Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après retranscription.
Pour la fête de la sainte famille, l’Église nous propose des textes qui sont pas forcément évidents. Abraham et Sarah, – je ne sais pas si vous vous rappelez de la vie d’Abraham et de Sarah -, ben c’est un peu original comme vie familiale quand même. On y reviendra. On a les figures de Syméon, un vieillard, et Anne, une veuve, ancienne aussi ; et puis de Joseph et Marie. Et ce qui fait qu’aucun des couples qui nous sont proposés ici ne semble vraiment ‘normal’.
I – Relation à Dieu
Peut-être que ce qui les rapproche d’abord, avant tout et essentiellement, c’est leur relation à Dieu. Alors on va revenir sur la relation à Dieu de Abraham. Abraham dans le texte qu’on a entendu, Dieu s’approche de lui, – c’est Dieu qui s’approche ! -, qui vient à la rencontre d’Abraham et qui lui dit : “ne crains pas. Tu auras une grande récompense”. Et là Abraham se tourne vers Dieu et lui dit : “Une grande récompense alors que je n’ai pas d’enfants. J’ai 75 ans quand même, hein !” Et Dieu lui dit : “ je te donnerai une descendance tellement nombreuse qu’on ne pourra pas la compter. Autant que les étoiles du ciel, que les grains de sable sur une plage !” Et de fait, Abraham fait confiance à Dieu. C’est ce que nous dit la Lettre aux Hébreux d’ailleurs.
Ce qui est caractéristique d’Abraham, c’est sa foi. Il fait confiance à Dieu. Il est capable d’entrer dans une relation qui n’est pas, – à l’époque d’Abraham, normalement la relation entre Dieu et l’Homme, c’est Dieu très loin et l’Homme à plat ventre -. Et là Abraham accepte d’entrer dans une relation qui est une relation de confiance, une relation de fidélité, une relation de foi.
Deuxième caractéristique de cette relation, c’est Dieu qui s’approche d’Abraham et qui lui propose une alliance. Et vous savez que pour faire alliance, il faut se considérer l’un et l’autre comme des égaux. S’il y a un déséquilibre au sein d’une alliance, bah très rapidement ça devient un protectorat, ou une forme d’esclavage. Donc là, on a une alliance, où Dieu se fait l’égal d’Abraham, où Dieu élève Abraham à son niveau.
Et enfin la troisième caractéristique d’Abraham, c’est qu’il est juste. C’est ce que nous dit encore la Lettre aux Hébreux. Juste : il faut le penser dans une relation encore. Celui qui est juste, c’est celui qui a la bonne note par rapport aux autres, celui qui est accordé. Un piano qui est juste, c’est qu’il est sur la bonne note. Donc Abraham, il est ajusté à la volonté de Dieu. Donc il est juste. Il est… comme l’écrou qui va bien sur la vis.
Alors c’est vrai pour Abraham, c’est vrai aussi pour Sarah. C’est encore ce que nous dit la lettre aux Hébreux : « Sarah, elle aussi, fut rendue capable d’être à l’origine d’une descendance, parce qu’elle pensait que Dieu est fidèle à ses promesses ». Elle pensait bien. Au moment où elle entend cette promesse, elle a 75 ans et elle aura son fils, Isaac, quand elle en aura 100 ! Donc déjà à 75 ans, c’est déjà énorme, alors à 100 ans, n’en parlons pas. Alors on a cette image d’Abraham et de Sarah qui ont une relation avec Dieu. Et en fait, on pourrait faire la même chose, le même travail sur Syméon dans sa relation avec Dieu, qui lui aussi fait confiance, qui croit que les promesses de Dieu seront tenues. C’est vrai pour la prophétesse Anne. C’est vrai pour Marie et pour Joseph.
II – Relation des époux, relation familiale.
Foi, fidélité, confiance, alliance et ajustement à Dieu.
Finalement, ces trois mots, ces trois idées, ces trois thèmes de confiance, d’alliance et d’ajustement, est-ce qu’on ne pourrait pas les utiliser pour une autre réalité ? La réalité du mariage. Est-ce que vous qui êtes mariés, vous ne vous faîtes pas confiance l’un à l’autre ? Est-ce que vous n’avez pas engagé votre foi pour l’autre ? Est-ce que vous n’avez pas choisi la fidélité ? Est-ce que vous n’avez pas fait alliance, pour être dans une relation d’égal à égal et vous engagez pour vivre un projet commun ? Est-ce que vous n’êtes pas en permanence de faire ce travail d’ajustement l’un envers l’autre ? C’est un combat ! De fait, la relation à Dieu et la relation des époux dans le mariage, elle est assez ressemblante quand même. Et vous le savez comme moi, c’est aussi pour notre côté dans le cadre de la relation avec Dieu, c’est un combat, c’est un travail permanent qu’il nous faut remettre sur le métier, et vous le savez aussi, dans le mariage, sans cesse, vous reprenez ce travail.
Et parfois on rate ! Et là encore, on peut repenser à Abraham et Sarah. Ils ont entendu la parole de Dieu. Et puis ça va pas les empêcher de se dire : “bon, puisque la promesse de la descendance, elle ne vient pas, eh bien on va mettre la charrue avant les bœufs ou je ne sais pas. On va demander à Agar de faire mère porteuse”. C’est ça, hein ! Concrètement, Ismaël, c’est un enfant issu d’une mère porteuse. Et puis, il y aura le bébé du miracle, Isaac, qui naît bien après le temps prévu pour qu’il naisse, et cet enfant-là, quand il a 13 ou 14 ans, quand Dieu le demande en sacrifice, eh bien on va aller le sacrifier. Ça montre une relation entre les époux, même au sein de la famille, avec le fils, qui est un petit peu particulière quand même. Donc les combats, les difficultés chez Abraham et Sarah, on les trouve bien.
Pour Anne, on sait qu’elle s’est retrouvée veuve après 7 ans de mariage, sans enfants. Donc là aussi, le combat, elle l’a connu. Et lorsqu’on se penche sur Joseph et sur Marie, on pourrait se dire : “voilà le couple parfait ! Ils ont été prévus de toute éternité l’un pour l’autre, par Dieu. Pour donner naissance à son fils unique, Jésus, le sauveur du monde”. Et voilà que Marie entend une chose : « un glaive te transpercera le cœur ». Et nous savons que c’est effectivement ce qui s’est passé. Donc même la sainte famille, elle a connu ses combats et ses difficultés.
Alors après avoir dépeint un tableau de la famille, du mariage… et encore, on n’a pas parlé du fils prodigue, on n’a pas parlé de…. Ou même le passage juste après dans l’évangile, où Jésus fait sa fugue. Bon. Les relations avec les enfants ne sont pas non plus naturelles dans la Bible. Après avoir dépeint un tableau un peu sombre, qu’est-ce que veut nous dire aujourd’hui cette fête de la sainte famille ?
III – C’est Dieu qui sauve
D’abord que la famille peut être sainte ! ça, c’est une bonne nouvelle ! et si elle peut être sainte, comme toute chose sur la terre qui est sainte, c’est qu’elle est sanctifiée par Dieu. C’est Dieu qui sauve. Ce n’est pas nous. Ce n’est pas grâce à moi si ça se passe bien dans mon mariage. Ce n’est pas grâce à moi si ça se passe bien dans ma relation avec mes enfants. Alors il faut que j’y mette du mien quand même ! Mais c’est pas moi qui sauve. Il faut que je laisse Dieu agir… Il faut que je lui donne une vraie place. Finalement, le but de la famille, comme de toute réalité humaine, ce n’est pas la famille en elle-même. Le but de la famille, c’est le Ciel ! Pour moi, pour mon conjoint, pour mes enfants. Et quand je suis enfant, pour mes parents et pour mes frères et sœurs. Nous sommes là, les uns les autres, pour nous aider à monter et à progresser vers Dieu. Si ce n’est pas ça le but, eh bien en fait, on se complique la vie pour pas grand-chose. Notre objectif, il est grand. Il est grand.
Et de fait, ce sera un combat que l’on vit chaque jour. Chaque jour on peut offrir notre vie, consacrer notre vie à Dieu. C’est quand même beau justement qu’on ait eu cet évangile ! Jésus est présenté au Temple. Il est consacré à son père, tout entier. Les parents le donnent ! Et Dieu le rend en échange de deux colombes. Mais en soi, ces deux colombes, c’est comme une location auprès de Dieu. “Cet enfant t’appartient Seigneur”. Alors Jésus, combien plus ! Mais nous tous, lorsque nous présentons nos enfants au baptême, c’est bien cela que nous disons à Dieu : “cet enfant t’appartient Seigneur. Il n’est pas pour moi. Il est pour Toi”.
Chacun de nous a été consacré. Nous avons été baptisé. Nous sommes consacrés à Dieu. Alors est-ce que nous acceptons pour autant de le vivre, concrètement ? Du coup, ça va impliquer que nos joies, nous les rendons à Dieu, nous les donnons à Dieu ; elles sont à Dieu, grâce à Dieu ; et que nos peines, nous sommes invités à les vivre en union avec Lui. Avec le Christ sur la croix. Avec Marie au pied de la Croix.
Quand vos enfants vous font souffrir, chères mères, pensez combien Maris a souffert en voyant son fils sur la croix. Et on pourrait parler de pleins d’autres mamans.
Alors évidemment, ce n’est pas très confortable.
Évidemment, ce n’est pas un chemin de facilité que nous sommes invités à vivre. Mais c’est le chemin de la joie. De la joie ultime, celle de la vraie joie qui nous attend pour l’éternité. Et du coup, il y aura des moments difficiles, des moments de combats, des moments où il sera peut-être plus facile de tout laisser tomber. Mais non ! Nous sommes invités à entrer dans la fidélité même de Dieu. Dieu qui ne nous laisse jamais tomber. Même quand on est insupportable.
Alors, humblement, parce que nous sommes tout petits et nous sommes faibles, très humblement, nous accueillons le cadeau que Dieu veut nous faire. C’est Sa vie et Son Amour, pour que nous puissions nous-mêmes vivre pleinement dans cet Amour.