Homélie du 4e
dimanche de T0, année C – 3 février 2019
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une
prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – L’Amour, la fusée qui nous permet de d’atteindre le ciel
Dans cette première lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens, Paul veut nous donner le chemin par excellence, et il nous parle de la ‘charité’, de l’amour. Vous savez, en français, ‘amour’, c’est un terme qui est assez large, qui désigne plusieurs choses différentes, tandis qu’en grec il y a plusieurs mots pour cela. L’amour en général, c’est un peu comme une fusée à trois étages, qui nous permet d’atteindre la lune, notre objectif. Dans cette fusée, le premier étage, c’est ce qui nous est donné dès la naissance, c’est le carburant, c’est ce qui pousse, ce qui permet d’avancer. C’est l’amour d’attirance : quand je vois quelqu’un qui me plaît, je suis attiré par lui. En Grec, on appelle cet amour « Eros ». Et c’est une bonne chose que « Eros », c’est ce qui me permet d’avancer. Si je n’ai pas d’Eros, je ne vais pas très loin… Le deuxième étage de notre fusée, ce que les Grecs dénommaient « philia », c’est l’amour d’amitié. C’est lorsque l’amour commence à devenir raisonnable, lorsque l’on commence à y mettre notre intelligence, notre volonté. On choisit d’être ami avec tel ou tel. On choisit pour de bonnes raisons, on choisit en se donnant et en espérant recevoir. C’est le deuxième étage de notre fusée, c’est le poste de commande. « Philia » permet de contrôler « Eros » et d’aller dans la bonne direction.
Et puis, il y a une troisième dimension de l’amour. Cet amour-là, c’est celui dont parle saint Paul. Chaque fois que nous avons amour, saint Paul utilise le terme « agape » que l’on traduit en français par le terme « charité ». Amour de charité ; seulement, comme c’est un mot qui a perdu un peu sa force et son sens, les traducteurs ont préféré reprendre le mot ‘amour’. « Si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour »… C‘est un amour de Dieu, un amour qui est gratuit, qui n’attend aucun retour. « Eros » et « Philia » nous sont donnés dès la naissance. « Agape », c’est un cadeau supplémentaire que nous fait Dieu, que l’on reçoit au baptême, – cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas le recevoir autrement -, mais c’est vraiment un cadeau supplémentaire, qui dépasse notre condition humaine. Dans notre fusée, je dirai que « agape » c’est le troisième étage. C’est l’antenne, qui est devant la fusée, qui permet de savoir où se trouve l’objectif, où est la lune, c’est ce qui nous permet de viser le vrai bonheur et la vraie joie.
II – La charité, amour de Dieu nécessaire à notre joie
« Eros », « philia », « agape », charité. Et la description que saint Paul fait de cet amour ‘charité’, eh bien, c’est une description vision exigeante. Saint Paul explique qu’elle est absolument nécessaire. Ainsi, j’aurai beau être extrêmement généreux, si ce n’est pas avec de l’amour, l’amour même de Dieu, cela ne sert à rien. « J’aurai beau distribuer toute ma fortune aux affamés, j’aurai beau être capable de déplacer des montagnes, j’aurai beau être un prophète », etc. Cet amour-là est absolument nécessaire pour atteindre l’objectif, qui est le vrai bonheur et la vraie joie. Il nous faut le mettre en œuvre. Et vous avez entendu : « Il prend patience, il rend service, il ne jalouse pas, il ne se gonfle pas d’orgueil, il ne fait rien d’inconvenant »…et cette liste, chaque fois que l’on rajoute quelque chose, on a l’impression que cela nous alourdit le fardeau. Si on essaie de vivre cet amour-là par nos propres forces, eh bien, nous irons dans le mur, on n’y arrivera pas.
Alors, comment le vivre ? En nous mettant à l’écoute du Seigneur notre Dieu, et en l’accueillant dans notre vie, parce que c’est Lui, Dieu, qui est amour. Lorsque saint Paul dit « si je n’ai pas la charité, s’il me manque l’amour », il aurait pu dire : « si je n’ai pas Dieu, s’il me manque Dieu ». Vous le savez, depuis saint Jean, à la fin de la Bible, on sait que « Dieu est Amour », et du coup, que l’amour est Dieu, cet « agape »-là, cette charité, cet amour absolument gratuit, absolument donné, qui n’attend aucun retour. Il est nécessaire d’accueillir Dieu dans nos vies ; pour pouvoir vivre d’amour, pour atteindre l’objectif qui est notre vraie Joie, notre vrai bonheur.
III – Accueillir l’amour de Dieu dans ma vie, ça dérange !
Lorsque Jésus arrive à Nazareth, c’est son village, il vient annoncer à ses frères que Dieu est Amour et qu’il faut accueillir Dieu dans sa vie. Et il fait face à une opposition. Dans un premier mouvement, ils s’étonnent des instants de grâce qui sortent de Sa bouche : c’est d’abord un émerveillement. Puis ils se mettent à réfléchir : « Mais on le connaît, c’est le fils de Joseph, le charpentier. Il n’a rien d’extraordinaire ! » Et d’ailleurs on ne l’a pas vu faire des choses extraordinaires, pourtant, on a entendu dire que… Et Jésus va leur rentrer dedans : il leur dit « Vous allez me dire : ‘médecin, guéris-toi toi-même’ !, eh bien moi je vous dis : ‘Nul n’est prophète en son pays’. Parce que si je ne peux pas faire ici les signes que j’ai déjà faits à Capharnaüm ou ailleurs, c’est que votre cœur est fermé ». C‘est précisément ce que leur dit Jésus et c’est pourquoi cela entraîne une réaction aussi violente. « Tous devinrent furieux, poussèrent Jésus hors de la ville, et le menèrent jusqu’à un escarpement de la colline où leur ville est construite, pour le précipiter en bas ». En fait, ils n’avaient pas ouvert leur cœur. Ils n’avaient pas décidé d’accueillir la Parole de Dieu, qui se présentait à eux en Jésus. Et, du coup, ils se sentent provoqués, insultés, cela les dérange.
Sommes-nous comme les gens de Nazareth ? Oui, quelqu’un que nous connaissons trop bien, il peut être difficile de l‘accueillir. Surtout un message que l’on entend depuis si longtemps, ce n’est pas comme s’il datait d’hier… Cela fait 2000 ans… Depuis notre naissance, pour la majorité d’entre nous, nous sommes bercés, bercés par les valeurs chrétiennes, par l’importance de connaître Jésus. Ne serions-nous pas un peu comme eux ? C’est bon, on le connaît le message, on les connaît toutes ces valeurs, cela ne me concerne pas, et arrête de m’embêter avec ça. Est-ce que ma vie change ? Est-ce que j’accepte d’entrer dans cette description de l’amour, de la charité vraie que nous fait saint Paul ? Cela nous dérange un peu, quand même… Moi, le premier…
IV – Aimer (à la manière de Dieu), c’est être signe de contradiction
Oui, c’est le lien avec la première lecture extraite du Livre de Jérémie, chapitre 1. Celui-ci rapporte comment le Seigneur l’a appelé. « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère, je te connaissais. Avant que tu viennes au jour, je t’ai consacré » – autrement dit, ‘mis à part’ – pour faire de toi un prophète, et tu parleras à temps et à contre-temps. Tu diras tout ce que je t’ordonnerai. « Ils te combattront ». Cette parole-là, elle s’adresse aussi à chacun de nous. Si nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu, il va nous falloir vivre à la manière de Dieu, aimer à la manière de Dieu, et cela sera un signe de contradiction. Si tout se passe bien tout le temps, ce n’est pas très bon signe. Si cela ne se passe pas bien parce que je suis insupportable, ce n’est pas bien non plus. Mais si je suis vraiment à l’écoute du Seigneur, et que je suis un vrai témoin en essayant d’aimer chaque jour un peu mieux et un peu plus, alors tôt ou tard je dérangerai autour de moi. Et ce n’est pas grave. C’est ce que nous disait notre pape dans son dernier texte Gaudete et Exsultate. On n’y fait pas attention mais, « Gaudete et Exsultate », c’est la fin des Béatitudes au moment où Jésus dit « Heureux, ceux qui sont persécutés à cause de Moi. Soyez dans l’allégresse, votre récompense est grande dans les Cieux ». Ce n’est pas forcément d’être maltraité tout court. Non, c’est d’être persécuté à cause de Son nom parce qu’il est Amour. C’est un peu exigeant, c’est même un grand combat, c’est pour cela que nous avons besoin de l’aide de Dieu à chaque instant, et qu’Il nous la donne.
Et
nous, nous avons à l‘accueillir, à la recevoir, dans les sacrements, dans la
prière chaque jour, dans l’écoute de notre Seigneur Dieu, pour que nous
puissions être des chrétiens, dans notre relation à Dieu et dans notre relation
aux autres…
Pour être des chrétiens complets qui
accueillent l’Amour de Dieu dans leur vie, qui donnent l’Amour de Dieu tout
autour d’eux.