(les titres sont ajoutés après relecture, le style reste très « oral »).
Un roi pasteur
Dans cet extrait du livre de Samuel est décrit le début de la royauté en Israël. Le premier des livres de Samuel décrit grosso modo ce qui se passe sous le règne de Saül. Et le deuxième livre nous présente David. David… Vous vous rappelez comment il a été choisi ? Il est le 8e fils de Jessé et le prophète Samuel est envoyé par Dieu pour trouver le futur roi parmi le fils de Jessé. On voit que le premier est grand, ‘baraque’ et costaud, ‘c’est lui ?’ Alors le Seigneur dit à Samuel : ‘non, ce n’est pas lui ‘. Alors le deuxième fils se présente ? Le deuxième, il est encore plus beau encore plus ‘baraque’, encore plus costaud et ce n’est toujours pas lui. Et comme cela pour les sept ! Alors Samuel se tourne vers Jessé : « mais n’as-tu pas un autre fils ? – Oh oui, j’en ai bien encore un huitième mais on l’a envoyé loin garder les brebis parce qu’il n’était pas digne de s’attabler à ta table ». Et c’est lui, celui dont personne ne voulait, qui devient le roi d’Israël. Aujourd’hui dans ce passage-là, il était devenu roi de Juda, des deux tribus de Juda autour de Jérusalem, et les dix autres tribus d’Israël s’approchent de David et lui disent : « sois aussi notre roi ». Pourquoi le veulent-ils ? Parce que le Seigneur t’a nommé, t’a choisi, t’a élu comme… roi d’Israël, comme berger, comme le berger d’Israël. « Tu seras le berger d’Israël pour ton peuple ». Alors il y a alliance entre David et le peuple en présence de Dieu.
Voilà David, roi d’Israël, parce que nommé par Dieu, choisi par Dieu pour être notre berger. C’est intéressant… On le voit, il est oint, il devient ce jour-là huilé, en hébreu ‘Messie’ ou en grec ‘Christ’. Il fait partie des trois grandes parties de personnages bibliques qui sont ointes : les prêtres, les prophètes et les rois. Il est le premier quasiment (Saül avait aussi été ‘oint’)… il y a eu Aaron avant lui comme prêtre, mais il est le roi-messie d’Israël.
Une royauté à la manière de Dieu et non à la manière des hommes
Alors nous nous trouvons dans l’évangile, la toute fin de l’évangile. Nous fêtons le Christ Roi. On comprend bien le sens de la première lecture qui représente l’élection, le choix de David. Mais pour l’évangile, on aurait pu attendre un grand moment de gloire comme par exemple lorsque la foule s’écrit ‘Hosannah fils de David’ aux Rameaux, ou bien juste après la multiplication des pains quand la foule veut faire de lui un roi. Non…
Le texte choisit par l’église, c’est : ‘on venait de crucifier Jésus’. Et vous savez comme moi que la crucifixion est l’un des pires supplices qui existe. On souffre beaucoup et on ne meurt même pas de ses souffrances, mais étouffé, noyé. C’est épouvantable. Et là, les chefs eux, ont bien lu la Bible et ils savent que Jésus avait accepté pour lui le titre de Messie. Il est choisi de Dieu et ‘s’il est le Messie de Dieu, qu’il se sauve lui-même !’ Jésus, techniquement, il aurait pu manifester sa puissance et descendre de sa croix, mais ce n’est pas ainsi qu’il veut être roi. Il veut être berger, il veut être modèle… Son projet à lui, ce n’est pas de nous écraser par sa puissance, c’est de nous entraîner avec lui sur un chemin qui est un chemin d’amour. Cela change complètement notre perspective. Même les Juifs sont troublés. D’ailleurs, tout au long de l’histoire biblique, tout au long de l’histoire sainte, il y a eu des rois qui vont saisir qu’être roi c’est être au service, c’est être berger, c’est être serviteur. Il y a aussi des rois qui ne comprennent pas cela et qui sont roi à la manière humaine, comme les voisins, comme les pharaons, comme les rois de Babylone et du coup eux, ils sont assis sur leur trône en attendant de se faire servir, alors que le bon roi, au sens biblique, c’est celui qui se met aux genoux de son peuple pour lui laver les pieds. Voilà un grand moment de royauté, là où le Christ se présente à nous comme roi. Il nous dit d’ailleurs : ‘ce que je fais pour vous, faîtes-le les uns pour les autres’.
Roi par la Miséricorde
Aujourd’hui cet évangile, c’est selon Saint-Luc et on parle de Saint-Luc comme de l’évangéliste de la miséricorde. Ça tombe bien aujourd’hui, fête de Christ Roi. Fin 2015, voilà un an à peu près, le 8 décembre dernier, le pape François a ouvert un ‘grand jubilé de la Miséricorde’ et aujourd’hui, nous fermons les portes. Cet après-midi, il y a eu fermeture des portes à Fourvière et à Saint-Bonaventure, vendredi c’était à la cathédrale. Cette semaine, on a fermé les portes des différentes églises romaines.
Est-ce que, maintenant que le jubilé est fini, est-ce que la miséricorde est finie ? Est-ce qu’il faut que l’on s’arrête là ? Bien évidemment, non. Jésus, la Parole du Christ, est vraie pour toujours, y compris quand on ne fait pas de jubilé autour de cette Parole de miséricorde.
Mais là, nous le voyons, encore une fois, Jésus souffrant sur la croix et je peux vous assurer que cette souffrance-là fait que l’on a qu’une envie, c’est de se refermer sur soi-même. Et on l’insulte, ce qui ne semble pas tellement le toucher et pourtant si, cela le touche. Et son voisin, un bandit, un malfaiteur, à priori un type qui a quand même fait des sales coups, des trucs pas nets… Il est crucifié et dit lui-même l’avoir mérité, c’est que ça ne devait pas être folichon. Lui se tourne vers Jésus et lui dit : ‘Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume’. Cette parole est étonnante… Car d’où la sort-il ? Alors que lui aussi souffre sur la croix, il aurait pu s’enfermer sur lui-même, sur sa propre douleur, sur sa propre colère… Non. Là il lève les yeux… et s’adresse à Jésus : ‘Seigneur, souviens-toi de moi’. Et Jésus lui répond : ‘Amen, je te le dis’… c’est un moment difficile pour lui. Car parler quand on est sur la croix, étouffé par son propre poids… Il lui dit : ‘Aujourd’hui, tu seras avec moi au paradis’. C’est étonnant car à cet instant qui est un grand moment de souffrance, Jésus est en train d’accomplir ce pour quoi il est venu. Et sans aucun doute, Jésus est dans la joie. Souffrance, oui : au maximum ! Et joie aussi au maximum, c’est étonnant. C’est presque paradoxal… Et pourtant nous savons bien que si nous voulons trouver la joie, il nous faut nous dépenser et nous fatiguer. Et cela n’est pas toujours très drôle. ‘Amen, je te le dis, Aujourd’hui avec moi, tu seras dans le paradis’.
Clôture du jubilé
Alors pendant un an, nous avons médité sur cette miséricorde de Dieu qui se donne à nous… Comment Jésus se donne à nous pour nous sauver, comment il se donne à nous sur la croix, il nous donne sa vie, comment il nous écoute, comme il sauve ce bon larron, qui a tout juste tourné son regard, son cœur vers lui. Eh oui, tout est possible même au dernier instant. Ne jamais désespérer…
Et puis nous avons médité, sur non seulement comment accueillir cette miséricorde de Dieu, mais aussi comment la transmettre. On a parlé des 14 œuvres de miséricorde ; sept de miséricorde corporelle et sept de miséricorde spirituelle. Il s’agit de les mettre en œuvre encore, maintenant, demain, chaque jour… Chaque jour on va pouvoir accompagner ceux qui meurent, ceux qui souffrent. Chaque jour on va pouvoir supporter ceux qui nous ennuient. Chaque jour on va pouvoir accompagner ceux qui sont dans le deuil… On va pouvoir accompagner les plus pauvres.
Que cette année de la Miséricorde qui se conclue soit pour nous non pas, comme cette fermeture de porte, non pas la fin de l’histoire, mais bien le début. Accueillons dans cette messe Jésus qui se donne… Eucharistie… comme une action de grâce. C’est lui qui se donne au Père et qui lui dit Merci. Et nous, connectés à lui, nous lui disons merci aussi. C’est cela la Messe.
Tout à l’heure, il va venir, il sera présent en son corps, en son sang. Il se donnera à nous ‘Ceci est mon Corps, livré pour vous’. Et nous continuerons à prier et à la fin de la prière eucharistique… Par Jésus… Avec Jésus… En Jésus… nous offrirons tout honneur et toute gloire au Père dans l’unité du Saint-Esprit. Et en ce ‘tout honneur’ et ce ‘toute gloire’, c’est nous même qu’il faut offrir, tout entier. Nous pourrons alors sans fin commencer un Notre Père. Une prière de tendresse, car Dieu nous aime et il veut notre bonheur.
Abbé Gaël de Breuvand