Homélie du 22e dimanche du TO, Année B, 2 septembre 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
Une première lecture, un évangile… La Parole de Dieu ! Et elle nous semble un peu paradoxale. Finalement la première lecture du livre du Deutéronome nous demande quelque chose ; et on a un peu l’impression que l’évangile nous demande l’inverse.
I – observer la Loi : bon pour nous et bon pour les autres
Alors cette première lecture du livre du Deutéronome, – ça veut dire la deuxième loi !- La première loi, c’est l’Exode et la deuxième loi, c’est la même loi, mais qui nous est répétée. Et entre l’Exode et le Deutéronome, on a quasiment le même texte, qui nous répète ce que veut vraiment dire Dieu à son peuple. Évidemment, c’est écrit trois siècles plus tard.
Dans cette parole, par la bouche de Moïse, Dieu nous invite à respecter les commandements. Un commandement, vous savez, ce n’est pas une parole à laquelle il faudrait obéir, le doigt sur la couture, au garde-à-vous : “oui, chef !” Un commandement, c’est une parole de Dieu qui est là pour notre joie et pour notre bonheur. “Tu ne tueras pas… Parce que tuer, c’est pas top pour ta propre vie ni la vie des autres. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain… On s’en doute !” Et puis de même : “tu honoreras ton père et ta mère”…
Toujours, ces commandements sont là pour nous donner le chemin de la joie et du bonheur. « Vous n’ajouterez rien à ce que je vous ordonne, et vous n’y enlèverez rien ». Le Seigneur, par la bouche de Moïse, nous invite à être très respectueux de ses commandements. Et dans la Bible, dans l’Ancien Testament, on en trouve 613 de ces commandements. Le Seigneur nous donne les commandements qui nous introduisent dans une certaine ritualité. Les juifs vont être invités à se laver les mains avant les repas, vont être invités à rendre grâce au Seigneur, à prier régulièrement, à avoir des règles dans la nourriture. Ils vont être invités à suivre le Sabbat, ce jour de repos, pour pouvoir consacrer leur vie à Dieu.
Et tout cela, pourquoi est-ce qu’on le fait ? D’abord, chaque fois que l’on pose un acte en suivant un commandement, en tout cas dans la tradition juive et c’est vrai aussi dans la tradition chrétienne, quand on pose un acte en suivant un commandement, cela nous permet d’élever notre cœur vers Dieu. Quand un Juif ne travaille pas du tout le samedi, qu’il n’allume même pas la lumière, cela lui rappelle que ce jour est totalement consacré à Dieu. Lorsqu’un Juif se lave les mains avant le repas, il pense que c’est Dieu qui lui a demandé, et ça lui permet de tourner son cœur vers Dieu. Donc tout cela, c’est bon ! Et c’est ce que dit le texte. C’est bon pour nous !
Et c’est aussi bon comme témoignage. Quand on suit un commandement, on devient un signe. Et les Juifs, nous le savons, ont toujours beaucoup étonné autour d’eux. “C’est bizarre, ces gens-là !” Pourquoi est-ce qu’ils sont bizarres, parce qu’ils croient en Dieu. Ils sont attachés à leur Dieu.
Et pour nous ? Eh bien, c’est la même chose. Nous sommes nous aussi invités à vivre des commandements. Pas tout-à-fait les mêmes que les Juifs, parce qu’un certain nombre de commandements des Juifs sont tombés, d’une certaine manière, avec le Christ. Mais nous sommes toujours invités à ne pas travailler le dimanche. Et cela devient un signe ! “Tiens ! C’est étonnant ! Il ne travaille pas le dimanche. Pourquoi ? Parce que c’est le jour qu’ils ont consacré au Seigneur !” Nous sommes toujours invités, je ne sais…, à prier le matin et le soir ! Nous sommes toujours invités à nous confesser régulièrement. Toutes ces lois sont là pour nous aider. Pour que nous soyons signe dans les Nations. En fait, les gens devraient pouvoir nous regarder en se posant la question : “Mais pourquoi sont-ils aussi généreux ? Aussi bons ? Pourquoi est-ce qu’ils sont autant de bonne humeur ?” Parce qu’ils sont chrétiens, parce qu’ils veulent se mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Parce qu’ils veulent suivre les commandements du Seigneur.
Voilà les deux raisons pour lesquelles nous suivons les commandements de Dieu.
II – Mettre en cohérence notre cœur et nos actes
Jésus s’adresse aux Pharisiens. Les Pharisiens sont des Juifs qui ont choisi d’être particulièrement attentifs dans leur respect des commandements. Tellement attentifs que ça pose un peu problème, parce qu’il y a une petite tendance à croire que c’est suffisant. Et Jésus va souvent les reprendre, pour cela ! En leur disant : “Attention ! Cela ne suffit pas de respecter le commandement”. D’autant plus que lorsque l’on respecte bien un commandement, on a une petite tendance à ajouter un regard de mépris sur celui qui ne le respecte pas. Alors Jésus ne leur dit pas : “arrêtez de suivre les commandements !”. Jésus leur dit : “ça ne suffit pas ! Dieu ne veut pas que vous vous limitiez à suivre le commandement, à obéir à la règle, mais que vous y mettiez votre cœur !” Quand vous êtes invités à faire l’aumône, que ce ne soit pas un geste que vous fassiez, mais que vous donniez, avec cet-argent-là, que vous donniez votre cœur ! Quand vous vous laver les mains, que ce ne soit pas qu’un signe. Mais que vos mains soient vraiment propres, et surtout, que votre cœur soit propre.
Alors cette ritualité des Pharisiens, qui peut tomber dans le pharisianisme, Jésus la secoue et insiste : “il est important d’être cohérent entre ce que vous faîtes et ce que vous êtes”. En fait, Jésus nous invite à une certaine unification, à mettre en cohérence nos actes et notre cœur. On appelle cela aussi purification. Être pur. Vous savez, en chimie, un corps pur, c’est un métal ou une matière où il y a une seule sorte d’atome. Un bloc de fer, c’est un corps pur parce qu’il n’y a que du fer. Eh bien un cœur pur, c’est un cœur où il n’y a que de l’amour. Et donc nous sommes invités à faire le tri, dans nos cœurs, à écarter ce qui n’est pas l’amour. Alors les rites vont nous aider à cela. Mais l’essentiel n’est pas le rite. L’essentiel, c’est le cœur qu’on y met.
En étant dans cette cohérence entre ce projet de Dieu pour nous qui veut notre joie et notre bonheur, et ce que nous, nous allons faire pour le recevoir, en entrant dans cette cohérence, nous serons alors pleinement aptes à recevoir le don de Dieu. Et c’est ce que nous dit saint Jacques, dans la deuxième lecture. Il nous invite à recevoir les dons parfaits qui viennent du Père des Lumières, qui fait de nous ses enfants.
Il nous faut accueillir ce cadeau de Dieu. Il fait de nous ses enfants. Et donc, nous sommes invités à Le regarder comme un père, un vrai père. Meilleur que tous les pères de la terre d’ailleurs ! À accueillir la parole semée en nous et à la mettre en pratique. Alors oui, en vérité, c’est un peu difficile. Et il faut prendre une décision. Et cette décision d’accueil de la Parole de Dieu ne peut se prendre qu’en donnant un peu de temps. Je viens de passer trois jours dans un carmel. Au carmel de Mazille, en Saône-et-Loire, avec les confirmands. Et pendant ces trois jours, on a rencontré ces carmélites qui dans leur vie, dans leur règle, ont choisi de donner une heure d’oraison le matin, de prière en silence, et une heure d’oraison le soir. Cette oraison, cette prière en silence, c’est justement d’être là, simplement. D’ouvrir son cœur… Peut-être de s’ennuyer un peu, peut-être d’avoir l’esprit qui part à droite et à gauche, peut-être même s’endormir ! Mais être là, en ramenant son esprit sur ce qui compte vraiment, c’est-à-dire Jésus, et se laisser tranquillement, lentement, patiemment, transformer par Lui. Purifier par Lui ! Unifier par Lui ! Et une fois que nous faisons vraiment cet effort d’accueil de la Parole de Dieu, d’accueil de Dieu tout entier qui nous est donné, Esprit et Vie, alors, nous devenons comme des sources. Nous devenons aptes à porter cet Amour de Dieu au monde, à tous ceux qui sont autour de nous. Mais cela ne pourra se faire que si nous prenons cette décision comme un acte d’amour : “Seigneur, je veux Te donner un peu de temps et je veux me mettre en position de réception ; je veux déployer ma parabole !”. Et le Seigneur, n’en doutons pas, agit en nous. Et quand Il agit en nous, Il nous transforme en Lui. Et Il nous rend capable de faire ce pour quoi nous sommes faits : aimer !