Homélie du 30e dimanche du TO – année B – 28 octobre 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Nous venons d’entendre une page de l’Évangile selon saint Marc. Et saint Marc, il a un projet quand il écrit son Évangile, c’est de nous faire découvrir qui est Jésus. Et on a une première partie, dont on a entendu la fin, fin août, où nous avons découvert que Jésus était identifié, reconnu par son peuple comme prophète. Et plus encore, et c’est Pierre qui le dit : “Tu es le messie ». L’envoyé de Dieu. Le choisi par Dieu. Prophète, parce qu’Il a reçu tout l’amour de Dieu et qu’Il est appelé, Jésus, à transmettre cet amour, à le donner, à le répandre autour de Lui.
Et puis après, dans le chapitre 8, on entre dans une deuxième partie, et Jésus se met en route vers Jérusalem, et en se mettant en route vers Jérusalem, Il commence à enseigner à ses disciples que s’Il est un prophète, s’Il est un Messie, Il ne l’est pas tout-à-fait à la manière humaine. Vous vous souvenez, on a entendu ses annonces de la Passion : “Viendra le jour où le Fils de l’Homme souffrira sa Passion, sera mis en Croix, mourra et ressuscitera”.
Nous avons entendu cet évangile de saint Marc puis on a eu comme une introduction. Cette introduction, c’était le Livre de Jérémie. Jérémie, vous le connaissez. On le connaît pour ses Jérémiades. C’est celui qui, quand tout va bien, quand tout semble aller bien, c’est celui qui nous dit qu’en réalité, tout va mal. Il annonce des catastrophes, il menace… Il appelle à la conversion en promettant de grands malheurs, et personne ne le croit. Et aujourd’hui, c’est exactement l’inverse. La Parole de Jérémie, c’est une Parole de confiance, une Parole de joie. Et c’est étonnant parce que c’est justement le moment où l’on est au fond du trou. En fait, les jérémiades, les lamentations, c’était un moment où le peuple était en paix ou à peu près, et où il comptait sur ses propres forces. Et les paroles de consolation, c’est l’exil. Le peuple a perdu sa Terre. Il a perdu son temple. Il a l’impression d’être loin de Dieu. Tout semble perdu et voilà que Jérémie les exhorte : « Poussez des cris de joie, acclamez ! Faites résonner vos louanges et criez : Seigneur, sauve ton peuple ».
En hébreu, “Seigneur, sauve ton peuple”, cela se dit : “hosannah”. C’est un mot que l’on connaît. Que l’on va garder.
Le Seigneur Jésus, Lui aussi, est au fond du trou. Et là, c’est très concret et très matériel, parce qu’il est à Jéricho. Et Jéricho c’est à peu près à 300 mètres au-dessous du niveau de la mer. Et quand on est à Jéricho, dans la Bible, cela signifie que l’on est comme de Dieu. Et Jésus a choisi de venir au plus profond, nous accompagner dans la plus grande détresse, et on le verra de manière très concrète et très matérielle au moment de la Passion. Il a choisi d’être au fond du trou pour nous relever. Et il y a cette rencontre. Un Aveugle est là sur le bord du chemin. Et il voit passer cette foule, qui de Jéricho, compte se rendre à Jérusalem. Il y a une quarantaine de km, en allant un peu vite, on peut le faire en une journée. En deux jours, c’est plus facile ! Jérusalem, c’est à 800 mètres d’altitude, donc cela fait tout de même une bonne pente. Et cette foule est comme en procession, – et c’est la nouvelle révélation que l’on va entendre -, accompagnant Jésus. Jésus que l’on reconnaît comme un roi.
Et lorsque Bartimée s’exclame : « Jésus, Fils de David !», c’est bien comme cela qu’il le reconnaît. Ainsi, saint Marc, par la bouche de cet aveugle, nous fait découvrir que Jésus, non seulement est un prophète, Il est Messie, mais Il est aussi Roi. Alors roi, évidemment, pas tout-à-fait à la manière humaine. Roi, parce que d’abord, Il est serviteur de son peuple. Il veut prendre soin de son peuple. Et lorsqu’Il entend ce : « prends pitié de moi ! »… – en grec, c’est kyrie eleison -, là aussi, c’est un mot que l’on connaît, on l’a dit tout-à-l’heure en français, c’est : « Seigneur, prends pitié ! ». Kyrie eleison, c’est d’abord le cri que les Grecs proclamaient lorsque le roi venait visiter leur ville. Lorsque le roi vient visiter la ville des Hébreux, on s’écrit : « Hosannah ! ». En fait, kyrie eleison, au début de la messe, et « Hosannah au plus haut des cieux », au moment de la prière eucharistique, c’est le même cri. C’est une acclamation. “Seigneur ! Tu peux sauver ton peuple. Seigneur ! Tu fais grâce, Tu prends pitié de nous !” C’est d’ailleurs ce qui permet de comprendre que pendant l’Avent ou le Carême, on ne chante plus le Gloria ou l’acclamation, mais on chante quand même kyrie eleison : acclamation à la miséricorde de Dieu.
Jésus est identifié par Bartimée comme le roi ! « Jésus ! Fils de David, aies pitié de moi ». C’est la première fois dans l’Évangile selon saint Marc que l’on identifie Jésus comme un roi. Et de fait, pour la foule, c’est un peu choquant : « Beaucoup de gens le rabrouait pour le faire taire ». “On veut bien qu’il soit prophète, mais est-ce que roi, cela lui ira bien ?” Et Jésus appelle cet aveugle : « Appelez-le ! ». Il a besoin de nous. Les gens qui crient et qui ont besoin de Dieu, eh bien le Christ, nous envoie en mission pour que nous soyons ses intermédiaires. « Confiance ! Lève-toi ! Il t’appelle. ». Nous pouvons dire cela à tous ceux qui sont autour de nous : “Le Seigneur t’appelle !”
Et question de Jésus : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? ». Cela fait penser à la question que l’on a posée tout-à-l’heure aux parents d’Antonin (bébé baptisé pendant la messe) : “Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? Que veux-tu que Dieu fasse pour toi ?” Et Antonin, par la voix de ses parents, a répondu : “Je demande la foi. Je demande cette connexion avec Dieu qui va établir une relation plénière entre Dieu et moi, qui va me permettre d’accueillir l’Amour de Dieu dans ma vie. Et qui va pouvoir me permettre de déborder de cet Amour”. L’aveugle lui dit : « Rabbouni ! Que je retrouve la vue ! » Et la vue, justement, chez saint Marc, et dans toute la tradition de l’Église, c’est justement cela : c’est la foi, la capacité de voir l’invisible. Dieu ne se montre pas, ou peu. On ne l’entend pas, ou peu. Et pourtant, avec la foi, avec les yeux de la foi, nous pouvons affirmer sans crainte : “Dieu m’aime. Dieu veut prendre soin de moi”. Et je suis invité à entrer dans une relation de père à enfant et d’enfant à son père.
« Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Pourrions-nous, tous, qui sommes tous là, répondre à cette question de Jésus : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » “Seigneur ! Voilà ce dont j’ai besoin. Voilà ce que je veux que tu fasses pour moi”. Et quand Jésus accomplit la demande de cet aveugle, l’aveugle suit Jésus.
Dans quelques instants, nous allons ouvrir les yeux, de manière invisible, encore. Les yeux d’Antonin et après la messe, nous ouvrions les yeux de Thomas (un autre bébé baptisé). Et de fait, le Seigneur attend une réponse de Thomas et d’Antonin. Il attend que ses enfants le suive. Et nous tous, qui sommes baptisés ici, nous sommes aussi appelés à suivre Jésus. Et vous savez ce qui suit juste après, le texte qui suit juste après ? Ce sont les Rameaux ! Jésus arrive à la porte de Jérusalem, la foule prend des rameaux, acclame le roi : “Fils de David ! Hosannah, au plus haut des cieux !” Hosannah… Encore une fois. Oui, Jésus est vraiment roi. Et voilà Jésus qui était au plus bas à Jéricho, et qui est élevé, – à 800 m d’altitude à Jérusalem mais aussi reconnu comme un roi -, et nous savons ensuite ce qui se passe encore. Ce sera la Passion et la mort. De fait, quand Bartimée suit Jésus, c’est aussi à cela qu’il va. Il va accompagner Jésus jusqu’à sa mort… et sa résurrection ! On ne peut pas délier les deux.
Alors oui, Jésus est bien roi. Pas tout-à-fait à la manière humaine. Même tout-à-fait pas à la manière humaine. Et Il nous invite à le suivre.
Dans la deuxième lecture, on nous parle de la troisième caractéristique du Messie. Le Messie, il est prophète, il est Roi, et, – c’est la Lettre aux Hébreux qui nous le dit -, il est prêtre, grand prêtre. Grand prêtre, cela signifie qu’il fait le pont entre Dieu et nous. Et pourquoi est-ce qu’il est capable de faire le pont ? Parce qu’il est un homme et parce qu’il se consacre à Dieu. Alors Jésus est le plus grand prêtre possible. Le seul grand prêtre. Parce qu’Il fait parfaitement le pont, Il est Dieu, Fils de Dieu, Il est Homme, Fils d’homme. À la fois ! Simultanément ! Cela nous paraît impossible, et pourtant ! Et par cela, Il nous met en relation avec le Père.
Dans quelques instants, nous allons baptiser Antonin. Il va recevoir la foi, il va être connecté au Christ. Il va devenir membre du Corps du Christ. Et du coup, puisqu’il est membre du Christ, il est comme chacun de nous, dans le Christ : prêtre, prophète et roi. Et voilà, c’est cela notre mission. Ayant reçu les yeux de la foi, nous sommes invités à rentrer dans la démarche du Christ. Prêtre, nous portons le monde dans notre prière. Nous présentons le monde à Dieu. Prophète, nous accueillons la tendresse de Dieu, l’amour de Dieu dans nos vies et nous en témoignons, par la parole et par les actes. Roi, nous sommes invités à nous mettre au service les uns des autres, à nous mettre au service de notre monde, de notre peuple.
Alors trois petites idées pour conclure. Trois petits appels que le Seigneur nous fait aujourd’hui. Quand nous sommes au fond du trou, n’hésitons pas à appeler le Seigneur, à l’acclamer, à proclamer sa miséricorde, sa tendresse et son pardon. Son amour pour nous ! « Jésus, Fils de David, aies pitié de nous. Kyrie eleison, Hosannah in excelsis ». Ensuite, acceptons d’entrer dans une vraie relation avec le Christ qui vient et qui s’approche de nous. Il nous appelle et nous demande : « Que veux-tu que je fasse pour toi ? » Et enfin, Il nous appelle à lui répondre en le suivant. Suivons le Christ et comme Lui, avec Lui, en Lui, donnons notre vie pour la joie du monde.