Homélie de la solennité de la Sainte Trinité, année B, 27 mai 2018
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la transcription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après transcription.
I – Le Christ envoie baptiser
La Sainte Trinité ! Au siècle dernier, on avait une critique courante contre ce terme parce que « ça n’apparaît pas dans l’Évangile ». Et on pourrait se dire que puisque ça n’apparaît pas dans l’Évangile, ce n’est pas vraiment la Parole de Dieu. Et que c’est peut-être un concept trop difficile pour nous. Peut-être qu’il faudrait se simplifier un peu la vie. Pourquoi parler de la Sainte Trinité ?
Et pourtant, cette idée de Sainte Trinité, c’est s’intéresser au cœur de Dieu Lui-même. À son intimité. Et c’est une réalité importante, puisque Jésus Lui-même demande comme dernier ordre à ses disciples, à ses apôtres, Il leur dit : « de toutes les nations, faîtes des disciples. Plongez-les dans l’intimité du Père, et du Fils et du Saint-Esprit ». “Plongez-les dans le cœur de la Sainte Trinité”. C’est cela que ça signifie. « Baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit »… Chaque fois que nous baptisons un enfant, un adulte, chaque fois que nous nous rappelons de notre propre baptême, c’est l’occasion pour nous de nous rappeler que nous sommes plongés dans le cœur de Dieu Lui-même, Dieu trine.
II – Dieu Amour
Mais pourquoi avoir ce sujet-là, qu’est-ce que cela signifie ? Vous savez qu’à la fin de la Bible, quasiment un des derniers textes du Nouveau Testament, on a ce dévoilement de Dieu. Il se présente par la voix de saint Jean, qui écrit : « Dieu est Amour ». Et ça, on ne s’en rend pas bien compte de nos jours, mais c’est une bombe nucléaire ! C’est quelque chose de tout-à-fait nouveau. Si Dieu est Amour, c’est que l’Amour, pour Lui, n’est pas qu’une qualité qu’Il pourrait donner à certains et ne pas donner à d’autres. “Toi je t’aime ; toi je ne t’aime pas !” Non. Dieu n’a pas de l’amour, Il est Amour. Autrement dit pour Lui, vivre, c’est aimer.
Dieu aime et Il ne sait faire que cela. Dieu m’aime. D’ailleurs, c’est quelque chose sur lequel je peux m’appuyer. Si je me sens abandonné, mal-aimé, aimé de personne, il y a au moins Dieu qui m’aime. Il m’a créé, donc Il sait ce que je suis. Il me connaît par cœur et Il m’aime ! Librement. Gratuitement. Et Il veut mon bien et ma joie.
Il y a beaucoup de religions du monde qui ont réussi à penser un Dieu unique. Et ils ont raison : nous aussi nous croyons à un Dieu unique. Mais ils refusent absolument toute idée de trinité. Nous le savons… Vous connaissez cette religion qui nous traite de polythéistes puisque nous croyons à trois dieux ! Nous leur répondons : “non”. Nous croyons bien en un Dieu unique. Mais notre Dieu est Amour. Et cela signifie qu’il va falloir expliquer, comprendre comment avant que toute création soit, quand Dieu était seul, comment Il pouvait aimer. Parce que pour aimer, il faut être au moins deux ! Et donc, nous découvrons, parce que Jésus nous le révèle, parce que Jésus qui est Dieu et qui se présente comme tel lorsque Thomas lui dit : “mon Seigneur et mon Dieu”, Jésus ne lui dit pas : “tu te trompes”, au contraire ! Jésus nous parle de son Père, de qui Il a tout reçu et qui est Dieu Lui-même. Et Il nous parle de l’Esprit qu’Il nous envoie, et cet Esprit qui viendra, qui est aussi Dieu. Qui procède du Père, a-t-on entendu dans l’évangile dimanche dernier.
III – Nous, à l’image de Dieu
Dieu, de toute éternité, aime. Et Il aime et Il se donne totalement. Il ne retient rien ! Et le don qu’Il fait, cela nous constitue comme Père. La définition de celui qui est père, c’est celui qui se donne. Et c’est sa manière d’aimer. En Dieu, il y a aussi celui qui reçoit. Et le fait de recevoir, c’est ce qui le constitue comme fils. C’est la définition du fils. C’est celui qui se reçoit. Le Père donne tout ce qu’Il est. Et Il le donne pour la joie et le bonheur du Fils qui se reçoit tout entier du Père. Comme le Père donne tout, et que le Fils reçoit tout, il y a bien évidemment aucune différence entre le Père et le Fils. Ils sont absolument un. « Le Père et moi sommes un », dit Jésus. Et cette distinction, c’est Dieu qui se donne, qui est Père et c’est Dieu qui reçoit, qui est Fils. Et le cadeau que le Père fait au Fils, on l’appelle Esprit-Saint. Et là encore, entre le Père et l’Esprit-Saint, aucune différence, parce que le Père donne tout. Entre l’Esprit-Saint et le Fils, aucune différence. Le Fils reçoit tout.
Père, Fils et Saint-Esprit, un seul Dieu ! Une seule réalité, mais qui est dans un tourbillon, un tourbillon d’amour. Je dis ce mot tourbillon parce qu’en théologie, on emploi un mot grec qui est périchorèse, et qui veut dire “tourbillon” justement. Une sorte de dialogue constant : “je me donne à toi et je te reçois”… Tiens ! ça nous dit quelque chose puisque c’est la parole même que l’on se dit le jour du mariage : “je me donne ; et je te reçois”.
« Dieu est Amour ». De toute éternité. Et Il nous crée à son image, d’où l’importance de méditer sur cette Trinité divine. Si nous sommes à son image, nous sommes invités à faire comme Lui, cet acte de paternité. De paternité à la manière de Dieu qui englobe bien évidemment à la fois notre paternité humaine et notre maternité humaine. Et du coup, c’est la providence qui nous permet de fêter aujourd’hui cette Sainte Trinité, qui est aussi fête des mères d’ailleurs.
Nous pouvons méditer sur cette manière de donner la vie, parce que c’est la caractéristique du Père. Du Père qui crée, qui donne sa vie pour la joie et le bonheur de ceux qu’Il aime ; N’est-ce pas la définition même d’une maman.
Pour nous aussi, chacun, il s’agit d’être fils. Enfant. De se recevoir. De se recevoir de ce que nous sommes, d’un autre qui est le Père. Qui est aussi de celui que l’on aime. Parce que aimer en donnant, cela on le perçoit assez facilement. Mais on aime aussi en recevant. En recevant l’autre tel qu’il est, avec ses limites et ses forces. Ses qualités et ses défauts.
Et puis, si nous sommes à l’image de Dieu, nous sommes aussi comme l’Esprit-Saint. Et c’est bien ce que nous dit Jésus finalement. Il nous envoie. Et l’Esprit-Saint, sa caractéristique, c’est d’être envoyé. Nous sommes invités à être dans le monde comme l’Esprit qui donne vie au monde.
Nous sommes faits à l’image de Dieu et donc nous sommes faits à l’image de Dieu Trinité. Et donc à l’image du Dieu Amour. Rappelons-nous notre baptême, lorsque l’on nous a donné par la main de notre parrain, on nous a donné un petit cierge allumé au grand cierge pascal. Nous sommes chargés de rayonner de l’amour-même de Dieu dans notre monde. Voilà ! Déjà ici ; et puis en dehors.
Je conclue avec cette petite parole que Jésus nous dit. Son dernier mot : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde ». Et nous savons bien que quand le Fils est avec nous dans l’eucharistie, c’est tout Dieu qui est présent. Nous savons bien que quand l’Esprit-Saint vient en nos cœurs, dans notre prière, lorsque nous nous mettons à l’écoute de la parole de Dieu… c’est tout Dieu qui est présent. Et quand Dieu est présent en nous, eh bien c’est le Saint-Esprit qui prie en nous. C’est le Fils qui prie en nous et qui s’adresse au Père en l’appelant “abba, papa, père !”.