Par l’abbé Gaël de Breuvand
Il s’agit de la retranscription d’une prédication orale, c’est pourquoi le style reste familier. Les titres sont ajoutés après retranscription.
Le Seigneur, quand Il nous parle aujourd’hui, c’est pour nous bousculer un peu… et ça marche ! Ça nous bouscule. Alors, on va essayer de faire un petit tour dans ces lectures, pour méditer un peu.
I – « Tant que le Seigneur se laisse trouver »
Tout d’abord, une première phrase, qui pourrait nous interroger déjà dans cette première lecture du prophète Isaïe : ‘cherchez le Seigneur tant qu’Il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu’Il est proche’. La formulation pourrait nous laisser croire qu’il y a des moments où Dieu est proche, et qu’il faut se dépêcher de se mettre en connexion avec Lui, parce qu’il y a un risque : à un moment, Il ne sera plus proche. Mais on lit la Bible en entier, pas seulement un verset qui serait en stase au-dessus de nous. Et on sait que le Seigneur, Lui, est toujours proche. Et donc nous sommes invités à être toujours prêts à nous rapprocher de Lui, à avancer vers Lui, à le trouver effectivement. ‘Cherchez le Seigneur tant qu’Il se laisse trouver’, vu qu’Il se laisse toujours trouver, cherchons-le. Ça, c’est la première idée. Une idée qui nous permet de ne jamais désespérer. Même si l’on se sent loin de Dieu, même si l’on se sent loin de tout, même si l’on a l’impression d’être peu de chose, Dieu, Lui, se laisse trouver.
Et on le voit bien dans l’évangile que l’on a entendu, le maître de la vigne sortit pour appeler des ouvriers. Il le fait de bon matin, Il le fait à 9h, Il le fait à 11h, Il le fait à 3h, Il le fait à 17h… Il ne cesse de sortir pour venir à notre rencontre. Et donc, à nous d’apprendre à Lui répondre, à entrer dans cette quête de Dieu.
La deuxième idée de cette première lecture, qui est clé, qui va nous permettre d’ouvrir un peu nos cœurs : ‘mes pensées ne sont pas vos pensées. Vos chemins ne sont pas mes chemins. Mes chemins sont élevés au-dessus de vos chemins, mes pensées au-dessus de vos pensées’.
II – C’est justice !
Cela nous interpelle directement sur cet évangile, où le maître de la vigne embauche ses ouvriers, se met d’accord sur un tarif. Un denier ! En fait, un denier, à l’époque, – Ier siècle, on est dans l’empire romain -, un denier, c’est le tarif haut pour une journée de travail. Un ouvrier, il est payé entre un demi-denier et un denier. Donc un denier, c’est pas mal. C’est normal pour un travail qui est un peu difficile. Et donc il se met d’accord avec ses ouvriers ; il les envoie à Sa vigne. Et ses ouvriers vont travailler tout le jour. Pour la vigne du Seigneur, ils vont produire un bon vin. Et puis, ensuite, quand Il recrute les suivants, il leur dit : ‘je vous donnerai ce qui est juste’. Je vous donnerai ce qui est juste. Ce qu’Il va leur donner, on le sait. Et alors on peut dire que ce n’est pas un très bon gestionnaire de ressources humaines : Il convoque les ouvriers, en commençant par le dernier, de telle sorte à ce que le premier voit. Et Il donne au dernier, un denier. C’est juste ! Pourquoi c’est juste ? Parce que c’est ce qui est nécessaire pour vivre. Donc, c’est bien juste. Et Il donne au premier qui a commencé à travailler en dernier, un denier aussi. Et c’est juste aussi. C’est juste en soi. Parce que c’était le tarif auquel ils s’étaient mis d’accord ; c’est le tarif qui est nécessaire pour vivre.
III – récrimination
Alors pourquoi, nous tous, lorsqu’on entend cette parabole, on fait comme les premiers à travailler, on récrimine. Alors là, on est des champions de la récrimination. Récriminer, – vous savez ce que c’est : le peuple dans le désert a récriminé -, on récrimine pas mal quand même. Il y a quelques semaines, j’étais en Terre sainte avec quelques-uns d’entre nous, et en Terre sainte, il y a des moments un petit peu plus difficiles : il fait très chaud, tout ça… et les menus sont pas très variés… Et on se trouve tous là, – on est tous chrétiens -, on est tous là pour suivre le Christ dans Son pays… eh ben on récrimine. La cause première de la récrimination, c’est qu’on est incapable, ou du moins on a une grande tentation : on a du mal à se réjouir pour ce qu’on a. Celui qui a travaillé toute la journée et qui reçoit un denier, c’est juste ! Il pourrait se réjouir pour cela. Il devrait se réjouir pour cela. C’est ce que lui dit le maître, d’ailleurs. ‘N’as-tu pas été d’accord avec moi pour un denier ? Prends ce qui te revient, réjouis-toi pour ça’.
Ce qui nous empêche de nous réjouir de cette manière-là, c’est qu’on a une petite tendance à lorgner dans l’assiette du voisin quoi. Une forme de jalousie. Une forme d’envie. Qui finalement rend triste qui ? Bah nous-mêmes ! La première victime de cette jalousie et de cette envie, c’est nous-mêmes ! Alors on se donne la solution : quand on le lit, c’est facile. Après, le traduire en acte dans notre vie, au quotidien, c’est parfois un peu plus compliqué. Mais là, est-ce que le premier à travailler, n’aurait-il pas dû se réjouir pour celui qui n’avait pas trouvé d’embauche ? Et qui, grâce à la bonté du maître, va pouvoir nourrir sa famille ? Parce que s’il avait eu 1/5e de denier ou 1/11e de denier, – puisque c’est l’ouvrier de la onzième heure -, s’il avait eu 1/11e de denier, il n’aurait même pas eu de quoi acheter du pain pour la famille, même pour lui-même. Alors au lieu de se réjouir, nous, – voilà !-, on a cette tendance à regarder dans l’assiette du voisin et à dire : ‘ah, il a été mieux servi que nous !’. Alors que nous sommes bien servis.
Alors c’est un appel. C’est un appel que nous fait le Christ à la conversion. Au changement de cœur… À apprendre à éclaircir notre regard. À lever ce voile qui nous empêche de nous réjouir quand l’autre trouve joie et bonheur. Notre regard n’est-il pas trop souvent mauvais ? Alors le Christ nous secoue, nous bouscule, et nous appelle à convertir notre regard. À le faire changer de sens.
IV – Réjouissons-nous de ce que nous recevons
Et je vais conclure avec ce texte de saint Paul. Ce texte de saint Paul, il nous explique pourquoi nous avons à nous réjouir de la joie de l’autre. Pourquoi nous n’avons pas à jalouser, à avoir ce regard d’envie, mortifère, qui nous isole, sur la joie de l’autre. C’est qu’essentiellement, nous sommes faits, pour le Christ, pour le Ciel, pour la vraie joie. Et qu’est-ce qui est essentiel dans notre vie ? Ce n’est pas d’avoir plus ou moins que l’autre. C’est d’avoir… la joie !
C’est saint Jean de la Croix qui nous explique, – il a une petite parabole -, il nous explique que chacun de nous, sur la terre, on est des sortes de vases. Alors il y a des petits vases, et il y a des grands vases. Il y a des dés à coudre, des seaux à champagne et il y a des grandes réserves d’eau. Chacun de ces vases est fait pour être plein. Et donc le dé à coudre, il accomplit ce pour quoi il est fait quand il est plein. Le seau à champagne accomplit ce pour quoi il est fait quand il est plein et de même la cuve de 10 000 litres. Si nous jetons sans cesse un regard sur le voisin en disant : ‘wouahou, il est mieux que nous’… Alors, déjà, si le dé à coudre jette un regard sur le seau à champagne en disant : ‘j’aimerais bien en avoir autant’. On se rend bien compte que ça ne marche pas ! Il n’est pas fait pour ça. Le tout c’est qu’il soit plein, lui, comme dé à coudre. Et si le seau à champagne se dit : ‘j’envie le dé à coudre parce que lui, il est plein, et pas moi’. Eh bien on pourrait en mettre beaucoup des dés… Voilà, ça suffit pas quoi ! Dans tous les cas, on se rend compte avec cette petite image que finalement, ce regard d’envie, il est bien souvent un peu ridicule, quoi. Alors peut-être que c’est ça notre première mission, c’est de nous regarder nous-mêmes, et d’en rire. Voilà… nous sommes un peu ridicules.
L’essentiel pour nous, c’est d’être scotchés au Christ, accrochés à Lui. Notre vie, notre vie, l’essentiel de notre vie, c’est que Dieu vive en nous, que l’Esprit saint soit en nous, qu’Il nous remplisse pleinement. Du coup, on va relativiser tous les conforts ou les petits bonheurs matériels terrestres. Par contre nous prenons cette décision que nous seuls pouvons prendre. C’est d’accueillir l’Amour de Dieu dans nos vies et… de le répandre autour de nous. Il n’y a que nous qui pouvons le faire. Et nous savons que le Seigneur, Lui, Il vient. Et aujourd’hui, maintenant, Il vous appelle, Il nous appelle, chacun. Il nous appelle à venir travailler à sa vigne, à nous laisser remplir de son Amour,
Que l’on ait trois mois, six mois, un an – après la messe, il y aura quelques baptêmes -, ou que l’on en ait 98, je suis appelé maintenant, et c’est maintenant qu’il me faut aller travailler à la vigne du Seigneur.