La chronique littéraire (1) : Notes Intimes, Marie Noël
Jeu
Je
n’ai pas envie d’être parfaite comme l’homme parfait
est parfait. Je n’ai pas envie d’entretenir en
moi cette conscience
policière qui épie tous les sentiers pour saisir
le péché qui passe.
Je n’ai pas envie de prendre cette sacrée
fatigue qui nuit et jour
mesure, ajuste, taille, rogne, rabote, pour
tirer de l’arbre
noueux -l’arbre vivant- une juste planche de
cercueil.
Je voudrais être parfaite comme
le Père est parfait.
En Lui est la Loi
mais en Lui LE JEU.
Son œuvre est Séraphin, mais
papillon aussi.
elle est cieux, étoiles, obéissance d’astres,
mais aussi feu
vent et caprices des nuages.
Il s’amuse à des fleurs.
Il a inventé pour rire (si ce n’est pour rire
pourquoi est-ce ?)
Les queues d’écureuil, les plumes de paon,
les pattes de cigogne, les trompes d’éléphant,
les bosses de chameaux ou de dromadaires.
Et s’il trouve du plaisir-peut-être?–
à ce qu’un saint moine tenté se donne, de nuit,
la discipline,
Il bénit aussi d’un sourire le chevreau qui
danse,
la poule qui pond et le bouc à la longue barbe
qui court sus à sa biquette.
Je voudrais que mon âme aussi-et mon œuvre
aussi-
fût ordre et fût fantaisie