Homélie de l’Ascension – Solennité du Seigneur – 30 mai 2019
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale.
I – Un témoin, deux témoignages…
Voilà : l’évangéliste saint Luc nous a composé deux livres, son évangile, Évangile de Jésus-Christ ; et puis les Actes des Apôtres, qu’on pourrait appeler l’Évangile de l’Esprit Saint, parce que c’est l’Esprit Saint qui est le premier acteur ; on a entendu, aujourd’hui, en cette année C, en Première Lecture et en Évangile, un extrait de ces deux livres, avec une ambiance un peu différente. Il ne les écrit pas au même moment, ses souvenirs ne sont pas tout à fait les mêmes. À la fin de l’Évangile, on voit Jésus quitter ses disciples, et les disciples obéissent à Jésus, retournent à Jérusalem : « ils étaient sans cesse dans le temple à bénir Dieu » et ils sont en grande joie. C’est un peu surprenant, étonnant, car Jésus vient de les quitter, leur ami, leur maître, celui en qui ils ont mis toute leur confiance et toute leur espérance, espérance qui – même s’il y a eu un moment de doute – n’a pas été déçue car Il est ressuscité. Ils sont en grande joie.
Alors que, dans les Actes des Apôtres, Jésus s’élève, disparaît à leurs yeux, et on a l’impression que les disciples ont du mal à redescendre sur Terre, les voilà fixés, regardant le ciel, la bouche ouverte, bouche-bée, et ils ne savent plus remettre les yeux sur le réel de leur quotidien. Il faut que les anges viennent pour leur dire « hey oh, atterrissez ! Pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Jésus reviendra ; en attendant, faites ce que vous avez à faire. »
Alors ces deux textes ne s’opposent pas, mais on sent qu’il y a une différence de perception.
II – Le corps est liée à la tête
Jésus monte au ciel, Il disparaît à nos yeux, et de fait, aujourd’hui, à peu près deux mille ans après ; non, nous ne voyons pas Jésus quotidiennement ; et pourtant cela doit être la joie qui remplit cette journée. Pourquoi ? Dieu lui-même a visité la Terre et, pour visiter la terre, Il s’est fait homme. Pleinement Homme. Dieu est entré dans notre Histoire. Jésus vit, souffre, meurt, ressuscite. Et Lui, Jésus qui est Dieu, retourne auprès du Père, mais Il y va avec son corps, avec toute son humanité, Il y retourne avec nous. L’Église – c’est saint Paul qui le dit – est un corps. On l’a chanté en chant d’entrée, « nous sommes le corps du Christ ». Nous l’avons entendu dans la prière d’ouverture, l’oraison, nous sommes ce corps uni à notre tête qui est le Christ. Le Christ plus (+) nous, c’est l’Église. Or, il se trouve que notre tête est, aujourd’hui, dans la contemplation de Dieu. Et là où est la tête, là doit être le corps. Nous sommes, grâce au Christ, par le Christ, dans le Christ, déjà en présence de Dieu. Donc c’est un motif de joie. Nous ne pouvons pas nous laisser abattre, puisqu’Il est auprès de Dieu, et nous sommes avec Lui. Jésus s’est offert pleinement au Père et, dans son offrande, Il nous emmène pleinement avec Lui. En fait, l’Ascension, Jésus l’a vécue une fois, mais nous, nous sommes invités à la vivre chaque dimanche, à chaque messe, juste après la consécration : « Ceci est Mon Corps donné pour vous, ceci est Mon Sang versé pour vous » ; le prêtre continue la prière eucharistique en disant « faisant ici mémoire de la mort et de la résurrection et de l’ascension de Jésus ». Oui, nous sommes, aujourd’hui, à chaque messe, à chaque fois que nous Le célébrons, entraînés dans le mouvement du Christ qui s’élève et qui se place face au Père. C’est notre motif de joie.
III – Prêtres, avec et par le Souverain Prêtre
Et alors, la Lettre aux Hébreux nous précise ce que fait le Christ aujourd’hui. Aujourd’hui, Jésus, pleinement homme, pleinement Fils de Dieu, est face au Père et Il accomplit son ministère de prêtre. Nous avons le Prêtre par excellence, celui qui établit dans la maison de Dieu. Qu’est-ce qu’un prêtre ? C’est quelqu’un qui est chargé de faire le pont entre le ciel et la terre. Jésus l‘a fait, quand Il était sur la terre parce qu’Il était pleinement Dieu, et Il le fait aujourd’hui, parce qu’au ciel Il est pleinement homme. Et nous sommes membres du Corps du Christ. Et c’est pour cela que nous disons, en vérité, que nous – Église – participons au sacerdoce du Christ. Nous aussi nous sommes prêtres en Jésus, pas grâce à nous ! : nous tout seuls, on ne sait pas faire le pont. C’est parce que nous sommes connectés au Christ que nous partageons sa mission. C’est bien la raison pour laquelle nous avons fait mémoire de notre baptême au début de cette célébration. Parce qu’au jour de notre baptême nous avons été connectés. Et d’ailleurs, dans la Lettre aux Hébreux il y fait allusion aussi. « Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère dans la plénitude de la Foi, le cœur purifié, le corps lavé par une eau pure » : c’est bien le baptême. Nous sommes donc un seul corps dont le Christ est la tête. Notre Christ est notre tête. Et nous sommes invités à suivre le même mouvement que Lui, celui d’une ascension. Donc nous pouvons nous réjouir, parce que depuis Jésus, nous sommes vraiment des membres de la famille de Dieu, des familiers de Dieu. Nous sommes appelés par Lui à lui faire face, ensemble, comme un peuple, pour Le louer, pour L’aimer, et pour nous laisser aimer. C’est une bonne nouvelle et un vrai motif de joie. Et cette joie ne nous est pas donnée pour que nous la gardions juste pour nous : cette joie nous est donnée pour que nous puissions en témoigner, la répandre, la donner, la transmettre, et c’est bien ce que dit Jésus. Ce sont Ses derniers mots. Quand on a un ami qui disparaît, ses derniers mots sont forcément des paroles précieuses pour nous. « Vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la Terre. La conversion sera proclamée en Son nom pour le pardon des péchés à toutes les nations en commençant par Jérusalem. » À vous d’en être les témoins. C’est notre mission, c’est la manière dont nous serons vraiment pleinement membres du Corps du Christ, c’est la manière dont nous pourrons réellement participer à cette ascension, car si Jésus se trouve près du Père, c’est bien pour que nous y soyons aussi.
Alors, comme les disciples, aujourd’hui et chaque jour, allons sans cesse dans le temple, pas forcément le temple de mains d’hommes, mais celui qui est au fond de notre cœur, là où Dieu réside, pour rencontrer Dieu, pour bénir Dieu, pour Le louer, pour L‘aimer, et pour nous laisser aimer.