Par l’abbé Gaël de Breuvand
à l’occasion de la fête paroissiale et du départ de l’Abbé Gaël
renouvellement de la consécration de la paroisse au Sacré-Cœur
Aujourd’hui, solennité du Sacré-Cœur ; et le Seigneur nous parle : « Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis et je veillerai sur elles ».
Quand, au vie siècle avant Jésus-Christ, Dieu dit ça, à travers la bouche d’Ézéchiel, c’est parce que le peuple a tout perdu. Et pourquoi est-ce qu’il a tout perdu ? Parce que ses chefs, ses rois, ne s’occupaient non pas de la volonté de Dieu mais de leur propre confort, de leurs propres plaisirs. Du coup, Dieu promet, s’engage, renouvelle son engagement. Dieu est ficèle et dit « Je viendrai moi-même m’occuper de vous. » Nous pouvons compter sur cette fidélité de Dieu, et nous savons qu’effectivement Dieu est venu visiter Son peuple pour prendre soin de nous. Et c’est Jésus qui vient. Jésus fils de Dieu, Jésus vraiment Dieu, et Jésus tellement homme. Tellement homme, que, comme chacun de nous, Il a un cœur. Et tellement Dieu que sa sensibilité humaine est déployée. On se dit souvent que Jésus n’a pas tant souffert que ça parce qu’il était Dieu et finalement porter sa Croix pour Lui ça n’était pas si dur… Au contraire ! Comme Il est Dieu, Il souffre d’autant plus du Mal. Il souffre d’autant plus de la haine, Il souffre d’autant plus de l’indifférence. Donc, lorsqu’on se tourne vers le cœur de Jésus, vers le Sacré-Cœur, on voit toute l’humiliation, toute la souffrance, la tendresse qu’Il peut avoir, bien meilleure que la nôtre. Ce cœur d’homme, ce cœur de Jésus, qui est aussi cœur de Dieu, est aussi aujourd’hui au ciel. Dieu nous aime aujourd’hui avec un cœur d’homme. Donc, c’est un cœur qui peut nous comprendre. Dieu n’est pas là-haut, perché, avec qui on n’aurait aucune possibilité d’être en relation. Non, Dieu est un homme. C’est assez original comme parole, non ? Dieu est un homme, et donc Il nous comprend et en plus, on comprend qu’Il nous comprend.
La dévotion au Sacré-Cœur s’est développée relativement récemment dans l’Histoire de l’église. Alors, elle n’a pas été inventée récemment, mais elle s’est développée récemment, depuis environ le xviie siècle avec saint Jean-Eudes, avec sainte Marguerite-Marie à Paray-le-Monial. Et pourquoi on a redécouvert cette prière au cœur de Jésus, là, sur l’autel ? C’est la vision que Marguerite-Marie a eue du cœur de Jésus. Un cœur aimant, saignant, entouré de cette couronne d’épines. Pourquoi c’est au xviie siècle que ça se développe ? C’est parce qu’à cette époque, il y a une tendance qu’on appelle le jansénisme qui se déploie, et qui voit Dieu d’abord comme un juge sévère. Mais la révélation de l’Évangile, ce n’est pas ça. La révélation de l’Évangile, c’est que Dieu veut prendre soin de nous et qu’Il ne se présente pas à nous comme un juge, mais comme un père, comme un avocat, comme un défenseur. Jésus nous l’a dit : « Je vous enverrai un autre défenseur. » Ça veut dire que Lui, déjà, est défenseur et que l’Esprit qu’Il envoie est défenseur, avocat, paraclet. Alors, pour redécouvrir la dévotion au cœur de Jésus, il faut nous tourner vers l’évangéliste saint Jean, parce que c’est à partir de ses écrits que l’on déploie cette pensée autour du cœur de Jésus. Et pourquoi saint Jean ? Car c’est celui qui, au soir de la Cène, est tout près de Jésus. Il a sa tête posée contre la poitrine de Jésus, et il a senti cet amour de Dieu, pour nous, à travers Jésus. Cet amour de Dieu, c’est celui qu’on entend dans cette parabole. « Lequel d’entre vous, s’il a cent brebis et qu’il en perd une, n’abandonne-t-il pas ses 99 autres pour trouver la brebis perdue ? » Alors, moi, quand j’entends, ça j’ai un peu envie de répondre : « Pas moi ! » Moi, quand j’ai cent brebis, si j’en perds une, je garde précieusement les 99 autres et je ne vais pas forcément chercher la dernière. Mais Jésus nous dit que c’est ce qu’il faut faire… Alors je demande à Dieu, à Christ, de me convertir, pour que mon cœur soit semblable au sien. C’est ça, il faut que mon cœur soit semblable au cœur de Jésus, qui n’est pas dans une logique humaine, qui n’est pas dans une logique comptable, mais qui veut prendre soin de chacun de nous.
Il n’y en pas un qui est en trop. Il n’y en a pas un qui peut dire : « si je ne suis pas là ça ne se verra pas. » Non. Peut-être que moi je ne le verrais pas, mais le Christ vous attend et votre place est libre. Elle est pour vous. Il nous l’a promis : « Je m’en vais préparer une place pour vous dans la maison de mon Père. » Et cette place-là est pour moi, elle n’est pas pour un autre et il y a de la place pour chacun. Jésus vient à la recherche de chacune de Ses brebis et Il vient à la recherche de moi, humblement. Je suis une merveille à ses yeux. Nous sommes tous, vous êtes tous, chacun, une merveille aux yeux du Seigneur et Il a tout donné pour chacun de nous. Et c’est ça que nous dit cette dévotion aux yeux de Jésus.
Au début de cette célébration nous avons chanté : « J’ai vu des fleuves d’eau vive, Alléluia.» Ces fleuves d’eau vive, c’est une vision d’Ézéchiel, encore, que saint Jean a reprise dans l’Apocalypse, et dont Jésus parle. Ces fleuves d’eau vive, c’est Jésus qui nous le manifeste, d’ailleurs. Il nous dit « Celui qui a soif qu’il vienne à moi et qu’il boive et alors de son cœur jailliront des fleuves d’eau vive. » La source, c’est Jésus. Si je m’approche de Lui et que je bois à Lui, qui est source, alors je me remplis et je commence à déborder de Son amour, de Sa tendresse, de Son attention. « J’ai vu des fleuves d’eau vive », je m’abreuve à Lui et des fleuves d’eau vie jaillissent de moi : je deviens un coopérateur, un collaborateur à l’Œuvre de Dieu. Jésus est sur la Croix ; Il est mort. Un soldat accomplit l’Écriture en prenant une lance et en transperçant le côté de droit de Jésus. Le côté droit de Jésus, c’est ce qui lui permet d’atteindre le cœur. Et il en sortit de l’eau et du sang. De l’eau parce qu’il a percé la plèvre et du sang parce qu’il perce le cœur. Tous les Pères de l’Église, toute l’Église voit, dans cette eau et ce sang, deux grands sacrements. Le baptême qui fait de nous des fils de Dieu, qui nous donne cette connexion à Dieu qu’on appelle la Foi. Le baptême, que va recevoir dans quelques instants Amaury, qui nous transforme, et nous change, et fait de nous des individus, des personnes, qui se mettent à ressembler à Dieu, à ressembler au Christ. Et puis, le sang, qui coule du cœur de Jésus, c’est l’Eucharistie. Ce sang que nous allons recevoir dans quelques instants. Ce sang qui est rouge, couleur de l’amour, couleur de l’amour même de Dieu : charité. Cette amour qui veut se déployer en nous, qui veut grandir en nous, mais pas pour qu’on le garde, pas pour qu’on soit rapiat avec cet amour-là, mais pour que le Christ puisse aimer à travers nous. Quand un chrétien, quand nous posons un acte d’amour, c’est le Christ qui aime en nous, par nous. Jésus nous choisit chacun comme ses collaborateurs. Si je décide de ne pas aimer, eh bien, Dieu se retrouve incapable de faire le bien qu’IL voulait. Dieu a accepté de dépendre de nous ! C’est quand même étonnant.
Alors, nous nous tournons vers Lui, nous accueillons Son amour dans nos vies et nous choisissons d’aimer avec Lui, par Lui, en Lui, d’être des témoins de telle sorte que, lorsque le monde nous regarde, il puisse se dire « bon Il n’est pas extraordinaire ce gars-là, mais y’a quelque chose en plus. » Et ce quelque chose, peut-être qu’ils ne sauront pas le nommer, mais, en réalité, c’est Jésus lui-même qui est là, au milieu de nous, à l’intérieur de nous. Nous sommes invités, en regardant le cœur de Jésus, à être nous-mêmes des cœurs aimants.
Oui, ce serait beau – et c’est déjà beau car il y a déjà des cas comme cela – quand le monde nous regarde qu’il se dise « Regardez comme ils aiment », car c’est la seule chose nécessaire et indispensable : aimer.