Homélie 31 mars 2019 – 4e dimanche de carême – C
Par l’abbé Gaël de Breuvand
C’est la transcription d’une prédication orale, les titres sont ajoutés après transcription
I – Joie, car Dieu prend soin de nous
Aujourd’hui, dimanche de « Laetare », c’est le dimanche de la joie, 4e dimanche de carême. Et oui, nous avons des motifs de joie, des motifs de réjouissance. « Réjouis-toi, Jérusalem réjouis-toi, peuple de Dieu. » Pourquoi ? Parce que le Seigneur prend soin de nous, et ça, c’est une bonne nouvelle ! On le voyait déjà dans la Première Lecture, dans le livre de Josué. Certes, c’est une drôle de bonne nouvelle, car c’est le moment où Dieu dit : « dorénavant, vous n’aurez plus la manne, vous vous débrouillerez tout seuls pour manger. » Mais c’est bien prendre soin d’un enfant que de le sevrer. C’est bien prendre soin de son enfant que de lui permettre de gagner une certaine autonomie. Mais, on va quand même faire mémoire de cette manne, on va se souvenir de cette manne que Dieu a donnée au désert. Dieu prend soin de son peuple et Il s’approche de nous. Dans le désert, c’était une période compliquée, vous le savez. Tout le récit de l’Exode, c’est le moment où Dieu nous donne des pistes et des chemins à suivre, et où l’homme récrimine, il râle ; nous râlons, souvent, de la présence de Dieu, de ce que veut Dieu pour nous. Mais Dieu ne se lasse pas de nous rejoindre. Et c’est vrai aussi, aujourd’hui. Aujourd’hui encore, nous râlons. Aujourd’hui encore, nous avons du mal à mettre Dieu dans nos vies. Aujourd’hui encore, c’est tellement plus facile de se mettre au pas du monde, au diapason du monde, d’entrer dans cette tentation d’être comme tout le monde ; c’est tellement facile. Mais du coup, si on est comme tout le monde, dans notre monde en tout cas, eh bien on ignore Dieu, on n’a pas besoin de Lui, le monde n’en a pas besoin. C’est bien pour cela que le Christ vient. Face à cette séparation, Il nous propose et Il accomplit, pour nous, une réconciliation, Il rétablit le lien. Il rétablit le lien. Tout cela vient de Dieu, Il nous a réconciliés avec Lui par le Christ. C’est ce que nous dit saint Paul, c’est bien le motif principal de notre joie : Dieu s’approche de nous pour rétablir le lien entre Lui et nous. Bonne nouvelle ! Joie !
II – S’éloigner du Père, c’est perdre l’essentiel
Et puis, nous avons cette parabole de Jésus, on la connaît un peu plus que par cœur, celle-là. Mais peut-être que, du coup, elle ronronne un peu, et qu’on a besoin de la réécouter avec le cœur. Un homme avait deux fils. Cet homme, c’est le Père. Et voilà qu’un des deux fils dit « donne-moi ma part d’héritage, je veux faire comme si tu étais mort, tu ne comptes plus pour moi, j’ai besoin de ton argent. » Et le père, d’une générosité sans faille, leur partage ses biens. Il le donne aux deux enfants. Et voilà qu’il s’en va et s’éloigne de Dieu, s’éloigne de sa relation avec son père, et il se perd. Il se rend bien compte qu’il y a un grand vide dans sa vie. Oui, il y a un vide dans son estomac, c’est la famine. Mais, dans la Bible, et dans l’Évangile en particulier, quand on parle de pain, ce n’est pas seulement le pain matériel, on parle de ce qui est absolument essentiel pour la vie de l’homme. Et ce qui est essentiel, ce n’est pas de respirer, ni manger, ce n’est pas d’abord de se déplacer ; ce qui est essentiel pour l’homme, vous le savez, c’est d’aimer. C’est d’aimer. Et là, pour lui, il y a un grand vide. Il a besoin de cette relation. Il se tourne en lui-même, et il se dit : « En fait, les ouvriers de mon père ont plus de relation que moi avec mon père. Ça serait déjà pas mal si j’avais au moins ça. » Et il rentre. Et nous savons que le père l’accueille. Le Père ne rêve que d’une chose, c’est de nous combler de Son amour. C’est Sa joie, c’est Son bonheur, Il nous a créés pour ça. « Apportez-lui le plus beau vêtement car il est mon fils. Mettez-lui une bague car il est comme un fiancé, mettez-lui des sandales car il est un homme libre. Mangeons, festoyons, réjouissons-nous, car celui qui était mort, il est vivant. » Et vous savez qu’au chapitre 15 de l’évangile selon saint Luc, nous avons trois paraboles, la brebis perdue et retrouvée, la drachme perdue, et le fils prodigue. Et chaque fois on a cette parole : il était perdu et il est retrouvé. C’est la joie de Dieu !
III – Logique de la Loi, logique de la Foi
Et puis, on a un deuxième fils, l’aîné, et lui est resté là, fidèle au poste. Et on se dit, comme lui, il a bien raison quand même. Il est resté fidèle et c’est normal qu’il ne soit pas content que son frère, qui n’a rien fait, soit récompensé. Et c’est là qu’est le problème. C’est, effectivement, volontairement choquant. Jésus nous dit ça pour nous déranger et nous bousculer. Si cela ne nous dérange pas, c’est qu’il y a un problème. Le fils aîné et le fils cadet sont dans une même logique. Ils sont dans une logique de la loi, où ce qui est important c’est la loi, il faut donc cocher des cases ! Alors, si j’ai bien coché les cases, je mérite Dieu, je mérite le Père. Par contre, si je ne les ai pas cochées, je ne Le mérite pas. Le fils cadet dit « je ne suis plus digne d’être appelé ton fils » et le fils aîné dit « je suis plus digne d’être appelé ton fils. » Ils ratent quelque chose, dans cette logique du permis/défendu. Évidemment, c’est insupportable. Ils ratent une chose : c’est que la loi ce n’est pas une fin en soi. La loi est bonne, elle nous est donnée par Dieu. Mais elle est là comme une aide, comme un soutien, comme un chemin, mais elle n’est pas la fin. La fin, c’est Dieu ! Le but de notre vie, c’est de rencontrer Dieu. Croire que faire les choses pour faire les choses ça pourrait nous rendre heureux, c’est se tromper.
Je vais vous donner un tout petit exemple. Parfois les enfants – et pas que les enfants d’ailleurs – me disent : « Moi, j’ai fait ma prière. » « Ah, et qu’as-tu fait comme prière ?» « Et bien, j’ai fait 1 signe de croix, 3 Notre Père, 3 Je vous salue Marie et puis un autre signe de croix. » « Très bien, et, tu as fait ta prière pourquoi ? » « Ben, pour faire ma prière ! » Oui, mais ça ne peut pas suffire. Alors dans le cadre de l’éducation, il y a un moment où on est bien dans cette logique-là ; mais, quand on vieillit, on doit bien comprendre qu’on ne « fait » pas la prière pour la faire. Le but de la prière, c’est de rencontrer Dieu. L’important, ce n’est pas le nombre de Je vous salue Marie, ou de Notre Père, ou de je ne sais, que je vais dire. Ça peut m’aider, et il ne faut pas arrêter. Si vous dites votre chapelet, dites-le, continuez ! Mais, le but c’est de rencontrer Dieu. Et d’ailleurs, le plus important, ce n’est pas tant les choses que nous disons, mais plutôt le temps que nous y passons. C’est ce j’explique aux enfants : maintenant, tu vas dire un Je vous salue Marie, mais, l’important, ce n’est pas de le dire à toute vitesse pour cocher la case. L’important, c’est d’ouvrir son cœur et de le présenter à Dieu, avec Marie, que Ta volonté soit faite. Bon… c’était une digression.
IV – Être Fils, c’est un cadeau du père
Revenons au fils cadet, qui n’a pas compris une deuxième chose : c’est qu’il est vraiment fils, tellement fils que son père lui a déjà tout donné ! Et que « tout ce qui est à moi est à toi ». C’est ce qui est dit au début et « le père leur partagea ses biens », aux deux. Le fils cadet qui dit « je en suis pas digne d’être ton fils », ça ne dépend pas de lui. Ce qui fait qu’un fils est fils, c’est le Père. D’ailleurs, aujourd’hui, un papa va à la mairie déclarer son fils. C’est lui qui déclare « voici mon fils ». Et l’autre qui dit « Je suis ton fils », comme un titre d’orgueil et de gloire, et « je devrais avoir plus de place dans ta vie », là aussi, il se trompe. C’est le Père qui donne gratuitement et qui veut nous réconcilier avec Lui. « Comme il était encore loin, son père l‘aperçut et fut saisi de compassion et courut se jeter à son cou ». Le Père, sans cesse, vient à notre rencontre. « Le fils aîné se mit en colère, il refusa de rentrer et le père sortit pour le supplier. »
Le Seigneur vient à notre rencontre : qu’allons-nous faire ? Alors, c’est saint Paul qui nous donne un peu les clés : « Dieu nous a réconciliés avec Lui ». C’est fait ! Ça y est ! La victoire est obtenue, la Résurrection a eu lieu et nous sommes déjà sauvés ! C’est pour cela, d’ailleurs, que dans les Temps Anciens, on parlait des chrétiens en disant ‘les saints’. Nous sommes des saints car Dieu a déjà fait le travail. Mais Dieu a besoin de notre collaboration, que nous y mettions un peu du nôtre. Alors, nous pouvons reprendre la parole de saint Paul : « Nous le demandons au nom du Christ, laissez-vous réconcilier avec Dieu ! » Laissez-Le faire ! Je peux même le dire en mon nom propre. Chers amis, laissez-vous réconcilier avec Dieu. Profitez des moyens qui vous sont donnés par Dieu – je pense à un sacrement en particulier, évidemment – Il veut nous combler de Son amour et de Sa joie. Et chaque fois que nous nous convertissons c’est la joie au ciel. Il y a plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui se convertit que pour 99 justes qui n’ont pas besoin de conversion. Et nous savons bien que nous avons tous besoin de conversion. Et donc, nous sommes tous capables de donner de la joie au ciel.