Homélie de la nuit de Noël, 24 décembre 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Je n’avais pas forcément prévu de commencer par-là, mais la première lecture a été tellement bien lue, avec en particulier ces titres du Seigneur ! « Il sera appelé… Son nom est proclamé… Conseiller merveilleux, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la paix ». Oui ! C’est cela qui nous vient aujourd’hui. C’est cela qui nous est donné aujourd’hui. Un roi ! Un prince ! Un Dieu ! Un sauveur ! Et Il vient, non pas sous l’apparence d’un cavalier, d’un vainqueur, d’un empereur… non ! C’est un petit enfant qui nous est donné.
I – La grâce de Dieu s’est manifestée par le Salut de tous les hommes
a – le don de Dieu que nous avons gâché
Saint Paul s’adresse à Tite, Tite, c’est le disciple. Il faut que saint Paul lui enseigne l’essentiel de la foi. « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le Salut de tous les hommes ». Dieu nous aime… Dieu nous aime ! Chacun de nous, qui sommes ici, nous sommes une merveille aux yeux du Seigneur. Nous avons une valeur immense. Chacun de nous est une perle. Et nous sommes des perles qui avons reçu un cadeau, c’est d’être semblables, ressemblants à Dieu Lui-même. Et pour être dans cette ressemblance, Dieu nous a fait cadeau de la capacité d’aimer. Et pour pouvoir aimer, Il nous a fait aussi le cadeau qui est corollaire, Il nous a donné la liberté.
Et vous savez ce qui se passe quand on a la liberté ? Eh bien il arrive qu’au lieu de se concentrer sur le service de la joie et du bonheur des autres, ce qui est l’essentiel de l’amour, on se concentre sur notre nombril. Et du coup, on choisit l’égoïsme. Notre égoïsme met en échec le projet de Dieu. Parce que Dieu veut nous laisser vraiment la capacité d’aimer en vérité. Le projet de Dieu pour nous, c’est notre joie, c’est notre bonheur. Vous le savez… C’est d’ailleurs quasiment les premiers mots de Jésus. Évangile selon saint Matthieu, chapitre 5 : “Heureux… Heureux les pauvres, heureux les cœurs purs, heureux ceux qui pleurent, heureux les persécutés…” Le projet de Dieu pour nous, c’est la joie. Et tout cela est mis en échec à cause de notre égoïsme.
b – Mais Dieu ne se lasse pas de nous sauver
Mais Dieu ne nous laisse pas tomber. « La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes ». Dieu veut nous sauver. Et Il en a envoyé des messagers, des prophètes, qui sont venus rappeler la vérité de Dieu, son unité, la place qu’Il veut prendre : celle de père, celle de fiancé, celle de berger… Et tous ces prophètes, nous les avons écoutés couci-couça.
Et en ces temps qui sont les derniers, Dieu est venu Lui-même. Jésus, Fils de Dieu. Il vient pour être Dieu avec nous. Pour être membre de notre famille. Pour nous dévoiler ou nous révéler le chemin de la ressemblance. Comment retrouver cette ressemblance avec Dieu qui nous a été donnée dès l’origine ?
Alors saint Paul continue à enseigner Tite :
Cette grâce, ce cadeau de Dieu, cette visitation de Dieu parmi son peuple nous apprend à renoncer à l’impiété et aux convoitises de ce monde. « Renoncez à l’impiété ». C’est un terme que l’on n’utilise pas beaucoup, la piété. Qu’est-ce que c’est, la piété ? La piété, c’est le fait de se reconnaître fils, enfant dépendant ! Il y a une piété filiale lorsque je reconnais mon père et ma mère comme ceux qui m’ont fait. Et je dépends d’eux. Et cette piété filiale se traduit par le commandement : « Honore ton père et ta mère ». Et puis il y a une piété divine, ce rapport que nous avons à Dieu, de reconnaître que nous dépendons de Lui. Accepter de ne pas être notre propre maître. En renonçant à l’impiété, nous acceptons de faire ce que fait le Christ : se reconnaître absolument dépendant du Père. Et nous renonçons au choix qu’avaient fait Adam et Eve, de se dire : “Je vais me débrouiller par moi-même. Je n’ai pas besoin de Dieu”.
« La grâce de Dieu s’est manifestée pour le Salut de tous les hommes ». Si Dieu vient comme un petit enfant, qui dépend absolument de son père Joseph, de sa mère Marie, c’est pour nous enseigner ce chemin de la petitesse et de la dépendance.
Transition… La naissance de Jésus
Cette naissance de Jésus, elle nous apparaît comme un paradoxe. De fait, on l’a entendu dans cette première lecture : « son nom est proclamé conseiller merveilleux, Dieu fort, Père à jamais, Prince de la paix » Et qu’est-ce que l’on voit ? Quel est le signe qui est donné aux bergers ? Quel est le signe qui nous est donné ? Un nouveau-né. Emmailloté. Couché dans une mangeoire… Quel signe moins impressionnant que celui-là ! Personnellement, si j’avais été Dieu… j’aurai plutôt mis des éclairs, du tonnerre, de l’orage, des tremblements de terre, des ouragans ! Non. Un petit enfant. Un nouveau-né. Emmailloté. Lié ! Et couché dans une mangeoire. Effectivement, le Seigneur, ce n’est pas nous. Ce n’est pas moi… Heureusement d’ailleurs ! Le Seigneur, Il veut nous enseigner le vrai chemin de la joie. Et ce vrai chemin de la joie implique un petit renoncement à ce que je crois être bon.
II – Les valeurs du monde face aux valeurs de la crèche
Ce que je crois être bon, ce sont les valeurs du monde. Vous les connaissez. Elles nous sont vendues. Largement. Publicités et autres réseaux sociaux ou anti-sociaux.
Individualisme. Celui qui compte, c’est moi ! Je suis la chose la plus importante au monde et les autres ne sont pour moi qu’une sorte d’enfer. En fait, notre société est devenue très sartrienne… « L’enfer, c’est les autres ».
Égoïsme. Je suis seul à compter.
Relativisme. De toute façon, on a le droit de penser chacun ce que l’on veut. Ça c’est sûr que l’on a le droit… Tout se vaut. Et ce qui est bon d’un côté peut être appelé mal de l’autre. Et inversement ! C’est cela la valeur du monde.
Revendication de mes droits : « j’ai droit ! Donc il faut que je puisse ». Et vous savez à quoi cela nous entraîne, puisque si ce sont mes droits qui priment, les droits de l’autre ne comptent pas forcément, du coup…
Désir de richesse et de puissance. D’ailleurs, c’est ce que l’on nous vend. Allez à l’école étudier. Il faut que vous ayez un bon métier, qui vous rapporte beaucoup, avec lequel vous pourrez contrôler beaucoup de monde. En échange, que gagne-t-on ? Pas grand-chose en fait. À la fin de sa vie, on se retrouve souvent un peu seul si l’on a fondé toute notre vie sur ces valeurs du monde…
Dieu entre dans notre monde, à la crèche. Et Il nous présente un autre système de valeur. Il est peut-être moins attirant à première vue. Il brille moins. Et pourtant, nous sommes faits pour cela, et nous y trouverons notre joie.
Les valeurs de la crèche, à l’individualisme répond la famille et la solidarité familiale.
Au relativisme, la crèche répond par la vérité. Le fait que Dieu parle, et c’est vrai ! Cela correspond au réel.
Aux revendications des droits, la crèche répond par le don total de sa personne. Dieu se donne tout entier pour que nous puissions, nous aussi en retour, nous donner tout entier.
Au désir de richesse, la crèche répond par une sobriété absolue. On pourrait même l’appeler pauvreté.
Au désir de puissance, c’est l’humilité qui nous est donnée, petit enfant. Acceptons de dépendre.
Un appel à ouvrir ma porte au Christ
Oui. Noël, c’est une grande fête. C’est une grande fête et elle est d’autant plus grande que je la laisse rentrer dans mon cœur. Le Seigneur vient visiter son peuple. Il est là, au milieu de nous, puisque nous sommes plus de deux ou trois réunis en son nom. Et Il est là à frapper à la porte de notre cœur. Il frappe et Il nous dit : « Laisse-moi entrer ! Je veux ta joie et ton bonheur. Laisse-moi entrer. » Et là, c’est une vraie question à laquelle je dois répondre. Est-ce que je ferai celui qui n’entends pas ? Est-ce que je ferai celui qui refuse, qui dit non, ça ne m’intéresse pas ? Ou est-ce que je me poserai la question en me disant comment ouvrir la porte de mon cœur ? Que parfois j’ai bien verrouillé. Ou qui s’est bien rouillée…
Nous sommes le 25 décembre… Presque. C’est Noël… Dans juste une semaine, c’est le 1er janvier. Une semaine. Le 1er janvier, c’est la fête de Marie, mère de Dieu. C’est aussi la journée mondiale de prière pour la paix. Cette semaine qui est là, c’est une semaine pendant laquelle nous pouvons nous poser la question : “comment puis-je ouvrir ma porte au Christ ? Comment puis-je ouvrir mon cœur à cet enfant de la crèche ? Comment puis-je ouvrir mon cœur aux valeurs de cette crèche et renoncer aux valeurs du monde ?” C’est une question qu’il faut se poser car elle n’est pas si évidente. Ça reste un vrai combat… Peut-être même que ça ne nous attire pas beaucoup. Et pourtant. Dieu est entré dans ce monde pour se donner, afin de nous racheter de toutes nos fautes, de nous purifier, afin de faire de nous son peuple. Un peuple ardent à faire le bien. C’est encore saint Paul ! Il veut faire de nous un peuple comblé de joie. Alors vraiment, décidons aujourd’hui de nous poser cette question : “Comment faire entrer Dieu dans ma vie ?” Et soyons certains d’une chose : c’est que si Dieu entre dans ma vie, eh bien ça va changer le monde !