Le vrai Sacrifice, c’est d’aimer !
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
« Dieu de puissance et de miséricorde, c’est Ta grâce qui donne à tes fidèles de pouvoir dignement te servir ». C’était la prière d’ouverture de la messe. « C’est Ta grâce qui donne à tes fidèles de pouvoir dignement te servir ».
Alors dans les lectures d’aujourd’hui, on peut se poser une première question : qu’est-ce que véritablement servir Dieu ? C’est la grande question qui traverse tout l’Ancien Testament. Le peuple hébreu découvre peu-à-peu Dieu, le découvre comme une personne avec qui on peut entrer en relation, en dialogue. Et Dieu étant Dieu, et nous étant ses créatures, la question est : « mais comment servir Dieu ? »
Alors la réponse la plus classique pour les hommes, c’est de faire des cadeaux, de faire des dons à Dieu. Et comment faire un don à Dieu ? Il faut que cela soit un vrai cadeau, un cadeau que je donne et que je n’ai pas tentation à vouloir reprendre. Et donc, on va faire des sacrifices. Et dans le sacrifice, ce qui est le plus essentiel, c’est que j’offre quelque chose. Et pour être sûr de ne pas avoir la tentation de le reprendre, je détruis cette chose. Et c’est cela, le sacrifice que l’on va offrir… Par exemple Caïn offre du blé et des fruits. Et Abel, lui, il offre des chevreaux et des brebis. Au point d’ailleurs, – il y a un petit risque -, qu’à un moment, on va croire que ce qui est important dans le sacrifice, c’est le fait que les choses soient détruites. Or non ! Ce qui est essentiel dans le sacrifice, c’est que les choses soient données.
La tentation de l’homme, – puisqu’un sacrifice, c’est bien délimité -, on sait comment il faut faire : on commence par une petite prière, on allume un feu, on fait une petite prière, on met la bête dans le feu… C’est bien normé ! Et donc, la tentation, c’est de se dire : “le sacrifice, c’est suffisant ». Le rite extérieur, c’est l’essentiel. Le tout, c’est que j’offre une chose… qui n’est pas moi d’ailleurs. J’offre quelque chose !
Et au cours des âges, les prophètes vont prendre la parole. Souvent ! Et de plus en plus souvent ! Pour affirmer la parole que l’on a entendue, la citation que l’on entend dans l’Évangile : « aimer Dieu, aimer son prochain vaut mieux que toutes les offrandes d’holocauste et de sacrifice ». Il ne suffit pas de se contenter de poser un acte extérieur et d’offrir une petite bêbête au bon Dieu pour pouvoir être relié à Lui. Il faut quelque chose de plus. Et c’est ce que l’on entend dans cette première lecture du Livre du Deutéronome : « Tu observeras tous les décrets et tous les commandements que je prescris aujourd’hui, Tu écouteras… Écoute Israël ! Le Seigneur notre Dieu est unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force ». Il s’agit donc de dépasser un certain ritualisme pour entrer dans une relation, parce qu’aimer, c’est cela. C’est la relation la plus excellente que l’on puisse connaître
II. Aimer est un sacrifice, est Le sacrifice !
Alors tout au cours des âges, et encore aujourd’hui d’ailleurs, il y a toujours une certaine tension entre aimer et sacrifice. On a l’impression que lorsque l’on sacrifie, eh bien ce n’est pas aimer. Donc il ne faut surtout pas sacrifier. Et on a l’impression que quand on sacrifie, on aime pas, ou qu’il n’y a pas besoin d’aimer. Bien évidemment, le Seigneur nous invite à faire un pas de plus. Parce que si on réfléchit à ce que c’est que l’amour… Qu’est-ce que c’est qu’aimer ?
Aimer. La meilleure définition que je connaisse, c’est celle qui dit qu’aimer, c’est se donner, se dépenser pour la joie et le bonheur de l’autre. Cela implique qu’il nous faut être deux. Au moins ! Et cela implique qu’il faut que l’on se fatigue. En fait, en se donnant, à l’autre, – ou à Dieu ! qui est bien le tout autre -, il s’agit d’accomplir un sacrifice. Car aimer quelqu’un, c’est se sacrifier pour lui. Alors le mot fait peur, le mot est inquiétant, en même temps, on est bien d’accord, l’essentiel du sacrifice n’est pas dans le sang qui coule. L’essentiel du sacrifice est dans l’offrande faite, dans le cadeau donné. Et cela peut aller jusqu’au sang ! Nous ne l’excluons pas. Et nous connaissons bien Jésus, en tout premier lieu, qui a choisi d’aimer, de nous aimer tous et chacun, jusqu’à donner Sa vie sur la Croix. Mais des gens qui ont aimé, on en trouve beaucoup dans toute l’histoire. On faisait allusion, hier, à un saint qui était en camp de concentration, et qui lorsque, suite à une évasion, on choisit dix hommes pour les faire mourir dans le bunker de la faim et parmi ses dix hommes, il y a un père de famille avec plusieurs enfants… Et ce saint, Maximilien-Marie Kolbe, qui aime cet homme, – c’est-à-dire qu’il veut son bien et sa joie -, choisit de demander à échanger sa vie contre la sienne. Et c’est ce qu’il va faire. Et son martyr ira jusqu’au sang !
Aimer. Oui, aimer, c’est bien un sacrifice. C’est peut-être même le sacrifice ultime, – vous le savez bien ! -, il y a les grands dons, comme celui de Maximilien Kolbe et il y a tous les petits dons du quotidien, toute l’offrande mutuelle qu’un époux fait envers son épouse, qu’une épouse fait à son époux. Que des parents font pour leurs enfants. L’héroïcité de la maman, ou du papa, qui alors qu’ils travaillent se lèvent pour la cinquième fois dans la même nuit parce que leur enfant est malade pour prendre soin de lui…. C’est bien une offrande, une vraie offrande.
III. Jésus : le serviteur, le grand prêtre
Et c’est bien ce que nous dit Jésus dans l’Évangile. Quel est le grand commandement ? “Écoute ! Mets-toi en relation avec le Seigneur, aime-le et aime ton prochain comme toi-même”. Et le scribe, qui a compris : “aimer, en fait, cela vaut mieux que toute offrande et tout sacrifice ?” Autrement dit, c’est peut-être le sacrifice et l’offrande la plus parfaite.
Jésus voyant qu’il avait fait une remarque judicieuse : “oui, ce scribe a raison !” Aimer, c’est bien le plus parfait des sacrifices, la plus parfaite des offrandes.
Alors quand on a dit cela, on commence à percevoir que nous ne sommes pas vraiment capables d’aimer. Qui est capable, parmi nous, de donner toute sa vie pour la joie de l’autre ? De recevoir l’autre tel qu’il est, sans chercher à le changer ? En tout cas pas moi. Alors je cherche, et je vois une personne qui est capable de cela. Qui est capable de m’aimer, sans condition. Et cette personne, vous la connaissez aussi, c’est Jésus. C’est Lui qui est l’Homme parfait, la réalisation ultime du projet de Dieu. Il aime, et Il ne sait faire que cela. Il veut notre bien et notre joie. Il veut notre vrai bonheur. Alors Jésus, on pourrait le définir comme celui qui aime.
Nous sommes appelés, chaque jour, chaque semaine, à reprendre un peu Sa vie, à Le regarder Lui. Comment est-ce qu’Il fait ? Comment est-ce qu’Il fait pour se mettre au service de ceux qui sont là autour de Lui ? Des plus pauvres, des plus malades, des plus seuls, des plus isolés, des plus… et de ses disciples ! Il est aussi au service des gens “normaux”. Autrement dit, de nous tous, qui sommes tous blessés, d’une façon ou d’une autre.
Il est le serviteur, Il est, -comme le dit la lettre aux Hébreux, que l’on a entendu en deuxième lecture -, Il est le grand prêtre, parfait ! Parce que c’est Lui qui accomplit parfaitement le projet de Dieu, et qu’Il est notre frère et qu’Il nous emmène dans son mouvement vers le Père. De fait, Jésus n’a pas besoin d’offrir chaque jour des sacrifices parce que Son sacrifice, Son offrande, il l’a faîte une fois pour toutes… sur la Croix ! Et ce sacrifice, cette offrande, nous est rend présent sur cet autel ! Nous sommes là, en direct. À chaque messe. Et à chaque messe, nous sommes invités à accomplir ce geste supplémentaire d’offrande. Nous aussi. Donnons-nous à Dieu à ce moment-là. Quand le prêtre s’incline devant l’autel après la consécration : « Fais monter vers toi ces offrandes. Que ton ange porte sur ton autel céleste ces offrandes, ce pain et ce vin… ». C’est de nous dont on parle ! C’est nous qui sommes offerts à Dieu, par Jésus ! Alors laissons-nous emmener dans cette offrande. Et nous savons que, -Jésus l’a bien manifesté -, que le commandement de l’amour de Dieu, il n’est pas détachable, séparable du commandement de l’Amour des hommes. Quand nous aimons Dieu, en vérité, nous aimons les hommes.
Alors c’est toujours trop difficile pour nous d’aimer ? C’est vrai. C’est pour cela que l’on supplie le Seigneur : “c’est Ta grâce, c’est Ton amour, c’est Ta force, c’est Ton Esprit saint qui donnent à tes fidèles de puvoir dignement te servir, autrement dit, d’aimer, ici et maintenant”.