L’histoire se passe en Afrique. Souvent, pour se rendre d’un village à l’autre, on grimpe au passage sur un camion qui s’y rend. On s’assoit comme l’on peut sur le plateau à l’arrière. Le chauffeur est d’accord, il a l’habitude. Un jour, un petit garçon s’installe comme cela. Assis au bord, il laisse pendre ses jambes, et les agite joyeusement. Et voilà que l’une de ses sandales tombe sur la piste. Le chauffeur ne s’arrêtera pas. De toute façon, il n’a rien entendu, et même si le petit garçon l’interpellait, tout se perdrait dans le bruit du moteur, des pneus sur la route et des voyageurs qui parlent entre eux.
Que croyez-vous qu’il arriva ? L’enfant enleva sa deuxième sandale et la jeta au loin, dans la direction de la première. Surpris, un homme à côté de lui, un européen en voyage, le questionna : « mais que fais-tu, pourquoi as-tu jeté ta deuxième sandale ? » Et le petit garçon lui répondit : « si quelqu’un trouve et ramasse la sandale qui est tombée, elle ne lui servira à rien. Maintenant, au moins, il trouvera les deux et il pourra marcher avec ! »
Nous entrons ce mois-ci dans le temps du Carême, un temps liturgique au cours duquel l’accent va être mis sur des actions concrètes que nous sommes invités à accomplir peut-être plus assidûment, plus régulièrement que d’habitude : prier, partager, pardonner.
Non, je n’ai pas oublié dans cette liste le verbe « jeûner », que l’on se rassure. Je l’ai juste remplacé par l’une de ses finalités : le partage. En effet, le jeûne que nous sommes invités à observer ouvre des perspectives à l’infini, puisqu’il nous conduit à penser aux autres, à avoir le souci des autres. Donner non seulement ce que nous avons en trop (c’est déjà bien), mais également ce dont nous acceptons de nous priver et dont les autres manquent peut-être cruellement (c’est encore mieux).
Du coup, se priver devient une chose intéressante car elle a un but, un objectif concret, peut-être un visage. Il ne s’agit pas de se priver pour le plaisir de se priver (d’ailleurs, ce n’est pas un plaisir !), il s’agit de renoncer à des habitudes, à des activités plus ou moins importantes, à des achats qui peuvent être différés, en bref : à des choses « non-essentielles ». Pour dégager, par exemple, du temps à consacrer à quelqu’un, une offrande qui sera précieuse pour une association, un vêtement ou tout autre objet qui deviendra un cadeau…
Quelle joie pour celui ou celle qui trouvera notre paire de sandales !