Mercredi des Cendres : en route !
Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après retranscription.
I – Le carême, comme un voyage
À midi je posais la question aux enfants : “quel jour est-on ?” Ils ont su répondre : “on est le mercredi des cendres”. “et qu’est-ce que c’est que le mercredi des cendres ?” : ils ont encore su répondre : “c’est le début du carême”. “Et qu’est-ce ce que c’est que le carême ?” Alors il y en a un qui m’a répondu : “quatre semaines”. Alors ça ne marche pas… Quarante jours ! Quarante jours d’un voyage. En fait, nous commençons un voyage. Un peu comme les Hébreux qui ont quitté l’Égypte et qui en ont pris, eux, pour quarante ans avant d’arriver en Terre Promise. Nous prenons la route… jusqu’à Pâques, – qui est bien notre Terre promise, – qui est bien le lieu que nous attendons, – qui est la victoire, la victoire de la vie sur la mort, la victoire du Christ sur le mal, – qui est la Résurrection.
Finalement notre carême, c’est comme un résumé de toute notre vie. Notre vie, à la fin, nous allons mourir, voir Dieu face-à-face et ressusciter. Pendant notre carême, nous allons vivre, nous allons mourir avec le Christ le Vendredi Saint et nous allons ressusciter avec Lui, en essayant de le contempler.
Alors qu’est-ce qu’on fait pendant ce carême, pendant ce voyage, eh bien on essaie de regarder et de suivre le Christ. Le matin, aux Laudes, on chante le psaume invitatoire et pendant le carême le refrain de cet invitatoire c’est : « les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu ». « Les yeux fixés sur Jésus-Christ, entrons dans le combat de Dieu ». C’est bien un appel, c’est bien ce que nous voulons commencer aujourd’hui.
II- Ce qu’il faut prendre, ce qu’il faut laisser
Alors comment vivre ce voyage le mieux possible ? On va continuer notre métaphore… Si on veut partir en voyage, surtout un voyage que l’on va faire avec nos pieds, il vaut mieux prévoir sa valise, son sac. Et dans son sac, on va prévoir ce qu’il nous faut emmener et ce qu’il nous faut laisser. Parce que ce serait terrible de ne pas en avoir assez et ce serait aussi terrible d’en avoir trop, car on est sûr de pas arriver au bout, dans un cas comme dans l’autre. Alors qu’est-ce qu’on va prendre avec soi ?
Eh bien on va écouter le Christ qui nous parle aujourd’hui dans l’évangile. Il nous invite à l’aumône, Il nous invite à la prière et Il nous invite au jeûne. Et Il nous explique qu’il y a quand même une manière qui est meilleure que d’autres, pour vivre ces trois éléments.
L’aumône, c’est le rapport aux autres. Il faut que j’emmène les autres avec moi.
La prière, c’est le rapport à Dieu. J’ai besoin d’avoir Dieu dans mon sac-à-dos avec moi.
Et le jeûne, c’est le rapport à moi-même. J’ai besoin aussi, d’être vraiment présent.
Alors après, dans quel ordre il faut les prendre ? Jésus nous le donne : l’aumône, la prière, le jeûne. Peut-être qu’on peut les voir dans l’autre sens, ou même dans le troisième sens.
III – Trois relations
On peut peut-être commencer par le jeûne, d’abord. Pourquoi le jeûne ? Le jeûne, c’est : acquérir un peu de maîtrise de soi, être capable de se commander. C’est toujours difficile. Et peut-être même encore plus de nos jours, dans notre société, où on a tellement l’habitude d’avoir tout, tout de suite. Le jeûne, ça nous force à ‘ne pas avoir’, à faire l’expérience d’un manque, avec une petite particularité, c’est que si c’est bien le nécessaire dont on se prive, – on se prive de nourriture -, en même temps, on se rend compte qu’il n’y a pas mort d’hommes. Que ce nécessaire-là, on arrive à s’en passer. Peut-être, ça nous permet de fixer les yeux sur un autre nécessaire, encore plus indispensable.
Et c’est ce deuxième point, « quand vous priez ». Cet autre nécessaire, c’est Dieu lui-même, – à qui nous le demandons dans le Notre-Père -, « donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Notre prière, c’est cela. Et quel est le pain dont on a besoin par excellence ? On abordera la question le dimanche qui vient, avec les tentations du Christ. Ce pain dont nous avons absolument besoin, c’est SA Parole. Cette Parole qui vient vivre au milieu de nous, qui est Jésus Lui-même et qui se donne encore une fois tout à l’heure dans l’eucharistie. Ça, c’est le pain dont nous ne pouvons pas nous passer, dont nous ne pouvons pas jeûner. Prière : relation à Dieu.
Et enfin, l’aumône. L’aumône, c’est notre rapport aux autres. C’est finalement mettre en œuvre ce pour quoi nous sommes faits, là, aujourd’hui, maintenant, avec ceux pour qui c’est le plus difficile de le faire. Il est très difficile d’aimer ceux qui sont là près de moi. Vous êtes d’accord je pense. Aimer celui qui est très loin et qui m’embête jamais, c’est facile. Aimer celui que je dois supporter à chaque instant, c’est un combat. Et cette aumône-là, c’est deux choses : c’est à la fois supporter celui qui est là et puis faire de l’autre qui est un peu plus loin un proche ; Devenir le prochain de celui qui est là, le pauvre qui mendie… accepter de l’accueillir, de le faire rentrer dans ma vie pour tisser une relation avec lui. Pour que lui puisse recevoir l’amour que je veux lui donner et pour que moi aussi je puisse recevoir son amour.
Résolution
Voilà, ces trois dimensions, ces trois relations, relation à moi-même, relation à Dieu, relation aux autres… On peut avoir un petit moyen mnémotechnique, c’est les trois P du carême. Les trois P comme Partage, Prière, Pénitence ou Pénitence, Prière, Partage. Mais du coup, si nous voulons partir en voyage et aller jusqu’à Pâques convenablement avec tout l’équipement nécessaire, eh bien il faut se poser la question : “tiens, est-ce que dans ces quarante jours, ces trois P seront honorés ?”
Alors on est mercredi, ce dimanche est le premier dimanche de la première semaine de carême, -premier dimanche de carême -, donc en fait, en ce moment, on est dans les trois jours avant le carême, donc c’est le moment de se dire : “tiens, qu’est-ce que je décide, quelle résolution –pour dire un gros mot– quelle décision ? Quelle décision de partage ? Quelle décision de pénitence ? Quelle décision de prière ?”
La paroisse fait un certain nombre de proposition, on peut en trouver aussi dans son propre cœur, dans sa famille, on peut en trouver… Mais de fait, ces trois jours qui viennent, profitons-en. Arrêtons-nous un peu chaque jour pour se dire : “tiens, Seigneur, à quoi m’appelles-tu ?” Parce que c’est ça. C’est le Seigneur qui m’appelle à faire ce petit effort sur-même, à faire ce petit effort pour la joie des autres, à faire ce petit effort dans ma relation avec Lui. Et Il m’appelle pour me donner Sa joie !
Voilà, nous partons en voyage. Notre but est clair : nous voulons entrer pleinement dans la mort et dans la résurrection du Christ et nous voulons nous équiper convenablement avec les trois P du carême.
Alors, en route.