Par l’abbé Gaël de Breuvand
Les titres sont ajoutés après retranscription, c’est pourquoi le style reste familier.
Nous avons entendu la semaine dernière la première parabole du Royaume. Ce Royaume qui est semblable à un semeur qui est sorti pour semer. Et ce semeur, c’était le Christ. Aujourd’hui, nous entendons encore une parabole où le Royaume des cieux est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Et cet homme, – c’est Jésus qui nous le dit -, c’est le Fils de l’Homme ; c’est le Christ Lui-même !
L’action du diviseur, dans nos cœurs !
Mais voilà, quand le Christ agit, quand le Christ sème sa Parole, non seulement la qualité de la production va dépendre de la qualité du terrain que nous sommes, mais en plus, un ennemi peut intervenir. Cet ennemi, Jésus le nomme, c’est le diable. Di-able, en grec, cela signifie celui qui divise. Celui qui divise…Un bon indice, hein ? Quand il y a de la division, le diable est présent. Et quand il y a de l’unité, le Christ est présent.
Et ce diable, cet ennemi, il sème de l’ivraie et en grec, l’ivraie ça se dit ‘zizanion’, zizanie. Donc effectivement, s’il y a de la dispute au sein de nos communautés, s’il y a de la dispute au sein de nos familles, ce n’est pas un fruit de l’Esprit, ce n’est pas l’œuvre de Dieu. En lisant cette parabole et son explication par Jésus, on a une petite tendance à croire que le bon grain, ce serait, – tiens ! -, pourquoi pas nous-mêmes, et que la zizanie, – l’ivraie -, ce serait d’autres. Mais il nous faut lire avec les yeux du cœur et découvrir notre propre expérience et nous savons bien qu’en réalité, bon grain et ivraie se trouvent tous deux dans notre cœur.
Et que donc, le moment du jugement, – Ce que Jésus annonce à la fin de l’évangile -, ce moment du jugement est d’abord ce moment où Dieu, en nous, va faire le tri. Ce n’est pas nous qui sommes chargés de trier. Ce n’est pas nous qui sommes chargés d’extraire l’ivraie de notre cœur, et encore moins d’extraire l’ivraie du cœur du voisin. Nous, nous sommes chargés de nous laisser bronzer au soleil de Dieu. Et Dieu lui-même fera le tri. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive.
C’est tellement vrai, que finalement, même nos faiblesses deviennent comme un instrument de la Providence de Dieu. À travers l’ivraie qu’il y a en nous, Dieu va pouvoir déployer sa puissance et nous unifier, puisque c’est cela : face à l’action du diable qui nous divise, il nous faut nous laisser unifier par la tendresse de Dieu. Alors, ne nous attristons pas forcément de nos faiblesses, et surtout, ne désespérons pas même de ces petits ou grands péchés récurrents dont on n’arrive pas à se débarrasser.
Parce que, lorsque l’on tombe, on peut se tourner vers le Père et crier vers Lui. On devient finalement porte ouverte à l’action de Dieu.
Vouloir ce que Dieu veut
Alors nous pouvons, en vérité, prier. Prier. C’est ce que nous appelle à faire saint Paul, – vous l’avez entendu dans cette courte deuxième lecture -. Il parle aux Romains : ‘l’Esprit saint vient au secours de notre faiblesse’. Dans la lettre aux Romains, saint Paul parle largement de l’Esprit saint. Il le cite dix-huit fois. Et il montre quoi ? Que c’est un cadeau que Dieu nous donne. Dieu Lui-même. Dieu tout entier. Et que grâce à Lui, grâce à cet Esprit saint, nous allons pouvoir prier, comme il faut. Comme il faut…
Alors qu’est-ce que c’est que de prier comme il faut ? Saint Paul nous le dit. C’est vouloir ce que Dieu veut. Jésus nous l’avait enseigné dans le Notre-Père. ‘Que ta volonté soit faite’. Sur la terre, – dans mon cœur ! -, comme au ciel, comme Il l’est dans ton cœur. Et l’Esprit saint vient, nous est donné, pour que nous puissions nous mettre au diapason de la volonté divine. Que nous puissions finalement nous ajuster, tel un bon écrou viendrait s’ajuster sur le pas de vis, nous ajuster à la volonté divine. Et nous la connaissons cette volonté. C’est que chacun de nous soit sauvé, chacun de nous, soit, -comme le dit Jésus -, resplendissant comme le soleil dans le royaume de leur Père. Resplendissant comme le soleil… Voilà, c’est cela le projet de Dieu pour nous. C’est cela notre destinée. Nous sommes prédestinés à la joie et au bonheur. Dieu veut pour nous cela. Il n’y a que nous qui pouvons nous y opposer. Alors ce n’est pas notre objectif évidemment. Il nous faut nous laisser pétrir, tendrement, par ce Père, ce Dieu qui nous aime et qui nous veut du bien.
La puissance de Dieu, puissance d’Amour
Enfin, je vais revenir sur la première lecture. Dans la première lecture, c’est le livre de la Sagesse, c’est écrit au retour de l’Exil. Et on commence, dans l’histoire d’Israël, on commence à percevoir que la toute-puissance de Dieu, ce n’est pas forcément comme naturellement on aurait envie d’y penser. Naturellement quand on pense Dieu, – et toutes les religions ont cela -, quand on pense Dieu, on pense puissance. Et quand on pense puissance, on pense force, voire violence. Vous connaissez peut-être ce passage du livre des Rois, où Élie, sur le mont Carmel, fait un sacrifice au Dieu des Hébreux. Et du coup comme Élie a du succès et que les prêtres de Baal n’en n’ont pas, il élimine tous les prêtres de Baal. Pour lui, à ce moment-là, la puissance de Dieu implique sa victoire par les armes. Et il va falloir un voyage à travers le désert et une rencontre sur le mont Horeb pour que Élie fasse un progrès et découvre, découvre que Dieu n’est pas dans l’ouragan, que Dieu n’est pas dans le tremblement de terre, mais qu’Il est dans le silence subtil d’une brise légère.
C’est exactement ce que veut nous dire le livre de la sagesse. Dieu est tout-puissant, et c’est en raison même de cette toute-puissance qu’Il peut manifester sa tendresse, sa bonté, sa patience. C’est pour cela qu’Il peut prendre soin de nous. Il n’a pas besoin de manifester sa puissance, Il est puissant… Ceux qui ont besoin de montrer leur puissance, finalement, c’est qu’ils ne le sont peut-être pas beaucoup. C’est un peu notre tentation, hein… C’est un peu notre tentation. On va élever la voix, c’est le moment où on se sent en danger.
Cette puissance de Dieu, qui n’est non pas une puissance de violence, non pas une puissance pour écraser, mais une puissance de tendresse, de pardon. On l’a entendu dans le psaume encore : ‘toi qui est bon et qui pardonne’. C’est Lui, c’est parce qu’Il est bon et qu’Il pardonne qu’Il manifeste sa tendresse. C’est étant bon et en pardonnant qu’Il déploie sa puissance ; c’est en mourant sur la croix, c’est en nous donnant Sa vie, qu’Il est puissant, au sens même de la puissance de Dieu. Et nous sommes invités à entrer sur ce chemin-là. Nous sommes invités à entrer sur ce chemin-là…
Enfin, ce Dieu tout-puissant, c’est la puissance du levain dans la pâte, c’est la puissance de la graine de sénevé qui devient un grand arbre. Le levain dans la pâte, est-ce que une fois que l’on a mélangé le levain et la farine, est-ce qu’on les distingue ? Non, plus. Hein ? Et on en met bien peu du levain. Et pourtant, si on laisse reposer aux bonnes conditions de température et de pression, au bout d’un moment, ça va déborder du plat. Quelle puissance discrète ! Quelle puissance délicate ! De même, ce qui pousse, on ne le perçoit pas. Mais pourtant cela grandit. Cela grandit tant et si bien que cela peut devenir comme cette petite graine de moutarde, un bel arbuste.
Alors, oui. Dieu est tout-puissant. Et nous le proclamons dans le Credo. Mais nous savons que ce n’est pas la toute-puissance à la manière dont on aimerait bien parfois que cela soit : ‘écrase nos ennemis, arrache tout le mal du monde !’. Non, c’est la tendresse de Dieu. Un « Dieu de tendresse, de pitié, lent à la colère, plein d’amour et de vérité ». Dieu miséricorde, qui veut pour nous la vraie joie et le vrai bonheur, qui veut que nous soyons partie prenante de son projet. Qui veut que nous soyons pleinement ses Fils, nous tout entier.
Alors, pour conclure… Ces semaines d’été nous invitent, – là les évangiles que l’on entend ces jours-ci -, nous invitent vraiment à devenir comme du levain, ou comme les petites graines. C’est-à-dire que nous nous laissions planter. Que nous nous laissions faire. Quand on nous arrose, quand on nous ensoleille, nous poussons. Alors tout est là. Il faut que nous ne résistions pas à cette tendre volonté de Dieu, parce que c’est là qu’est notre bonheur et notre joie.