Les conf’ du curé, par l’abbé Gaël de Breuvand
Introduction
La Parole de Dieu a du sens quand elle est proclamée.
Au sujet de notre thème, Léon XIII a publié un texte sur la Parole de Dieu en Providentissimus Deus 1893. Il invite les chrétiens et les chercheurs à étudier la Parole de Dieu. De même, Pie XII en a publié un en 1942, qui s’appelle Divino Afflante Spiritu, ce qui signifie « sous le souffle de l’Esprit ». Il existe également un texte de Vatican II, Dei Verbum, – qu’on appelle est ‘la perle du concile’ -, en 1964. Ce texte a fait le point sur toutes les réflexions antérieures portant sur la Parole de Dieu, abordant aussi bien la manière dont la Parole de Dieu nous a été donnée, et comment nous sommes invités à la recevoir. Le pape Benoît XVI, en 2010, a publié un texte qui s’appelle Verbum Domini, “la Parole du Seigneur” faisant suite au synode des évêques de 2008 auquel le cardinal Barbarin a participé. Ce synode des évêques avait pour sujet “la Parole de Dieu”. Enfin, plus récemment, un petit texte a été produit par la commission pontificale Biblique, un groupe de grands penseurs ! Il fait le point des connaissances sur la question. C’est un ouvrage de 150 pages qui se lit facilement, accessible, qui n’est pas un enseignement pontifical. Il s’agit plutôt du travail d’une petite équipe qui essaye de faire un point de synthèse sur ce que signifie : inspiration et vérité de l’Écriture Sainte (22 février 2014)
Comment est-ce que la Parole de Dieu, ou la Bible, est inspirée ? Comment est-elle vraiment Parole de Dieu et en même temps, comment devons-nous faire face à des éléments faux, comme par exemple une liste des ruminants que l’on ne peut pas manger dans la Bible parce qu’ils ont les pieds fourchus. Les ruminants aux pieds fourchus, on ne les mange pas ! Et dedans il y a le lapin, qui n’est pas un ruminant… Alors sont-ce des vérités comme celles-ci que l’on cherche ?
Sur la question de l’inspiration des Écritures, on peut d’abord s’intéresser au mot inspiration.
Le mot inspirer “in spirare”. Littéralement, c’est le souffle qui va dedans. Une écriture inspirée… Quand on utilise le mot “inspiré”, cela nous sépare d’un autre mot qui serait “dicter”. Ce qui est inspiré, n’est pas dicté.
Exemple du tableau de l’Inspiration de saint Matthieu, Le Caravage, Saint-Louis des Français, Rome
Je vous propose maintenant d’observer cette image-là. (L’Inspiration de saint Matthieu, par le
Caravage, à Saint-Louis des Français). D’où vient-t-elle ? De Rome ! Oui de Saint-Louis des Français, oui ! Précisément de la Chapelle Saint-Matthieu ! Dans cette chapelle, il y a un triptyque représentant d’abord l’appel de saint Matthieu, l’Inspiration des Écritures, et la mort de saint Matthieu. Cette image-là, (donc l’Inspiration de saint Matthieu), est au-dessus de l’autel. Il y a donc sur la gauche le tableau de l’appel, et sur la droite le tableau du martyre.
Et juste au-dessus du tableau central, celui de l’Inspiration de saint Matthieu, il y a une fenêtre qui éclaire. Que voit-on sur ce tableau ? On voit un ange qui dicte ? Je ne sais pas, peut-être… Et on voit un homme, saint Matthieu, qui a un stylet en main et un livre, très moderne d’ailleurs, un codex… On a l’impression que saint Matthieu passait là par hasard et que, tout-à-coup, il fallait qu’il écrive ! Il est en train de prendre des notes.
Ce tableau peint par le Caravage, sur commande, est très intéressant, car lorsque qu’il a d’abord proposé des esquisses avant de peindre le tableau final de l’Inspiration de saint Matthieu, on voyait qu’il avait représenté un ange qui tenait la main de saint Matthieu en la guidant. Et deuxième détail, dans l’esquisse, on voyait bien qu’il s’agissait d’un pêcheur aux pieds sales ! Le cardinal qui avait passé commande n’a pas souhaité que saint Matthieu soit représenté avec les pieds sales mais surtout, il n’a pas voulu que l’ange guide de la main de Matthieu. Ainsi, le Caravage a reçu pour consigne de peindre un tableau où l’ange s’adresse à Matthieu, mais ne guide pas sa main. Effectivement, on observe que l’ange dicte des paroles à Matthieu en lui disant peut-être : « Il faut que tu dises ceci et cela… », Mais c’est bien Matthieu qui écrit.
La Bible : deux auteurs, pleinement auteurs
Cela est un élément essentiel : dans les Écritures, quand on parle de la Bible, quand on parle de l’Écriture Sainte, quand on parle de la Parole de Dieu, il y a deux auteurs, qui sont pleinement auteurs.
Il y a un auteur divin, qui est Dieu, l’Esprit saint, qui veut transmettre sa Parole, qui veut que son message soit transmis. Ainsi, tout ce qui se trouve dans les Écritures est voulu par cet auteur divin.
Et il y a un auteur humain, et dans notre cas précis, saint Matthieu. Mais on a aussi saint Marc, on a aussi l’auteur du livre des Chroniques, l’auteur du livre de la Genèse… Tous ces auteurs sont pleinement auteurs. Ce sont bien eux qui écrivent avec leurs souvenirs, leur mémoire, leur intelligence, leurs limites, leurs forces…
Cela est absolument essentiel, car pour parler d’une autre grande religion qui existe dans le monde où il est également question d’écriture sainte, – l’Islam -, ce n’est pas du tout le même rapport à l’écriture. Mohammed n’est pas du tout l’auteur du Coran… Pour les musulmans ! Le Coran a un auteur unique, qui est Dieu… Donc si l’auteur unique est Dieu, on ne peut jamais rien interpréter.
Alors que pour nous, Chrétiens et Juifs, nous sommes de ce point de vue dans la même école. Dieu est bien auteur, mais il n’est pas unique auteur. L’homme aussi est auteur avec ses limites, ses faiblesses, son histoire.
Cette distinction entre “dicter” et “inspirer” est essentielle. Cette différence est essentielle…
Verbis gestisque : des paroles et des actes
Parlons à présent d’inspiration. Qu’est-ce que c’est que l’inspiration ? À quel moment intervient-elle ?
Le concile Vatican II dit que la Parole de Dieu, c’est verbis gestisque, ce qui signifie paroles et actes. La Parole de Dieu avec un grand V, Verbum Dei, est un ensemble de parole et d’actes.
La parole de Dieu s’exprime d’abord dans des actes historiques. Je vous donne immédiatement un exemple : le premier niveau de la Parole de Dieu, c’est le fait qu’il y ait un déluge. Il y a un acte, une réalité : il pleut ; l’eau monte ; des gens se noient ; d’autres survivent. Voilà un premier niveau de la Parole de Dieu. Mais cela n’est pas suffisant. Ce n’est pas encore pleinement la Parole de Dieu… car on ne peut pas encore la comprendre !
La mise en récit de l’événement, puis sa réception par une communauté croyante
Pour que cela devienne la Parole de Dieu, il y a une deuxième étape, qui est la mise en récit. Il va falloir que les gens écrivent… « Et Noé a entendu la Parole de Dieu s’adresser à lui… Noé, il était juste, et il a écouté le Seigneur et fait ce qu’Il lui a demandé… » C’est cela la mise en récit.
Et puis il y a une troisième étape pour devenir Parole de Dieu, qui sera le fait qu’une communauté croyante reçoive ce texte comme étant effectivement Parole de Dieu.
Où est le Saint Esprit dans ces trois étapes ? Eh bien il est présent ou trois moments : au moment où l’acte se pose, au moment où l’on rédige le récit et il est également présent au moment où l’on reçoit le récit.
Dans l’inspiration des Écritures, il y a encore deux temps : le moment où la communauté croyante reçoit le récit et le moment où chacun de nous lorsqu’il reçoit le texte en le lisant par exemple, reçoit cette Parole. Et là encore, le Saint Esprit travaille. Quand vous lisez la Bible, ce n’est jamais innocent ! Il faut faire attention… Une personne qui ne croit pas en Dieu, quand vous lui donnez la Bible à lire, il prend un risque ! Il faut le prévenir que le bon Dieu risque de travailler dans son cœur ! Parce que le Saint Esprit est là au commencement, au milieu et à la fin.
Exemple des différences dans la mise en récit d’après les quatre Évangiles
Cette réflexion, nous l’avons en particulier, quand on pense aux évangiles. Il y en a quatre. dont trois que l’on nomme synoptiques car nous pourrions les lire d’un seul regard. “syn”, ensemble, et “optique”, les yeux. Ils ont le même plan. Il se déroule de la même manière.
Celui de saint Marc est court, ceux de Mathieu et de Luc sont plus longs. Mais globalement, ils ont le même plan, le même ordre. Nous pourrions dire que celui de Marc a la carcasse et ceux de Mathieu et de Luc ajoutent la chair, pour les décrire de manière très imagée. Puis il y a l’évangile de Jean, dont le récit est très différent avec un plan tout à fait différent. On sait bien qu’il s’agit de la même histoire, qui dans le même temps, n’est pas racontée de la même manière.
Pour aller à l’essentiel, le plan des Évangiles de saint Mathieu, saint Marc et saint Luc c’est : un prologue pour Mathieu et Luc ; l’enfance de Jésus. On arrive ensuite sur le même plan pour les trois Évangiles synoptiques : un premier temps où Jésus, en Galilée, se lève ; il est baptisé en Judée ; il revient en Galilée ; il prêche ; il révèle qu’il est le Messie, le fils de Dieu et peu-à-peu les pharisiens commencent à ne pas trop l’apprécier ; il retourne alors en Judée, à Jérusalem, et il meurt. Globalement, c’est ainsi que cela se passe. Selon ce plan très précis où on part de Galilée et l’on monte à Jérusalem.
Chez saint Jean, le récit est tout à fait différent parce que Jésus apparaît effectivement en Galilée, puis il va à Jérusalem, puis il retourne en Galilée, puis il retourne à Jérusalem, retourne encore en Galilée pour revenir à Jérusalem et mourir.
Alors que cela signifie-t-il ? Que l’un a raison et que l’autre a tort ? Pendant des siècles, nous avons pensé que c’était Jean qui avait brodé. Et en fait, depuis une cinquantaine d’années, on est en train de se dire que c’est Jean qui avait raison. Mais alors pourquoi cette différence ?
Il s’agit justement des étapes des Écritures. Nous connaissons ces trois années, d’un point de vue historique, de la vie de Jésus. Oui, Jésus est bien né à un endroit, il a vécu à un autre, il a commencé à prêcher, il a visité la Galilée, la Judée, il est passé en Samarie, il est allé en Décapole au Nord… et pendant ces événements-là, il a prêché. Lorsque 20 ans plus tard, les disciples, – on pense surtout à Matthieu, Marc et Luc -, décident de mettre par écrit ce qu’a vécu Jésus et ce qu’il a enseigné, ils vont essayer de le faire de manière à ce que cela soit compréhensible pour ceux qui vont lire ces récits. Il y a donc un certain nombre d’éléments qu’ils vont décider de simplifier. Pour pouvoir être audible ! De plus, il y a certaines choses qui les ont touché, chacun personnellement, et qui n’ont pas touché leurs voisins.
Des évangélistes à la sensibilité et au public différent
On dit par exemple que Matthieu, Marc et Luc sont témoins du Christ. Ils ne sont pas pour autant des témoins directs. Du coup, la mise en récit va dépendre de la personne qui aura transmis l’histoire. La Tradition, – Pappias en particulier, un auteur qui a écrit en 130 -, dit que Marc était le secrétaire de saint Pierre. Il a donc écrit les souvenirs de saint Pierre. Et l’on voit bien, quand Marc fait son récit, que Pierre en est le personnage principal. En revanche, Luc, quant à lui, est médecin et ami de saint Paul. Il écrit d’autres choses davantage liées au toucher. Il y a deux aspects qui apparaissent uniquement chez saint Luc : le fait que Jésus regarde les gens et qu’il les touche.
Donc le regard de Jésus sur les personnes va impliquer tous les récits de miséricorde parce qu’il se souvient tout particulièrement des moments où Jésus prêchait la Miséricorde. Seul Luc rapporte la parabole de la brebis perdue. Il est le seul également à rapporter la parabole du fils prodigue. Il relève cela en particulier, peut-être parce que lui-même était fils prodigue ! Je ne sais pas… Par contre, le récit du fils prodigue n’a pas beaucoup touché Mathieu a priori. Il a pourtant reçu un appel qui est tout à fait de cet ordre-là…
Chacun lorsqu’il fait son récit, l’évangéliste le fait en fonction de ce qu’il est. Matthieu est Juif et il écrit à des gens qui sont juifs aussi. Il est donc très au fait des traditions juives. Il ne s’étale donc pas sur les traditions juives. Par contre à chaque fois qu’il peut relever un élément à mettre en rapport avec l’Ancien Testament, il dit : “ah, c’était comme l’avait dit Isaïe, comme l’avait dit Jérémie, comme l’avait dit le prophète, comme l’avait dit…”. Marc, en revanche, ne fait quasiment jamais mention de l’Ancien Testament. Cependant, il est obligé de préciser : « chez les juifs on se lave les mains, on enlève les plats… », parce que les gens auxquels il s’adresse, a priori vivant à Rome, ne connaissent pas toutes ces traditions juives. Marc a donc besoin de rajouter ces éléments de détails.
Jésus, toute sa vie, est inspiré du Saint-Esprit. Quand Mathieu, Marc, Luc et Jean décident de mettre par écrit le récit, ils sont inspirés par l’Esprit Saint. Mais c’est bien leurs souvenirs qui sont écrits. Ils n’ont pas relaté d’événements pour lesquels ils n’avaient pas reçu de témoignages.
Du coup, chez saint Mathieu, au chapitre 5, Jésus monte sur la montagne, il s’assoit, il ouvre la bouche et dit : « Heureux les pauvres de cœur, heureux les doux, heureux ceux qui pleurent… » Et l’on a ainsi un discours de Jésus qui fait trois chapitres d’affilée. Il s’agit d’un bon discours ! Est-ce que Jésus s’est assis sur la montagne pour enchaîner un discours de trois chapitres ? Pas sûr… D’autant plus que chez saint Luc, lorsque le récit débute, il descend dans la plaine le soir, il s’assoit, et débute un discours qui ne va durer qu’un chapitre. Donc chez saint Luc, c’est plutôt dans la plaine, et chez saint Mathieu, dans la montagne ! Est-ce que Jésus a fait un aussi long discours de cette manière ? Peut-être. Peut-être pas… Mais ce qui est important, c’est que le Saint-Esprit, en inspirant Luc ou Mathieu, leur donne la substantifique moelle. L’Esprit livre ce qui a besoin d’être retenu. Enfin chez saint Marc, il n’y a pas de discours du tout !
Ce n’est donc pas forcément sur le détail, sur la véracité historique que tout tient. Par contre, est-ce que Jésus a bien dit tout ce qui est contenu dans le discours de la montagne ? Oui. Ça, il l’a dit. Peut-être pas forcément dans tel ou tel cadre. Est-ce que cela remet en cause notre foi ? Non.
L’Évangile de Jean : une théologie descendante
On a donc ce travail réalisé par les quatre évangélistes. Jean triche un peu, car il écrit après les autres ! Il connaît donc ce qu’a écrit Mathieu, Marc et Luc. Il va donc s’appliquer surtout à raconter ce que Mathieu, Marc et Luc n’ont pas dit. De plus, les débats à son époque ne sont plus tout-à-fait les mêmes. Quand les trois premiers écrivent, que doivent-ils dire ? Tout le monde voit que Jésus est un homme et il va falloir montrer que cet homme-là est Messie et Fils de Dieu. On parle ici de théologie ascendante. On part de l’homme et on va vers Dieu.
40 ans plus tard, à l’époque de Jean, en 90 ou 100, là, tout le monde est à peu près d’accord pour dire que Jésus est Dieu. D’ailleurs comment l’Évangile de saint Jean commence-t-il ? « Au commencement était le Verbe… Et la Parole de Dieu était Dieu… Et le Verbe s’est fait chair… ». Et il va nous montrer que ce Dieu-là, Il est pleinement un homme, il n’a pas fait semblant d’être un homme, il n’est pas déguisé en homme. Il est homme, Jésus. L’attention de Jean au moment où il met par écrit son récit n’est donc pas tout à fait la même. Et pourquoi s’est-il senti le besoin d’écrire cela ? C’est là qu’entre en jeu l’inspiration. Peut-être a-t-il été encouragé par certains disciples à raconter sa propre version…
Des Évangiles qui relatent la vie de Jésus, il y en a eu plusieurs autres. Mais pour qu’un évangile soit reçu, il faut un événement, une mise en récit et une réception.
Et cette réception, c’est ce que l’on appelle l’établissement du Canon. Le “Kanôn”, en grec, est une baguette qui mesure un certain nombre de centimètres, qui est une règle. Le Canon, c’est la règle. Donc le Canon des Écritures, la règle des Écritures, c’est ce qui correspond au réel, à la vraie Parole de Dieu.
En fait, la communauté chrétienne, – et c’est vrai pour l’Ancien Testament avec la communauté juive -, quand un texte parle de Jésus, elle le lit. Il y a des moments où elle se dit : « ouais, cela correspond bien au vrai ». Et cela s’appuie sur des personnes qui ont connu Jésus ou qui ont reçu l’enseignement des premiers disciples… Et ces personnes disent : « ça, ça correspond au réel ! ».
Pourquoi les évangiles apocryphes ne sont pas reçus dans le Canon ?
Puis ils vont lire l’évangile de l’enfance du pseudo Thomas, où Jésus façonne des pigeons en argile et Il leur dit : « vivez ! ». Et les pigeons s’envolent… Et à ce moment-là, les auditeurs qui connaissent un peu le réel font : « Pfff… Ouais mais non. Ça, c’est mignon, mais ce n’est pas vrai quoi !». Ou encore, il existe un autre évangile où l’on a Jean-Baptiste, qui, à peine né, parle comme s’il avait 30 ans. Là encore, les gens qui connaissent un peu le réel font : « Ben, non. Ça ne se peut pas… ». Cela ne veut pas dire que ces textes sont mauvais, mais plutôt qu’il s’agit de textes qui ressemblent à des romans. Si vous voulez, les Évangiles apocryphes, c’est comme cela qu’on les appelle, sont des évangiles qui n’ont pas été retenus dans le Canon des Écritures. Cela renvoie exactement à la pastorale des santons de Provence ! Si j’écris la pastorale des santons de Provence et que je dis : « voilà, ça c’est vrai. C’est l’Évangile », la communauté chrétienne risque de répondre : « Oui… mais non ! Ça ne marche pas ! ». Cela ne veut pas dire que le texte est mauvais. Mais cela signifie que l’on va décider de ne pas l’utiliser comme Parole de Dieu. Par ailleurs, tous ces Évangiles apocryphes que l’on a retrouvés, environ une quinzaine au total, sont généralement bien ultérieurs. C’est-à-dire que le dernière évangile, celui de Jean, est daté de 100 environ, alors que le premier des apocryphes a été rédigé autour de 150. Puis il y a un certain nombre d’auteurs dans les apocryphes, qui en profitent pour ajouter des petites choses… Dans l’évangile de Barnabé par exemple, on veut nous expliquer que finalement Jésus n’est pas mort sur la Croix. C’est d’ailleurs à partir de cet évangile-là que les Musulmans ont créé leur croyance à propos de Jésus. « Il n’est pas mort sur la croix, au dernier moment il a été remplacé… Ce n’était pas lui ! C’est un autre qui est mort à sa place. Thomas. Didyme. Le jumeau… Bah, le jumeau de qui ? Le jumeau de Jésus ! » Donc évidemment quand le pseudo évangile de Thomas paraît, il est rejeté.
Un Canon établit par une communauté, sous l’action de l’Esprit Saint
Et comment la communauté définit-elle le Canon ? Dans la prière. Sous l’action de l’Esprit-Saint. On accueille l’Esprit-Saint, et c’est Lui qui nous donne le sens de ce qui est vrai et de ce qui ne l’est pas. Peut-être avez-vous déjà eu l’occasion de lire certains commentaires d’évangiles et de vous dire : « oui cela est vrai, ça correspond ». Et il y a d’autres moments où ça ne fonctionne pas. Parce que le Saint Esprit travaille dans chacun de nos cœurs. Il nous donne un éclairage, un discernement…
Alors seul, on ne peut pas être encore la référence. Quand c’est l’Église en tant que telle, là, ça devient La référence : 2 P 1,20-21 : « Car vous savez cette chose primordiale : pour aucune prophétie de l’Écriture il ne peut y avoir d’interprétation individuelle, puisque ce n’est jamais par la volonté d’un homme qu’un message prophétique a été porté : c’est portés par l’Esprit-Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu ».
En 140, on possède une première liste des livres du Canon. Saint Irénée possède quasiment la liste complète en 180-200. Le Canon des Écritures, composé des 73 livres, 46 dans l’Ancien Testament et 27 dans le nouveau, – le Canon -, est fixé en 230-240 après Jésus-Christ. Là, tous les textes sont reconnus comme étant partie de notre Bible. Il y a eu par exemple une hésitation sur la lettre de saint Jude. De même que sur la lettre aux Hébreux, pour savoir qui l’avait écrite… On ne le sait d’ailleurs toujours pas.
Livre de la Genèse : un autre exemple de mise en récit et de réception
Des actes, des gestes et des paroles, une mise en récit et une réception.
Je viens d’aborder longuement l’exemple des Évangiles, mais je peux prendre rapidement un autre exemple avec le texte de la Genèse qui est composé de 50 chapitres. Sur ces 50 chapitres, on va regarder les 11 premiers. Et les 11 premiers forment un livre à part entière. Il s’agit vraiment de la genèse antédiluvienne, au sens propre, puisque le déluge intervient au chapitre 11. Donc les 11 premiers chapitres correspondent à tout ce qui précède Noé. Il y a bien eu une création. Avec l’homme et la femme qui sont là, le début des générations… Des meurtres et des assassinats… Le grand progrès du chapitre huit qui dit : « désormais œil pour œil, dent pour dent ». Et non pas : pour un coup, je décapite et pour une claque, j’arrache le bras. (Ce qui est la ‘profession de foi’ de Lamek au chap. 4) 11 chapitres qui abordent ses parties pré-historiques qui contiennent bien des actes et des paroles de Dieu.
Mais quand est-ce que s’est faite la mise en récit ?
La mise en récit de ces chapitres est finalisée vers 550. Ce texte-là est figé, écrit tel que nous le lisons aujourd’hui, en 550 av. J.-C. Et on voit bien qu’il a fallu du temps pour le rédiger, ce texte. Il possède d’ailleurs plusieurs inspirations, plusieurs auteurs qui se croisent. Il y a des moments où on appelle Dieu Yahve et d’autres moments où on l’appelle Adonaï. Cela illustre qu’il existe une tradition ancrée plutôt du Nord et une autre plutôt du Sud. Et ces deux textes s’entrecroisent… En fait, il y en a même un troisième. Et à la fin, il y a un auteur final qui vient mettre le point final, qui vient faire le lien entre les deux récits. Et en 550, la mise en récit est faite, et là, les juifs qui prient autour de ce texte vont se dire : « Ouais, c’est bien Dieu qui nous le dit ça ». Réception ! Le voilà entré dans le Canon.
La Torah, les cinq premiers livres de la Bible, est fixée seulement au moment de l’Exil dans les années 550. C’est très tard ! Mais on sait qu’il existe des récits bien antérieurs. Le Deutéronome doit dater des années 600 et d’autres passages sont encore antérieurs. Mais le texte final il a fallu des centaines d’années pour l’écrire et le figer ! C’est ce travail de réception qui est canonisé au sens premier du terme, qui le met dans la règle, la règle de la foi.
Éléments de conclusion
La Bible, référence sur la connaissance de Dieu et sur la connaissance des hommes
À partir du moment où une parole est dans la Bible, elle devient une référence sur la connaissance de Dieu et sur la connaissance de l’homme.
Cette dernière phrase que je viens de dire est peut-être la plus essentielle : la Bible, la Parole de Dieu, nous est donnée pour que l’on connaisse Dieu et que l’on connaisse l’homme. Que l’on connaisse le cœur de Dieu, que l’on connaisse le cœur de l’homme. Est-ce que la bible est là pour nous donner un récit scientifique pour me dire comment les choses se sont produites ? Pas forcément… Elle est d’abord là pour me dire pourquoi ça se passe.
Après, la Bible va s’appuyer sur des événements réels, et plus on avance dans l’histoire, plus elle est précise et plus elle correspond au réel historique. Mais évidemment le récit de la Genèse, avec 10 paroles en 7 jours, est racontée sous une forme de conte. Et en même temps, cela nous dit quelque chose de vrai. D’ailleurs à l’époque, le peuple juif était le seul à croire que le soleil et la lune n’étaient pas des dieux. À tel point que dans la Bible, on ne les appelle pas soleil et lune mais le luminaire du jour et le luminaire de la nuit. Ils n’ont même pas de noms. On est ainsi certain de ne pas les prendre pour des dieux !
Donc le projet de Dieu, Sa Parole, est là pour nous révéler qui est Dieu comme personne avec laquelle on peut entrer en relation, et elle est là pour nous révéler qui est l’homme, pourquoi l’homme.
Et saint Paul affirme que toute parole issue des Écritures est bonne pour nous connaître nous-mêmes et pour savoir comment agir… 2 Tm 3,16 : « Toute l’Écriture est inspirée par Dieu ; elle est utile pour enseigner, dénoncer le mal, redresser, éduquer dans la justice »
Bientôt, seront transcrites les questions réponses…
Prochaine conf’ du curé :
CYCLE 1 – la Parole de Dieu
Enseignement 2 – Les étapes de la révélation
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