Homélie du 7e dimanche de Pâques
Par le père Dino Gbebe
Oserait-on le nier ? L’image qu’offre au monde l’Église de notre temps est celle d’une communauté profondément divisée, minée par des querelles intestines et fragilisée par de regrettables dissensions. La déchirure, hélas, n’épargne même pas les lieux saints où l’esprit de compétition semble prévaloir parfois sur le sens de la communion. Le constat est là devant nos yeux : malgré les efforts inlassables déployés au cours de ces dernières décennies pour rapprocher les chrétiens, l’unité tant désirée par le Christ reste encore une lointaine utopie. Tant de murs de méfiance séparent encore les diverses confessions chrétiennes au plan de la profession de la foi, de la célébration des sacrements et du gouvernement. Comment en est-on arrivé là ?
Dans l’Évangile de ce dimanche, le Christ nous indique non seulement la source et le modèle de l’unité, mais aussi le moyen de la construire. Notre unité, nous dit-il, vient de la sainte Trinité et ne peut se réaliser qu’à travers l’amour. Commentant ce passage évangélique, les Pères conciliaires recommandaient comme démarche œcuménique la recherche de l’unité dans ce qui est nécessaire, de la liberté dans ce qui est varié et de la charité en tout ( Unitatis Redintegratio 4).
Devant le scandale de nos divisions intra et inter ecclésiales, il est absolument urgent de mener une sérieuse réflexion, à la fois personnelle et communautaire, sur les causes de nos séparations ainsi que sur les orientations que nous propose l’Église au sujet de l’œcuménisme. Le premier pas dans cette démarche consiste donc à prendre conscience des attitudes anti-évangéliques qui provoquent ou renforcent nos divisions. En voici les plus manifestes.
La prétention d’avoir le monopole sur le Christ. Vous vous rappeler sans doute la réaction indignée des disciples rapportée par l’évangiliste Luc : « Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en nom, et nous voulions l’empêcher parce qu’il ne fait pas partie de notre groupe ». A cette plainte indignée des apôtres, Jésus répond avec son ouverture habituelle : « Ne l’en empêchez pas, car qui n’est pas contre vous est pour vous ». Pour aller vers l’unité, il faut d’abord admettre que nous ne sommes pas les seuls à être envoyés par le Christ, et que, par voie de conséquence, nous n’avons pas de « droits exclusifs » sur lui.
L’ambition du pouvoir. Vous connaissez également le passage de la querelle qui éclate un jour entre les apôtres au sujet de la préséance parmi eux. De nouveau, Jésus saisit l’occasion pour leur rappeler que le pouvoir est un service et que la grandeur chrétienne se mesure à la capacité de s’abaisser. Nos divisions ne sont-elles pas parfois provoquées ou aggravées par notre manque d’humilité ?
Le favoritisme dans la répartition des biens. Dans la première communauté de Jérusalem, les fidèles d’origine hellenistique se plaignent que les veuves de provenance juive sont mieux traitées que les autres. Cette situation amène à l’institution du groupe des diacres pour l’organisation de la charité. Chacun sait qu’une mauvaise répartition des biens entraîne inévitablement des divisions. Dans l’Église, comme partout ailleurs, les richesses matérielles peuvent être à la base de nos divisions.
L’attachement inconsidéré aux leaders. A Corinthe, la jeune communauté est en proie à des dissensions provoquées par le morcellement en groupuscules attachés à Paul, à Apollos et à Képhas. Et pourtant, tous étaient d’excellents apôtres. L’esprit de compétition et de rivalité, hélas, entraîne la division, même parmi ceux qui prétendent servir la même cause.
L’appartenance régionale ou religieuse. Les chrétiens d’origine païenne ont du mal à s’intégrer à la communauté à cause de leurs mœurs. On voudrait les faire passer par une « assimilation » culturelle. Les préjugés et le complexe de supériorité par rapport aux autres, sont des facteurs indéniables de division. Lorsqu’on assume mal l’exigence incontournable de la différence, on aboutit inexorablement à un repli identitaire.
Après avoir posé un diagnostique sommaire sur les causes de nos divisions, rappelons rapidement quelques principes de l’œcuménisme que nous propose le pape Jean-Paul II dans son Encyclique « Ut Unum Sint ». La purification de la mémoire, la purification du regard, l’œcuménisme spirituel, l’œcuménisme spirituel, l’œcuménisme théologique, l’œcuménisme pratique.
Prions et travaillons pour que cette unité voulue par le Christ se réalise, enfin, dans son Église.