Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale. Les titres sont ajoutés après retranscription.
I – Qu’est-ce qu’un roi ?
L’Église nous invite à solenniser le « Christ Roi ». C’est une fête relativement récente. C’est le pape Pie XI qui l’a instaurée en 1926.
Il s’agit de réfléchir quelques instants : ‘mais qu’est-ce que c’est qu’un roi ?’
L’oraison, la prière d’ouverture de la messe, nous rappelait, nous disait que c’est le Père qui est, par excellence, roi. Il est créateur. Il conduit toute chose, Il gouverne le monde. Il fait que toute chose se tient dans l’ordre. Chaque chose a sa place. Et c’est cela être roi. C’est régner, et donc gouverner, tenir toute chose dans un ordre donné. Et un ordre qui est bon évidemment ! Ça, c’est le roi dans son essence. Celui qu’on ne trouve pas sur terre.
Sur la terre, les hommes vont essayer de reproduire ce modèle divin. Il va y avoir des hommes qui seront choisis pour tenir cette place de gouvernement, cette place de tenir toute chose dans l’ordre. Et c’est nos rois à la manière humaine… les rois d’Assyrie, les empereurs grecs, les empereurs romains, les rois de France, les présidents de la République française… Tous ceux-là tiennent cette position du roi, qui gouverne, qui tient les choses à leur place.
Alors on s’est posé la question : ‘comment choisir un roi ?’ Le réflexe normal et humain, c’est : je choisis le roi parce qu’il est le plus compétent, parce qu’il est le plus apte, parce qu’il est le plus capable, parce qu’il est le plus fort, le plus beau, le plus costaud et donc on choisit… Saül ! À l’époque du prophète Samuel. Et il va régner quelques années… près de quarante ans. Et on se rend compte que c’était un mauvais choix. Parce que roi, il se met à croire que ce n’est pas une délégation qu’il reçoit de Dieu, mais il croit qu’il est roi pour lui-même. Et la tentation de l’homme, c’est ce qu’il reçoit, s’en croire le propriétaire. Et donc les actes de vénération qu’on rend au roi parce qu’il tient d’une certaine manière la place de Dieu, – il est lieutenant de Dieu -, eh bien il croit que ça lui appartient. Et donc ça ne marche pas !
II – Le roi berger
Alors on va changer, et le roi suivant sera choisi, ni parmi les plus compétents, ni parmi les plus beaux… Il était roux, imaginez-vous ! C’est David. Le huitième fils d’une famille de sept. Donc ce David, qui n’a encore rien fait… Il a même pas encore tué Goliath… Il est choisi comme roi. Pourquoi ? Son métier nous indique peut-être quelque chose. Il est choisi, il est pris de derrière son troupeau, ce petit berger. Et on lui confie la même mission auprès des hommes. Quelques années plus tard, on aura : ‘vous étiez des pêcheurs de poissons, je ferai de vous des pêcheurs d’hommes’. Eh bien, David, il a entendu : ‘tu étais un berger pour des brebis, tu deviens un berger pour des hommes et tu vas occuper cette place de berger’. Autrement dit : tu vas prendre soin du troupeau ; tu vas te mettre au service du troupeau pour sa joie et son bonheur. Vous savez, un berger, s’il essaie de s’asseoir sur son caillou et qu’il essaie de se faire servir par ses brebis, ça risque de ne pas marcher. Le berger, il se fatigue pour ses brebis.
David sera un bon roi, – à ce titre-là, un serviteur de son peuple -, même s’il y aura quelques tentations, quelques tendances à vouloir lui aussi, accaparer la mission qu’il a reçue. Mais après lui, c’est pas top ! Les rois qui se succèdent, très vite, ont ce réflexe de croire que finalement, ils méritent d’être roi.
Et c’est la parole d’Ézéchiel que l’on a entendue, où Ézéchiel, pendant cet exil, alors que le peuple n’a plus de rois, plus de temples, plus de prêtres, plus rien, Ézéchiel relaie la Parole de Dieu, où Dieu promet au peuple d’être lui-même le berger du peuple : « c’est moi qui ferait paître mon troupeau. C’est moi qui le ferait reposer. La brebis perdue je la chercherais, l’égarée je la ramènerais, celle qui est blessée je la panserai, celle qui est malade je lui rendrai des forces et celle qui est grasse et vigoureuse je la garderai’ ».
Dieu Lui-même, qui est le Roi, par essence, choisit de venir à notre rencontre pour se faire notre berger.
Et nous savons quand cela se met en œuvre. Le Roi, c’est le premier messie. Avec le prêtre et le prophète, c’est ceux qui sont choisis de Dieu, ceux qui sont huilés ! Messie, Christ, cela veut dire ‘huilé’, qui a reçu l’huile, qui a reçu une mission, Il est choisi. Et le Messie par excellence, c’est Jésus. Jésus, qui devient de façon plénière prêtre, prophète et roi. Alors on regarde Jésus et on lui dit : ‘bon alors ! – on pourrait faire comme Pilate -, alors, Tu es Roi ?’ Et Jésus lui dit : « tu le dis ». ‘C’est vrai. Tu as raison. Je suis Roi’. Mais un Roi qui met un peu par terre toutes nos conceptions de la royauté. Parce qu’Il applique ce qui avait été demandé à David et que David avait essayé petitement de mettre en œuvre, Jésus le met en œuvre pour de vrai. Il se fait le serviteur de ses frères. Il se fait le petit qui vient donner Sa vie pour ses brebis.
Effectivement, le trône du Christ, c’est la croix. L’action du Christ, c’est de donner Sa vie. Alors, Il est Dieu, fils de Dieu. Et à ce titre-là, Il a droit à toute notre adoration, à tout notre amour. Et Il est roi pleinement, parce que Fils de Dieu et donc héritier du Père. Mais cette royauté, Il a choisi de la mettre en œuvre de cette manière toute particulière, qui est la manière divine. Tel un berger, mais un berger qui donne sa vie.
III – Participation à la royauté du Christ
En dernier point, je veux nous faire réfléchir un tout petit peu à un point essentiel : c’est que nous sommes ici baptisés. Nous sommes par le baptême connectés au Christ, membres du corps du Christ. À ce titre-là, nous sommes unis au Christ, prêtre, prophète et roi. Nous sommes appelés à être appelés comme Jésus roi, avec Jésus roi.
Et donc au service.
C’est un cadeau immense qui nous a été fait, ce cadeau de grâce. Il s’agit aussi de participer à cette royauté du Christ en posant des actes en réponse à ce cadeau. Des actes qui sont des actes d’amour plénier et qu’on a bien entendu dans l’évangile. Des actes d’Amour. Et Jésus dans cet évangile, le Fils de l’Homme, c’est Lui ! Il est l’Homme, par excellence. L’Homme, tel que Dieu l’avait prévu de toute éternité. Un homme qui est absolument à sa place, dépendant absolument du Père, et ayant reçu du Père le gouvernement, la tenue dans l’ordre de toute chose. Et Il reviendra. Il viendra dans la Gloire. Et à ce moment-là aura lieu un jugement.
Un jugement
Un jugement qui nous est présenté comme le Jugement des Nations, autrement dit de tous les Hommes, sans exception. Ce n’est pas le jugement des baptisés, ce n’est pas le jugement des catholiques, c’est le jugement des Nations, de tous les Hommes. Et, le mot jugement en grec, ça se dit krisis. On entend le mot en français, la crise. Ça signifie le discernement, le découpage, la séparation. Il s’agit de discerner le bon du mauvais, c’est toujours un moment douloureux. Le juge fait un discernement : ‘Et il placera les brebis à sa droite et les boucs à sa gauche’. On pourrait se dire : ‘les brebis, c’est les cathos ; les boucs, c’est les autres’. Allez, soyons plus cool : ‘les chrétiens c’est les brebis. Et les autres ?’ Non. C’est pas comme cela que se fait la distinction. Parmi les brebis, il y aura des chrétiens, et il y en aura plein d’autres. Parmi les boucs, il y aura plein d’autres et il y aura malheureusement… beaucoup de chrétiens.
Le discernement, il est sur les actes que nous aurons posés. L’acte d’amour que nous posons, c’est un moyen d’être ouvert. D’être ouvert à recevoir Dieu, à recevoir l’Amour de Dieu. À vivre ce pour quoi nous sommes faits : être aimés et aimer à notre tour. Refuser de poser ces actes ou les ignorer, ou être indifférent, c’est se fermer à cet Amour, se fermer à faire ce pour quoi nous sommes faits. Et à choisir finalement, un isolement. C’est pas Dieu qui nous jette dehors… c’est très intéressant : ‘venez les bénis de mon Père’. Qui sont les bénis du Père ? Tous les hommes, sans exception aucune. ‘Allez-vous en maudits !’ Maudits de qui ? Pas de Dieu. Celui qui est maudit, c’est celui qui n’accueille pas la bénédiction du Père.
Il s’agit pour nous de nous positionner. Nous sommes invités à choisir, à poser un acte libre. Nous sommes invités à nous engager. Aujourd’hui, que voulons-nous ? Nous satisfaire de notre confort quotidien ? ‘C’est bon. Je n’ai pas tué, je n’ai pas volé ! J’ai rien fait de mal’’. Et puis, on ne va pas chercher plus loin. Ou est-ce que je décide de mettre l’Amour dans ma vie, au sens le plus plénier : Dieu Lui-même. C’est là qu’est notre choix ! Et ça tout homme est appelé à le poser parce que tout homme est créé de Dieu et aimé de Dieu et nous avons tous, baptisés ou non baptisés, au cœur cette perception de ce qui est bon, de ce qui est juste, de ce qui est vrai, de ce qui est beau… et de ce qui ne l’est pas. Si nous sommes baptisés, nous avons un cadeau tout particulier qui nous met d’autant plus responsables… Si Jésus dit cette parabole à ses disciples, c’est bien pour leur dire : ‘si tous sont appelés à ce choix : combien plus vous !’
Et nous sommes appelés, nous, en plus, à témoigner. À alerter les hommes, nos frères, pour leur dire : ‘attention, nos actes d’aujourd’hui nous engage pour l’éternité’.
Au final, c’est une bonne nouvelle que nous annonce le Christ. C’est une bonne nouvelle parce que ce qu’Il nous dit, c’est que nous pouvons, avec sa grâce, vivre dans un amour plénier, et alors, choisir la vraie vie, choisir le vrai amour et ainsi, obtenir la vraie joie.