Homélie du 3e dimanche de l’Avent, de Gaudete, Année C
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
“Gaudete in domino, Gaudete !” Cela veut dire : “soyez dans la joie ! Soyez dans la joie du Seigneur ! Soyez toujours dans la joie…” C’est le début de notre passage de la lettre de saint Paul aux Philippiens, au chapitre 4.
I -Qu’est-ce que la joie ?
Première question : “Soyez dans la joie !”Mais qu’est-ce que c’est que la joie ? Faisons un sondage :
on pourrait s’adresser aux scientifiques. L’homme de science, que nous répond-t-il ? Eh bien peut-être que la joie, c’est d’abord une question d’hormone. Quand les hormones sont aux bons endroits dans le cerveau, il y a un état de satisfaction, un état de conscience tout-à-fait spécifique qu’on appelle la joie.
Continuons notre enquête et posons notre question aux philosophes. Le philosophe, qui travaille sur l’expérience des hommes… Pour lui, la joie sera peut-être un art de vivre qui est le signe d’un accomplissement de soi.
Continuons…on va questionner le théologien. Le théologien nous dira que la joie est comme une vertu, une sorte de bonne habitude qui donne une certaine sérénité. C’est la conséquence de l’harmonie entre le projet de Dieu et mon agir. Voilà la réponse du théologien…
Le poète aura peut-être une autre réponse, avec d’autres images et plus de couleurs. Il nous dira que la joie, c’est quand le soleil brille, que le ciel est bleu, que les oiseaux chantent…
Et lorsque l’on pose la question à Dieu, on obtient la réponse dans la première lecture. Pour Dieu, la joie, ça se danse ! C’est une danse… « Il dansera pour toi. Il exultera pour toi et se réjouira, comme aux jours de fêtes ». Une danse…
En venant habiter chez nous, Dieu se réjouit. Il se réjouit à un point tel qu’Il manifeste SA joie par tout Son corps. C’est un peu étonnant ! Dieu se réjouit de venir habiter chez nous. Il danse !
II – Qu’est-ce que danser ?
Alors, qu’est-ce que danser ? Danser, vous le savez, c’est entrer dans un rythme. Entrer dans un rythme qui n’est pas le nôtre. On entre dans le rythme d’une musique. On entre dans le pas d’un autre. La danse, c’est quelque chose d’éminemment humain parce que c’est un lieu, – normalement ! Il y a malheureusement des danses qui ne le permettent plus… -, où l’on entre particulièrement en relation. Normalement, je ne danse pas tout seul. Je danse avec… Lorsque l’on danse, il faut accepter de se décentrer. Ce n’est plus mon tempo, mais c’est le tempo de la musique, c’est le tempo de l’autre.
Alors oui, quand Dieu vient visiter son peuple, quand Dieu s’incarne, qu’Il vient habiter chez nous… alors oui, c’est bien cela qu’Il fait, Il se décentre, Il se met à notre rythme, à notre tempo. Le Seigneur danse, et Il vient danser avec nous.
Continuons notre réflexion… La danse, pour nous, humains, c’est un prélude à l’union. On parlera de danse nuptiale. La danse nuptiale qui conduit l’union conjugale. En tout cas, c’est ce pour quoi elle est faite. Et nous savons que s’il y a bien un lieu et un motif de joie dans nos vies et en particulier dans le mariage, c’est bien dans l’union conjugale. En fait, nous pourrions poser la question à Annick et Jacques et leur demander ce qu’il en est de leur joie. Et ils diront qu’effectivement, toute leur vie, je pense, vous avez dansé l’un pour l’autre, l’un avec l’autre, et qu’il a fallu souvent, aussi, reprendre le pas, se réadapter au pas de l’autre. Même si cela n’a pas été toujours facile et confortable. Oui, dans le mariage, on se met au pas de l’autre et on y trouve là, la joie.
Eh bien Dieu fait de même avec nous. En fait, Dieu, vraiment, est un amoureux qui veut se mettre à notre pas. Et si Il nous propose une danse, qu’allons-nous répondre ? Qu’allons-nous répondre ? Allons-nous accepter de nous mettre au pas de Dieu ? Allons-nous accepter de changer de rythme ?
III – Les obstacles
Où resterons-nous fixés sur ce qui compte pour nous ? Sur finalement, beaucoup de vanités, beaucoup de choses qui ne comptent pas vraiment…
La réussite sociale ? Il faut que je sois bien vu du monde… Il faut que je me sente quelqu’un.
Ou bien le succès professionnel, jusqu’à oublier ce qui compte vraiment… jusqu’à oublier mon époux, mon épouse, mes enfants, mes parents, ma famille…
Ou bien, dans notre monde qui valorise tant le fait de plaire, je vais mettre en premier lieu la séduction, jusqu’à mentir, pour être le centre du monde. Tout cela… vanité,rien que vanité… parce que tout cela s’efface.
Peut-être que je n’irai pas dans ces excès-là, mais que la petite parole médisante qui me permet de me sentir bien parce que finalement : “je suis pas si pire ! Je suis pas si horrible : les autres font pire !” Je me console avec les défauts du voisin…
Est-ce que je vais garder cette quête incessante de plaisirs sensuels ? Cette gourmandise… ou autres choses, qui finalement, me réjouissent… Oui, avec une grande intensité peut-être, mais qui, à la fin, ne laissent que goût de cendres.
La course à la mode, la course à être dans le vent… La course à penser comme les autres, à ne pas me démarquer. Ou si je me démarque, c’est juste parce que, comme cela, les autres pourront m’admirer ! La course aux cadeaux… en ce moment, on peut y penser. Qui aura le plus original, le plus beau et le plus impressionnant. Ce qui m’épuise ! Me fatigue les jambes quand je vais courir en ville pour cela, mais qui me laisse le cœur vide.
Alors… c’est pas très drôle tout cela, de fait… Toutes ces vanités vers lesquelles bien souvent, nous courons. On peut regarder, chacun dans notre vie… J’espère que l’on ne court pas derrière tout ! Mais dans notre vie, on a des tentations, des choses pas vraiment importantes et que nous ne voulons pas lâcher. Nous ne voulons pas changer de pas !
IV – Le Seigneur me libère
Alors y a-t-il encore un motif de réjouissance ? Oui, évidemment ! Et le motif principal de notre réjouissance, c’est que Dieu vient danser avec nous. Et c’est Lui qui vient se mettre à notre pas, et tranquillement, lentement, avec notre coopération et notre accord, notre volonté, peu-à-peu, Il fera que notre pas va devenir le sien. Il va nous transformer. Il va nous débarrasser de tout ce qui nous empêche d’avancer à son rythme.
Quand on arrive à 50 ans de mariage, – il y a pas très longtemps, quelqu’un me donnait un exemple en me disant qu’en fait, quand on arrive à 50 ans, on est comme deux cailloux qui ont eu le temps de se frotter l’un à l’autre. Au début de notre vie, on était bien rugueux et on se frottait et on se faisait mal. Et les années passant, on se lisse peu-à-peu. On finit par se connaître tellement bien que l’on devient des cailloux qui sont bien l’un contre l’autre finalement. Eh bien dans notre relation avec Dieu, c‘est pareil ! Si, quand on est jeune, – ou moins jeune d’ailleurs ! -, ça frotte, c’est normal ! C’est normal que ce soit difficile. Que rien ne change… En tout cas, c’est notre impression. Puis entrant dans le temps de Dieu, nous percevons que si, quand même, il y a du progrès. Que peu-à-peu, je change. Que peu-à-peu, finalement, Dieu me polit.
Le Seigneur me débarrasse de tout ce qui m’empêche de marcher à son rythme, de tout ce qui m’alourdit. C’est exactement le sens de cette phrase qui nous paraît impressionnante et un peu forte : “Le voici. Il vient. Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire et battre le blé. Et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, Il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas”. Je suis ce blé qu’Il bat ! Mais Il ne bat pas pour me faire mal. Il me bat pour trier. Pour trier ce qui est du bon grain, qu’Il garde ! Et pour trier ce qui est de la paille et qui doit brûler. Cette distinction entre paille et bon grain, elle est dans mon cœur. Et c’est Dieu qui fait ce travail de purification, d’unification, de filtre. Et qui me débarrasse de ce qui ne compte pas. Pour faire du bon pain, il ne faut que du grain. Si l’on met de la paille dans la farine, ça va pas être bon !
Voilà ! c’est le Seigneur qui nous transforme et qui nous change. Alors réjouissons-nous ! Réjouissons-nous parce que le Seigneur vient ! Il vient danser avec nous,Il vient exulter avec nous et nous sommes invités à danser avec Lui. Alors dansons ! Dansons ! Mettons-nous à Son rythme et à Son pas. Et vous savez, que le rythme de Dieu, le pas de Dieu, c’est d’aimer.
Cette homélie du l’abbé Gaël porte ce message de paix et d’amour , à l’approche de Noël c’est un véritable cadeau !