Homélie 7 juillet 2019 – 14e dimanche du Temps Ordinaire – année C
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Dans le Livre d’Isaïe, qui est un grand livre de trois prophètes successifs, une des parties s’appelle le Livre de la Consolation. Et justement, c’est bien cela que Dieu veut faire : Il veut consoler Son peuple, Il veut prendre soin de nous. Alors, vous allez me dire que ce n’est pas très original, puisque c’est déjà ce qu’on a entendu dimanche dernier, et puis le dimanche d’avant et encore le dimanche d’avant ! Dieu veut prendre soin de nous, c’est un leitmotiv, c’est son but finalement. C’est de prendre soin de nous. Il ne nous abandonnera pas : au contraire, quand nous, nous l’abandonnons, c’est Lui qui revient vers nous pour nous consoler, « telle une mère qui console son enfant ». Ainsi, Dieu veut nous consoler. C’est Lui qui a créé les pères et les mères, donc Il sait comment les pères et les mères aiment, et Il nous aime bien mieux que cela.
I – Accueillir la Croix
Alors, on pourrait s’arrêter là, et trouver que le message de Dieu, le message de la Parole de Dieu, est mignon. Souvent, on aime bien s’arrêter là. Oui, Dieu nous aime, nous nous satisfaisons de ça. Et pourtant, quand Dieu nous dit « Je t’aime », Il nous le dit d’une manière bien particulière, car Il nous le dit par la Croix. Il nous aime jusqu’à la Croix. Quand Dieu nous dit « Je t’aime », cela implique la Croix, et quand Il nous appelle à lui répondre, amour pour amour, Il nous invite à accueillir la Croix dans nos vies. Alors, oui, ce n’est pas très à la mode, ce n’est pas tellement dans le vent ! Au contraire, notre monde – vous le savez – a plutôt tendance à vouloir cacher les croix. Surtout, cachez cette croix que je ne saurais voir, cachez tout ce qui peut me faire penser, un instant, que la souffrance existe dans le monde, que la mort arrive bientôt. Cachez cela, et face à tout problème, à toute difficulté, il nous faut une solution. C’est ça que veut notre monde. Et la solution, elle est technique. On le voit bien, dans notre monde, la situation face au handicap… Et j’ai une pensée, une prière, pour Vincent Lambert… On veut trouver pour lui une solution. Et comme on n’en a pas, eh bien, la solution est technique : le mieux est de le faire mourir. Or non : il y a bien des moments, dans nos vies, où nous n’avons pas de solution, et il faut le reconnaître humblement. Nous ne savons pas faire face au mal. Dieu lui-même ne sait pas faire face au mal. La seule façon qu’Il a, Il nous l’a montré, c’est d’aimer, d’accueillir la souffrance et le mal, et trouver, par-là, le moyen d’aimer un peu plus et un peu mieux. D’être là. Jésus ne s’est pas présenté à nous comme un superman, Il s’est présenté à nous comme un homme qui souffre, et qui meurt.
II – Notre mission : participer à l’œuvre de Dieu
Alors, oui, nous sommes, du coup, complètement à contre-courant du monde présent. Et ce sera forcément une souffrance pour nous. C’est ce que disait saint Paul, dans la Deuxième Lecture, quand il s’adresse aux Galates. À cette époque, la prédication de la Croix était déjà insupportable. Rien de nouveau sous le soleil ! Cela fait 2000 ans que c’est compliqué d’être chrétien, ce n’est pas aujourd’hui que cela va devenir facile. Mais le Seigneur veut prendre soin de nous. Oui, le Seigneur veut prendre soin de nous ! Et pour cela, Il nous a choisis, encore une fois. Il nous choisit, nous, pour être Ses messagers, Ses témoins, Ses porteurs d’amour et de joie, Ses porteurs de consolation. » Il l’a dit « Je veux consoler mon peuple, et Je t’ai choisi, toi, pour aller consoler celui qui est près de toi. « Tu es mon messager, nous dit le Seigneur, à chacun, tu es mon porteur de joie, mon porteur d’amour, mon porteur de consolation. » Oui, et la moisson est abondante. Dieu merci, cela ne repose pas seulement sur nous.
III – Le Salut du monde : c’est l’œuvre de Dieu
C’est le Christ, c’est Dieu lui-même qui prend soin de Son peuple, de notre monde, qui prend soin de tous les habitants de notre terre. C’est le Christ qui en prend soin, et c’est Lui qui sauve. Du coup, oui, la mission est importante, elle est même nécessaire et, si je ne le fais pas, personne ne le fera à ma place. Mais, en même temps, cela ne repose pas que sur moi, il faut donc que j’arrive à lâcher prise. Ce n’est pas si facile ! Il faut que je me rende compte que ce n’est pas que sur moi que ça repose, que je peux lâcher, et que quelqu’un d’autre, appelé par le Christ, prendra ma place. C’est bien ce que nous dit le Seigneur : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux, priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson » et peut-être que notre prière pourrait être, en continuant, « que j’apprenne à lâcher prise et que je laisse ma place à un autre. » C’est cela, l’objectif. Et l’on se trompe, car nous sommes, tous et chacun, influencés par notre culture, par notre monde, nous avons tous tendance à vouloir réussir, à vouloir faire, à vouloir accomplir, à vouloir réaliser. L’essentiel – c’est ce que nous dit Jésus,- ce n’est pas cela : l’essentiel, d’être ajusté au projet de Dieu, d’être dans Sa Volonté. « Que Ta volonté soit faite, sur la terre comme au Ciel. » Et cette Volonté de Dieu, c’est d’abord que nous soyons des foyers d’amour, que nous soyons des relais de Sa consolation, que nous nous laissions consoler par Lui. Oui, « ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis » ; ne vous réjouissez pas de vos succès ou de vos réussites. Non, réjouissez-vous car vous êtes ajustés au Seigneur. Parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux, parce que vos noms se trouvent inscrits dans le cœur de Dieu. Parce que vous êtes dans les bras de Dieu qui, comme une mère, nous console, tous et chacun. C’est cela notre consolation, et c’est cela le message que nous avons à porter.
Ce trésor que nous portons – nous sommes des vases d’argile, comme le dit saint Paul – certes, nous ne sommes pas bien beaux, mais c’est un trésor que nous portons : Dieu nous aime, Il veut prendre soin de nous et Il nous invite à aimer, encore, toujours, un peu mieux, à aimer et à nous laisser aimer, à consoler, et à nous laisser consoler.