Homélie 20
avril 2019 Vigile pascale
Par l’abbé Gaël de Breuvand
C’est la transcription d’une prédication orale, les titres sont ajoutés après transcription
Petit changement d’ambiance, nous étions dans le noir et nous méditions sur l’œuvre de Dieu. Et puis voilà la Résurrection, la lumière qui revient, et là nous méditons sur l’œuvre de Dieu. Finalement, l’ensemble des récits que nous avons entendus, aah on aimerait bien les commenter un à un (mais, on ne va pas le faire…).
I – La première alliance : alliance de création
Pourtant, si on voulait être vraiment pleinement dans l’esprit de cette veillée, on attendrait l’aurore, la pointe du jour, pour chanter l’Évangile. Et toute la nuit, on écouterait la Parole de Dieu qui veut faire alliance avec nous. C’est cela, la clé : Il veut faire alliance. Livre de la Genèse, nous les avons entendues, ces paroles de Dieu. En fait, c’est le premier décalogue : les « dix paroles ». Il y en aura un deuxième ensuite, de dix paroles, ce sera les Dix Commandements. Mais le premier « dix paroles », ce sont les Paroles de vie. Dieu dit « Que la lumière soit », Dieu dit « Que la mer soit », Dieu dit « Que les luminaires soient », Dieu dit « Faisons l’homme à notre image », Dieu dit « Soyez féconds et multipliez-vous ». Dieu dit « Je vous donne toute plante qui porte semence. » L’action de Dieu est cette œuvre de Création qui, déjà, est une alliance avec nous. Et une alliance absolument unidirectionnelle, c’est-à-dire qu’on n’a pas mérité d’être créé. On n’y peut rien. Il nous donne sa vie, LA vie, c’est son souffle qui nous est donné – aucun mérite de notre part – et Il nous propose de Lui répondre. Comme réponse, Il nous invite à prendre soin de la Création : « Je vous donne toute plante et tout arbre, telle sera votre nourriture ». « À tous les animaux de la terre, à tous les oiseaux du ciel, à tout ce qui va et vient sur terre, Je donne comme nourriture toute herbe verte. » Et nous sommes chargés de prendre soin de tout cela : en le recevant.
II – Les alliances successives
Et vous savez ce qu’il se passe ensuite – c’est le chapitre suivant – : c’est la chute. Pourquoi ? Parce qu’au lieu de recevoir le cadeau que Dieu nous donnait, nous avons cherché à mettre la main dessus, à le prendre, à nous en faire le propriétaire… C’était un cadeau, il était déjà à nous ! Alors, Dieu ne se lasse pas de faire alliance avec nous. Un des textes a fait allusion à la relation entre Dieu et Noé. Celui-ci est appelé par Dieu et, à lui aussi, Dieu fait un cadeau. Mais après Noé, cela ne va pas mieux. Alors, Abraham est appelé, mais Abraham est comme les hommes de son temps, il a une petite tendance à mettre la main sur Dieu. C’est exactement le sens du sacrifice humain, c’est « je veux mettre la pression sur Dieu ». Mais Dieu lui explique que cela ne marche pas, il ne faut pas vouloir faire pression sur Dieu. Il faut recevoir ses cadeaux, car, quand Dieu fait alliance, c’est Lui qui fait le premier pas. Alors Abraham devient pleinement un coopérateur de Dieu : c’est le premier, c’est le croyant par excellence, celui qui se lance dans une confiance envers Dieu. Et puis, là encore, les hommes oublient… Et finalement, en arrivant en Égypte, on a trouvé le confort ; de fait, c’est le peuple hébreu qui s’est fait mettre la main dessus et qui est devenu esclave… et Dieu envoie un libérateur, Moïse, un messager, pleinement. Il porte la Parole de Dieu. À nouveau, Dieu fait alliance, Dieu veut prendre soin de Son peuple. Celui-ci va avoir une mission particulière, c’est d’être le témoin de l’alliance de Dieu avec tous les hommes. Mais, effectivement, seul le peuple hébreu peut, à ce moment-là, porter la connaissance de Dieu, les autres ne peuvent pas le recevoir. Ce sont des alliances, tout cela. « Je m’engagerai avec vous par une alliance éternelle. » Ce sont les bienfaits garantis à David ; c’est Isaïe qui dit cela. Il fait allusion à cette alliance de Dieu avec David. En fait, si on compte bien, cela nous fait cinq alliances ; il en reste encore une, cela va être la sixième : c’est l’alliance avec chaque prophète. Et toujours le Seigneur répète : « Ne cherchez pas à mettre la main sur Moi, ne cherchez pas à mettre la main les uns sur les autres, ne cherchez pas à mettre la main sur la Création : tout cela vous est donné. Accueillez-le, recevez-le ! »
Les prophètes ont deux grands combats, c’est le combat contre l’idolâtrie – c’est lorsqu’on essaie de se faire un dieu à notre mesure, qu’il sera facile d’orienter, de commander – et puis, le deuxième péché, qu’ils condamnent beaucoup, ce sont les péchés sociaux : quand les riches ne prennent pas soin des pauvres. Pourquoi es-tu exilé chez tes ennemis ? Parce que tu as abandonné la source de la sagesse. Et quelle est-elle ? C’est cette Parole : « Écoute, Israël, le Seigneur ton Dieu est l’unique Seigneur, tu L’aimeras de ton tout cœur, de toute ton âme, de tout ton esprit. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Ces prophètes annoncent une nouveauté. Cela fait six alliances successives que le Seigneur veut tisser avec nous. Et nous, on n’y arrive pas…
III – L’ultime alliance en Jésus
Mais le Seigneur ne se lasse pas, et Il envoie Jésus, Son Fils. Et, enfin, en Jésus, un homme est en pleine amitié, en pleine communion avec Lui. Évidemment ça aide d’être Dieu… Jésus, Fils de Dieu, est le premier homme à être en pleine union, pleine unité, pleine communion, avec le Père. Et comme Il est vraiment pleinement un homme, Il nous entraîne tous dans cette unité. Nous sommes tous invités – et capables maintenant par la grâce de Dieu – à nous mettre en réception et de ne pas chercher à « mettre la main sur ». Oui, c’est cela le projet de Dieu pour nous, que nous soyons pleinement membres du Corps du Christ, que nous soyons, tous et chacun, d’autres Christ : des chrétiens. Dans quelques instants, nous allons faire mémoire de notre baptême, nous rappeler ce jour où le prêtre a dit cette parole « Georges, Henri, Jacques, Édouard, Héloïse, Marinette – je ne sais, votre prénom à vous, celui que Dieu connaît – je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. » Un geste et une parole, et la grâce de Dieu nous est donnée. Et si nous tendons l‘oreille, car Dieu nous le dit toujours – la parole de Dieu est au-delà du temps – Dieu à cet instant-là, et aujourd’hui encore, nous dit « Tu es Mon enfant bien-aimé. En toi, Je trouve Ma joie, en toi Je mets tout Mon amour.» Alors faisons mémoire de ce grand jour de notre baptême, faisons mémoire de la source de ce baptême, qui est la mort et la Résurrection du Christ.
Oui, Il est vivant. Ils sont restés un peu décontenancés, que ce soit les femmes, « elles gardaient le visage incliné vers le sol, saisies de crainte. » et les apôtres… « Ses propos leur semblèrent délirants, et ils ne les croyaient pas ». Et Pierre, qui y va, est bousculé par le fait que le tombeau est vide, que les linges sont là et que le corps n’est pas dedans… « Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui s’était passé. » Oui, peut-être que la sagesse vient enfin chez les hommes. Ils ne cherchent pas à mettre la « main sur » le Christ, ils découvrent que le Christ va au-delà de tout ce qu’ils pouvaient espérer, imaginer : Il est ressuscité. Alors, ce soir, cette nuit, alors que nous attendons le retour définitif du Christ, le soleil levant face-à-face avec nous – ce que nous disons à chaque messe – « ce bonheur que Tu nous promets, l’avènement de Jésus-Christ, notre Seigneur. » Aujourd’hui, faisons mémoire de ce jour où Il est ressuscité, où Il nous donne Sa vie. Réjouissons-nous. Il n’y a que cela à faire : se réjouir, et L’accueillir !