Martin, un soldat romain qui devient chrétien
Retranscription (les titres sont ajoutés après relecture, le style reste très « oral »)
Martin… un jeune homme issu de Pannonie, c’est en Hongrie aujourd’hui… Il est issu d’une famille romaine, qui est chrétienne. Pour autant lui, il est catéchumène et se prépare au baptême mais il ne s’est pas encore engagé. Peut-être qu’il n’a pas encore fait sa rencontre avec le Christ. Peut-être que, pour certaines raisons, il ne souhaite pas s’avancer davantage à la suite du Christ. A 18 ans, il devient soldat, entre dans l’armée romaine pour faire son temps de service. On est dans les années 350. Ces années-là, c’est le début de ce que l’on peut appeler les grandes invasions, c’est le moment où il y a des troubles dans l’Empire. La paix romaine commence à être un mythe qui date des temps anciens.
Et puis, vous le savez, vous connaissez cet épisode, un jour en Gaule, il rencontre un pauvre ayant très froid. Et là, écoutant son cœur, il partage son manteau. Ce manteau romain qui est à moitié sa propriété et à moitié la propriété de l’armée. Il le partage en deux : il donne finalement la partie qui lui appartient et il en couvre le pauvre. La nuit qui suit, il a un songe… Dans ce rêve, il voit le Christ habillé de la moitié du manteau.
Le souci de la communauté
Quelques années plus tard, il va quitter l’armée, il va s’attacher aux pas de moines dans la région de Tours. Il sera appelé, va être baptisé ; il sera appelé à devenir évêque et là, il va mettre en place un système pour annoncer la parole de Dieu à tous. Pas seulement aux gens des villes, mais aussi aux gens des campagnes, qui à l’époque sont considérés comme des glaiseux : on les appelle les paganos. Un mot qui a donné deux mots : celui de paysan et celui de païen. Il va s’intéresser à ce monde rural, largement majoritaire, et il va leur annoncer le Christ. Il va organiser un système qui est celui qui existe toujours, un système territorial qui est celui de la paroisse. Du coup, chaque personne, dans son diocèse, et dans toute la France, saura qu’à une heure de marche de chez lui au plus loin, il y a une église, il y a une paroisse, il y a une communauté.
Ce qu’il met en place va être invisiblement une pierre de plus à la fondation de ce qu’on appellera quelques siècles plus tard la France. Parce qu’en instaurant des communautés où tous se retrouvent – aussi bien le maire du village, le paysan qui est éloigné dans sa ferme, le bourgeois de la ville – il crée une communauté, permettant l’établissement de liens entre chacun. Les différences sociales existeront toujours, les occasions de se disputer, de s’éloigner existeront… Mais chaque dimanche, il y aura cet instant de grâce : pendant une heure, on se retrouvera tous à chanter la gloire de Dieu.
Finalement, invisiblement, il va fonder notre pays comme une communauté. Il n’est pas le seul, il y a eu bien d’autres influences, mais il a été très vite considéré à partir du VIIIe siècle comme un des fondateurs, un des pères de notre pays. Finalement un des fondateurs de la patrie.
La Patrie
Alors aujourd’hui, 1 700 ans plus tard… Aujourd’hui encore, cette idée de famille, cette idée de patrie, de communauté, est encore une question prégnante, une problématique. Une question qui se pose à nous.
Finalement qu’est-ce que la patrie ? C’est ce qui me constitue au sens où je l’ai reçue. On pourrait distinguer la nation, qui est l’ensemble des personnes qui sont nées au même endroit que moi et la patrie, là où mes pères sont morts. Bien évidemment, notre but de former une communauté, c’est de se reconnaître fils de la même patrie, de telle sorte à être une nation, une communauté humaine, une famille humaine. Alors finalement, le défi qui se présente à nous aujourd’hui, c’est que tous les fils de la nation, 60 millions et quelques, puissent se reconnaître comme membre de la même famille, enfants de la même patrie.
Cette idée a fonctionné plus ou moins bien au cours des âges et on voit que la proposition de Saint-Martin à l’époque avait, bon an mal an, plutôt bien fonctionné puisque entre le IVe et le XIIe siècle, malgré toutes les difficultés, les grandes invasions, il y aura une intégration de toute cette population : vieux gaulois, anciens romains, nouveaux arrivants : Francs, Burgondes, Vandales, etc…
Et finalement après quatre siècles, il y aura la reconnaissance que tout le monde fait partie d’une même famille. Evidemment, la situation de Saint-Martin et la situation trois siècles plus tard seront très différentes. Et pourtant quelque chose est né.
Prendre les moyens de défendre notre héritage
Alors aujourd’hui on se rappelle le jour où, face à une attaque, la population française a pris les armes, face à l’invasion qui cherchait à détruire une forme de patrie pour la remplacer par une autre.
Cette patrie est quelque chose de précieux, qui nous appartient, elle nous constitue. Aujourd’hui quand on fait mémoire de ces morts de la guerre 14-18, qui bien souvent ont été gaspillés, perdus, nous voulons non pas nous rappeler des raisons plus ou moins bonnes qui ont provoqué la guerre, mais nous voulons nous rappeler des raisons qui, elles, étaient profondes et bonnes, qui ont permis à ces millions de jeunes hommes de se lever pour défendre ce qui les constituent, c’est-à-dire leur patrie, leur famille, leur terre. La guerre n’est jamais bonne, en tant que tel. Pour autant, prendre les moyens pour défendre ce en quoi nous croyons et ce qui nous constitue, cela peut être bon.
Peut-être nous ne nous faut-il aujourd’hui pas prendre les armes, mais il faut certainement prendre tous les moyens nécessaires pour qu’une communauté nationale, une communauté héritière d’une patrie puisse exister en vérité.
Alors, nous, moi qui suis chrétien, j’ai aussi ma place dans cette patrie, j’ai aussi ma place dans cette nation. Ceux qui ne sont pas chrétiens, aussi ont leur place toute entière. Le tout, c’est d’arriver à s’entendre, à s’écouter, à entrer dans le dialogue. Un dialogue vrai qui va considérer que ce que l’autre a à dire n’est pas forcément mauvais. C’est un vrai combat.
C’est aussi faire entrer chacun de nous dans une écoute et une réception de ce qui nous vient du passé. Le passé n’est mort qu’une fois qu’on l’a oublié. Il s’agit pour nous de nous souvenir non pas comme d’une histoire passée, d’un beau roman, mais de quelque chose qui peut nous faire vivre aujourd’hui. C’est pour cela que Saint-Martin est un bon exemple et que l’Eglise nous le propose aujourd’hui. Il s’agit pour nous de faire vivre notre relation au Christ lorsque l’on est chrétien, et d’en témoigner par toute notre vie. Il s’agit pour nous de faire vivre nos valeurs, ces valeurs qui sont fondées sur l’Evangile que l’on vient d’entendre :
J’avais faim, et vous m’avez donné à manger, J’avais soif et vous m’avez donné à boire, J’étais un étranger et vous m’avez accueilli, J’étais nu et vous m’avez habillé, J’étais malade et vous m’avez visité, J’étais en prison et vous êtes venu jusqu’à moi
Finalement ce que nous voulons faire vivre aujourd’hui, ce sont deux réalités : celle de la justice et plus encore celle de la charité… Amour… gratuit… donné.
Une société, une communauté, une cité ne pourra vivre dans la paix que si la charité est première.
Abbé Gaël de Breuvand