène sur une haute montagne, lui montre tous les royaumes de la Terre. Et il lui dit : ‘si tu te prosternes devant moi, tous ces royaumes sont pour toi’. C’est évident, c’est bien cela l’objectif de Dieu. C’est bien que le Père veut que tous les royaumes, tous les peuples, reconnaissent le Christ comme Dieu, comme sauveur, comme Roi, et que nous nous prosternions ensemble, d’un seul cœur devant Lui. Mais là encore, le chemin que propose Satan pour cela n’est pas le bon. Puisque ce serait mettre Dieu le Père à l’écart, Dieu à l’écart, pour obtenir quelque chose qui ne serait pas le Salut. Ça, c’est une tentation qu’on peut traverser, aussi. La tentation de l’Empire, la tentation de l’homme providentiel. Nous allons mettre en œuvre tous les moyens humains : nous aurons la paix, nous aurons la joie, nous n’aurons plus faim… Mais c’est une fausse piste.
Dans la vie de Jésus, ces trois fausses pistes sont revenues. Juste après qu’il ait multiplié les pains. Que s’est-il passé ? La foule, en délire, l’a voulu comme Roi. Il a fallu qu’Il s’enfuie. La tentation de la gloire ? ‘Non, Non, dit Pierre, Tu ne passeras pas par la mort. Non, tu seras le vainqueur’. Et il a fallu que Jésus renvoie violemment Pierre : ‘Va-t-en derrière moi satan’. Et cette tentation de la haute montagne, c’était le dernier combat de Jésus, celui au jardin des oliviers, lorsqu’il lui faut monter sur cette montagne qui est celle de la croix, peu avant Il implore son Père : ‘que cette coupe s’éloigne de moi. Que cette coupe s’éloigne de moi. Mais Ta volonté, et non pas la mienne’.
Les trois tentations du confort, de la gloire médiatique, du pouvoir. Voilà… Jésus y est confronté comme chacun de nous. Nous aussi nous sommes invités à faire un choix. Nous aussi nous sommes invités à réaliser que ce qui sauve, ce n’est pas ce que nous faisons, mais ce que Dieu fait en nous et qu’il nous faut nous mettre tout entier à l’écoute de la Parole de Dieu. A l’écoute de ce que veut Dieu veut nous donner.
Alors, – je conclue –, Adam, c’est moi : Moi aussi je veux la vie éternelle, moi aussi je veux être comme Dieu. Et je suis invité à être le Christ, me laisser remplir de Lui, afin de choisir le chemin que Dieu a prévu pour moi. Donc le salut, ce n’est pas moi qui le gagne, même s’il me faut quand même mener un combat.
Et ce combat, il est contre moi-même, contre mon orgueil, contre ma volonté de puissance, contre ma volonté de confort… Contre mon orgueil. Ce combat, il faut que je le mène, et le seul qui peut m’aider à le mener et à le gagner, c’est le Christ.
Le Christ qui a choisi de se faire nourriture pour nous, qui se donne à nous, non pas comme un roi tout-puissant qui viendrait nous écraser, mais comme une nourriture, sous la forme d’un tout petit morceau de pain. C’est Dieu tout entier qui vient à nous, afin que nous soyons nous aussi Dieu.