Par l’abbé Gaël de Breuvand
(Les titres sont ajoutés après retranscription, c’est pourquoi le style reste très oral)
« Souviens-toi que tu es poussière et que tu retourneras en poussière ».
« Convertissez-vous, et croyez en l’Évangile ».
Ces deux phrases, vous les entendrez lorsque vous seront imposées les cendres. Un petit geste que l’on fait, juste après l’homélie, pour manifester notre volonté de suivre le Christ.
Et qu’est-ce que cela veut dire ? Ça veut dire qu’il est temps de s’activer. Car le temps favorable… C’est maintenant. Il ne s’agit pas de repousser à plus tard de décider d’être ami du Christ. C’est maintenant que nous sommes appelés à entrer dans le Salut de Dieu ; dans le cadeau que Dieu veut nous faire. C’est ce que nous dit saint Paul : ‘le voici maintenant le moment favorable ; le voici maintenant le jour du salut’. Il s’agit pour nous d’entrer dans ce Salut, dans ce cadeau que Dieu veut nous faire. Par nous, par la voix de l’Église, c’est Dieu lui-même qui lance un appel : « laissez-vous réconcilier ». Alors vous allez me dire, ça fait 10, 20, 30,40, 50, 60 carêmes que l’on fait et on a toujours autant de mal. Chaque année, on entend cette parole : ‘convertis-toi ! Tourne-toi vers le Seigneur ! Deviens un bon chrétien !’ Et chaque année, on essaie et bah… on y arrive pas quoi. Alors à nouveau, il faut relancer la machine, se remettre sous le regard de Dieu, en étant convaincu d’une chose, une seule : c’est que ce n’est pas nous qui nous sauvons. C’est pas nos bonnes œuvres qui nous sauvent. C’est Dieu qui nous sauve. Et donc la seule question pour nous, c’est : ‘comment cette année encore, je vais essayer de lui faire un peu de place. Comment lui faire un peu de place, là, aujourd’hui, ici et maintenant’.
Alors, c’est l’Évangile… C’est Jésus lui-même qui nous donne quelques pistes. Il nous donne les trois pas à faire pendant le carême. Ces trois pas sont aussi les trois P. Dans l’ordre de Jésus, c’est partage, prière et pénitence. Et c’est intéressant de voir dans quel ordre c’est ; Jésus parle des choses les plus importantes en fait. Partage ? L’aumône. La prière ? La relation avec le Père. Et la pénitence ? Finalement la condition pour pouvoir vivre pleinement… la prière et l’aumône.
Je reviendrais d’abord sur ce P de pénitence. Il s’agit pour nous, aujourd’hui où nous avons jeûné, où nous avons décidé de vivre, on va dire sobrement, peut-être plus sobrement que d’habitude ; nous avons décidé de laisser de côté ce qui nous envahit, d’abord par la nourriture – alors le fait de se passer de nourriture, ça fait que chaque fois que l’on a faim, on peut penser au bon Dieu –, et ça arrive bien toute la journée cela. Et puis le fait de se passer de nourriture, ça sert à rappeler que la nourriture la plus importante et la plus essentielle, c’est Sa Parole. Souviens-toi que tout cela autour de toi est poussière et retournera en poussière. Et que ce qui est essentiel, c’est la relation. Alors notre jeûne ce sera un jeûne de nourriture, ce sera peut-être un jeûne de télévision, un jeûne d’ordinateur, de smartphone, de facebook, je ne sais… Tout cela pour arriver à nous concentrer sur ce qui est réellement essentiel : le Christ.
Alors nous allons entrer dans une relation nouvelle avec le Christ, avec le Père et nous allons nous mettre à prier. Peut-être qu’on le fait déjà ! Mais peut-être qu’on peut donner une nouvelle saveur. Voilà… Un choix. ‘Seigneur, chaque jour, je te consacre 5 minutes, juste pour toi, rien que pour toi’. Ou 10, ou 15… Selon notre appel. Mais en vérité, posons-nous la question : aujourd’hui, demain, d’ici dimanche ! En fait, c’est pas mal : le carême, il commence le mercredi des cendres et le premier dimanche de carême, il est… Bah il est dimanche ! Donc on a trois jours pour décider quels actes concrets on va poser. C’est notre petite retraite d’entrée en carême. Pendant ces trois jours, mettons-nous sous le regard de Dieu : ‘Seigneur, qu’est-ce que tu veux de moi ? Quel temps vais-je te consacrer ? Comment ? Est-ce que ce sera en ouvrant la Parole de Dieu un peu plus régulièrement, chaque jour ? Est-ce que ce sera en m’arrêtant à l’église et prenant cinq minutes. Est-ce que ce sera en fermant ma porte et en me donnant à Toi ?’ Est-ce que ce sera en disant une dizaine de chapelet… Chacun est appelé à un rendez-vous. Chacun le sien… Il n’y a pas d’égalité. Cette prière, c’est la relation avec Dieu. C’est dire à Dieu : ‘je sais que Tu m’aimes, et je veux me laisser aimer par Toi. Et moi à mon tour, je veux t’aimer’.
Et puis : partage, aumône. Aumône, c’est quoi ? C’est la relation avec les autres. En fait, on revient toujours au même commandement : ‘écoute Israël, le Seigneur ton Dieu est l’Unique. Tu l’aimeras de tout ton cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit et tu aimeras ton prochain comme toi-même’. L’aumône, ce partage que nous sommes invités à vivre, c’est témoigner de l’Amour de Dieu qui est en nous et qui veut rayonner en dehors de nous. Là aussi, ce peut-être une aumône en temps : quelle personne pourrais-je aller visiter, que je ne vais pas visiter habituellement ? Quelle rencontre suis-je appelé à vivre ? Ou bien ce peut-être financier. Ou, ce peut être finalement en lien avec la pénitence : le repas que je ne mange pas, la douceur que je ne m’offre pas, est-ce qu’elle ne permet pas d’offrir à l’autre quelque chose d’utile. Pour lui. Pour sa joie.
Les trois P du carême. Trois pas.
Donc aujourd’hui, maintenant, le salut est pour nous. Aujourd’hui, nous sommes invités à faire trois pas. Et tout cela pour quoi ? Tout cela c’est pour… La cible, le but, c’est la mort et la résurrection du Seigneur, que nous allons fêter solennellement, mi-avril. La passion du Christ, qui se donne, qui s’offre au Père.
C’est finalement, ce que nous explique Joël. Joël, il est un prophète du 5e-4e siècle, et on a déjà fait un pas avant lui. Avant lui, bien avant… On se disait que si l’on veut entrer en relation avec Dieu, il faut lui faire des offrandes. Et donc on va lui faire des sacrifices. Et donc on va lui donner des moutons, des bœufs, des tourterelles, voire même quand on veut faire un gros cadeau, – dans certaines traditions païennes –, on va lui offrir nos enfants. Alors le Seigneur a vite mis le ‘holà’. ‘Non, ce n’est pas cela que Je veux de vous’. Il le dit : ‘que me font vos sacrifices, est-ce que je mange, moi ?’. Alors à l’époque de Joël, on avait bien compris que Dieu ne nous attendait pas sur une offrande matérielle, offerte directement à Lui. Par contre, ce qu’Il nous demande : ‘revenez à moi de tout votre cœur, déchirez vos cœurs, et non pas vos vêtements, revenez vers moi. Entrez en relation avec moi. Offrez-vous à moi tout entier’. Voilà, c’est cela. Le but, c’est que nous nous offrions au Père. Alors, on y réfléchit quelques instants et on se rend compte qu’on en est bien incapables. C’est bien pour cela que le Christ est venu et qu’il nous sauve. Lui, Fils de Dieu, Dieu né de Dieu, lumière née de la lumière, s’offre au Père. Et c’est tout le mouvement de la messe. Le Christ s’offre à nous : ‘ceci est mon corps, donné, livré pour vous’. Et puis, un peu après, la grande doxologie à la fin de la prière eucharistique : ‘par Lui, avec Lui et en Lui. A toi Dieu le Père tout-puissant dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire’… Et qu’est-ce que fait le prêtre à ce moment ? Il élève le calice et l’hostie. Il élève le corps du Christ. Et il élève le corps du Christ qui est l’Église ; Toute l’Église est offerte. Et nous, nous pouvons décider de nous laisser offrir, par le Christ, avec le Christ, dans le Christ. Et alors en vérité nous pouvons dire Notre Père. En vérité nous pouvons dire Notre Père.
Alors comme nous sommes faibles, que nous avons besoin bien souvent de gestes concrets qui nous rappellent ce pour quoi nous sommes faits, nous allons dans quelques instants recevoir les cendres. Et comme nous sommes faibles et que nous avons besoin de la force de Dieu, nous allons recevoir l’Eucharistie. Et nous entrons dans cette préparation qui est bien un temps de pénitence et en même temps, un temps de joie. ‘Sonnez du cor dans Sion, prescrivez un jeûne, annoncez une fête, réunissez tout le monde, que le jeune époux sorte de sa maison, que la jeune mariée quitte sa chambre, les prêtres pleureront…’, mais nous, nous nous réjouirons. Réjouissons-nous, accueillons le don de Dieu, voici le moment favorable, voici le jour du Salut.