« Christ est ressuscité, mais c’est en secret », scande l’une de nos hymnes du Temps Pascal. Voilà qui peut paraître surprenant, presque anachronique. À l’heure – et c’est une bonne chose – où la liturgie nous invite à chanter nos « Alleluia » à gorge déployée, au moment où nous sommes rappelés à notre mission de témoins de la Bonne Nouvelle, cette hymne vient comme nous mettre en garde : quel est cet évènement que vous célébrez et que vous êtes invités à proclamer ? Et l’hymne continue : « Dieu seul connaît l’instant où triomphe la vie ». Ainsi donc, les fêtes pascales, et tout particulièrement la Résurrection de Jésus, nous invitent avant toute chose à contempler un mystère, né et accompli dans le secret de Dieu…
J’ai le souvenir d’une veillée pascale, dans une paroisse de Marseille, il y a quelques années. Après le rite du feu nouveau sur le parvis, nous sommes entrés dans l’église plongée dans la pénombre et le silence. Pas d’orgue, pas de chant. Il faut quelques instants pour faire un vrai silence. Un silence qui ne soit pas uniquement l’absence de bruit, mais l’expression d’une attente. Puis, les cloches de l’église ont commencé à résonner. Et nous n’avons pas chanté tout de suite, volontairement. Nous avons écouté le son des cloches, qui ont retenti doucement d’abord, puis à toute volée. Elles nous disaient que le Seigneur avait fait merveille, et que cette merveille nous était offerte. Alors, oui, à présent l’orgue pouvait retentir, le chant de l’Exultet pouvait s’élever dans la nuit, porté par toute l’assemblée. Nous savions ce que nous étions venus célébrer : un don de Dieu. Nous avions compris que nous étions venus recevoir quelque chose, un mystère de Dieu déposé dans le secret de nos cœurs.
Je crois profondément que toute joie, pour être exprimée, doit d’abord avoir été intériorisée. C’est l’une des significations du Samedi Saint, qui est souvent le « parent pauvre » de nos semaines saintes. Ce Samedi Saint qui devrait être rempli d’une attente, d’une attente joyeuse et sereine car certaine qu’elle sera comblée.
Marie en est la parfaite expression : à plusieurs reprises, dans l’Evangile, il nous est rapporté qu’elle « gardait toutes ces choses dans son cœur ». Pourquoi ne les proclamait-elle pas à travers les rues de Nazareth ? Nous avons besoin de nous mettre à son école. « Garder dans son cœur », c’est laisser le temps faire son œuvre de mûrissement en nous, comme le printemps est en train de le faire dans les plantes de nos balcons et les arbres de nos jardins.
Que ce temps pascal soit pour toutes et tous le temps de la joie profonde, celle qui nous est venue du Seigneur, au cœur d’une nuit en Palestine, au cœur de nos nuits, si sombres soient-elles parfois, au gré des évènements qui marquent nos vies. Car il n’est pas de nuit que le Seigneur ne soit capable de traverser pour nous rejoindre et nous éclairer de sa vie nouvelle.