Homélie du 3ème dimanche de l’Avent
Par le père Dino Gbebe
« Que devons-nous faire ? » Cette question revient à trois reprises dans l’évangile de ce dimanche. Posée par les foules accourues pour recevoir le baptême de conversion, elle manifeste leur désir de changement. C’est la question qui monte spontanément au cœur de celui qui désire revenir à Dieu. Combien de fois n’avons-nous pas formulé, nous aussi cette interrogation devant des situations inacceptables, dans un élan de ferveur religieuse ? Que faire pour que ma vie retrouve un sens ou que le monde autour de moi retrouve sa cohérence ? Il ne suffit pas, chers amis, de nous affliger dans le secret de notre cœur, surtout si d’autres ont été affectés par notre péché. La conversion doit s’accompagner d’œuvres de pénitence visibles, en fonction de la faute que nous avons commise.
Chers amis reposons-nous la question. « Que faire ? » C’est une question qui nous renvoie à nos responsabilités personnelles et collectives devant notre histoire tumultueuse où les blocages interminables et insensés semblent nous condamner à une inexorable fatalité.
Dans le passage de ce dimanche, la question est adressée à Jean par trois catégories sociales bien significatives : les foules, les publicains et les soldats. Mais dans les trois cas, la réponse du prophète a un dénominateur commun : l’amour et la justice.
Première catégorie : les foules. «Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n’en a pas, et que celui a de quoi manger fasse de même ». Aux foules anonymes, Jean recommande le partage des biens élémentaires : les habits et le pain quotidien. On devine aisément que l’exhortation est adressée à des pauvres qui ont à peine deux tuniques et quelques maigres ressources alimentaires. Donner, partager : voilà le premier geste que nous recommande Jean ; donner en considérant son superflu comme une injustice faite aux pauvres ; donner librement en se faisant solidaire de celui qui n’a rien.Peu importe, d’ailleurs, que l’on soit agriculteur ou politicien, académicien ou illettré, professeur ou chauffeur de taxi, adulte ou personne âgée, jeune ou enfant. Ce qui compte et comptera, c’est la qualité du don que l’on fait. Dans l’Évangile, on le sait, le verbe « aimer » est souvent suivi et explicité par celui de « donner », comme le soulignait le Christ :« Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ». Mais il n’y a pas de partage sans sacrifice, pas de don sans renoncement à sa commodité, à son aisance, à des avantages. Et c’est cela qui coûte. Aurons-nous le courage de faire ce geste ?
Deuxième catégorie : les publicains : « N’exiger rien au-delà de ce qui vous est prescrit ». A ceux qui font leur fortune sur la misère des autres, Jean demande simplement d’être honnêtes et équitables dans l’exercice de leur profession. Il n’exige pas des collecteurs d’impôts qu’ils rompent leurs liens professionnels avec l’occupant romain dont ils sont les collaborateurs. Une telle décision dépend, naturellement, de leurs convictions politiques, que le prophète respecte totalement. Ce qui importe pour lui c’est que chacun soit loyal dans le métier qu’il exerce, en résistant à la tentation du gain facile. Belle leçon pour nos sociétés où la corruption est devenue le métier le plus populaire et le plus rentable de nos administrations.
Troisième catégorie : les soldats. « Ne molestez personne, n’extorquez rien et contentez-vous de votre solde ». En un mot, n’abusez pas de votre pouvoir pour opprimer le peuple. Ici également, Jean ne demande pas aux juifs enrôlés dans l’armée d’Hérode de déserter. Il n’invite personne à abandonner sa profession mais plutôt à porter le salut au cœur des activités quotidiennes.
A vrai dire Jean répond à chacun d’entre nous et nous invite à la pratique de la justice et de la charité. Chers amis, notre conversion de cœur doit s’accompagner des attitudes qui témoignent et honorent nos valeurs et nos engagements chrétiens.Le sacrifice et le témoignage vont ensemble. En ce sens, le terme de« pénitence » signifie changement de cœur ou transformation intérieure. L’Église enseigne que la meilleure forme de pénitence est l’accomplissement fidèle des devoirs d’état et l’acceptation patiente des difficultés et des incertitudes de chaque jour.
C’est seulement en faisant ce pas que la joie de Dieu, annoncée par le prophète Sophonie s’établira dans nos cœurs et transformera nos sociétés. Heureux ceux qui auront l’audace d’essayer.