Par l’abbé Gaël de Breuvand
(Les titres sont ajoutés après retranscription, c’est pourquoi le style reste oral).
Si la Parole de Dieu est notre nourriture, on peut dire que nous en avons aujourd’hui eu une bonne tranche…
Il y aura trois parties, une qu’on pourrait appeler la révolte, une qu’on pourrait appeler la rencontre et une qu’on pourrait appeler l’envoi.
I – Une révolte
Le premier point c’est la première lecture. La première lecture, c’est le récit d’une révolte. Nous sommes dans le désert, le peuple hébreu – qui est devenu un peuple après avoir franchi la Mer rouge – se trouve sans eau. Et plutôt que de faire confiance à l’autorité, ils entrent en révolte ; ils sont un peu paniqués. Et dans cette panique, ils s’en prennent au gouvernement. Moïse est le gouvernement. Donc on se retourne contre Moïse et on lui dit : ‘est-ce que tu nous aurais libéré d’Égypte pour nous tuer et nous faire mourir de soif ?’ En s’en prenant à Moïse, en fait, c’est à Dieu lui-même qu’on s’en prend. Face à l’épreuve, les Hébreux ont une réaction finalement assez normale. C’est de se retourner vers Dieu en lui disant : ‘Seigneur, c’est ta faute’. C’est une tentation, une vraie tentation qui est un manque de confiance. Et d’ailleurs, la réaction du Seigneur, c’est d’accorder ce dont les Hébreux ont besoin. L’eau sera donnée. L’eau sera donnée. Elle jaillira du rocher.
On peut lire cette lecture avec une portée plus grande. Le rocher, c’est saint Paul qui nous le dit dans une de ses lettres, le rocher, c’est comme le Christ. Et l’eau, c’est le don qui est offert. Dieu est bon, en nous donnant un rocher et une eau. Une eau vive…
II – Une rencontre
C’est l’occasion de revenir sur cette rencontre entre Jésus et la samaritaine. Une rencontre dans un lieu étonnant, au bord d’un puits à midi. En fait, quand on est au bord d’un puits à midi, on ne rencontre personne parce qu’il fait trop chaud. Tout le monde est resté à l’ombre. Et là, Jésus entre en dialogue. Il s’adresse à la femme en se mettant à son niveau, en lui demandant ce qu’elle peut donner. ‘J’ai soif. Donne-moi à boire’. Et cette soif de Jésus, on la reverra plus tard, sur la croix. A nouveau Jésus dira : ‘j’ai soif’. Et si on peut en avoir une lecture immédiate, matérielle, concrète : Effectivement midi, en Samarie, il fait chaud et on a soif ; Sur la croix, Jésus, c’est certain, est complètement desséché et Il a soif. Mais les Pères de l’Église ont toujours vu en cette soif de Jésus, une demande plus spirituelle. Quand Jésus s’adresse à la Samaritaine, quand Jésus est sur la Croix, Il nous appelle, Il nous dit : ‘j’ai soif de toi. J’ai soif de ton amour, j’ai soif de ta vie’. En fait, c’est une déclaration d’amour.
Et à qui s’adresse-t-il ? Il s’adresse à une Samaritaine. Cette Samaritaine, elle est blessée dans sa vie, dans son histoire, au moins par deux éléments. Et d’ailleurs Jésus va mettre le doigt dessus d’une manière assez concrète. Peut-être douloureuse pour elle d’ailleurs. ‘Appelle ton mari – Je n’ai pas de mari – tu as raison, tu en as eu cinq et celui que tu as maintenant n’est pas ton mari’. Cette femme-là, elle est blessée dans sa relation. Alors on ne connait pas sa responsabilité, si elle est en faute. On ne sait pas son histoire. Mais on constate qu’elle est blessée. Au point qu’elle est venue chercher de l’eau, ce qui est un acte éminemment social – normalement, on va chercher de l’eau ensemble à plusieurs, plutôt le matin quand il fait frais ou le soir quand il fait plus trop chaud –, elle vient chercher de l’eau au moment où l’on est sûr qu’il n’y a personne. Une forme d’isolement. Donc sa première blessure, c’est dans sa relation avec les autres. Et sa deuxième blessure, c’est quand, – c’est intéressant –, quand Jésus a mis le doigt sur cette première blessure, la femme s’exclame : ‘je vois que tu es un prophète’. Et c’est elle qui apporte le sujet de la deuxième blessure : elle, en tant que fille de Samarie, elle a une forme de religion qui est très proche du judaïsme, très proche de la religion de Jésus et pourtant, il y a des petites différences. Et c’est elle qui aborde ce sujet. ‘Est-ce qu’il nous faut adorer sur cette montagne-ci ou bien ici, où est-ce qu’il nous faut adorer à Jérusalem ?’ Alors Jésus lui dit ce qui est, en lui rappelant que le Salut vient des Juifs. Ce sont bien les Écritures juives qui nous révèlent Dieu. Et puis, Il lui donne une réponse : C’est que l’essentiel n’est pas du lieu où l’on adore mais l’essentiel est la manière dont on donne son cœur. En fait, de quelle manière répondons-nous à Jésus qui nous dit : ‘j’ai soif’.
Elle est percutée cette femme-là par la rencontre avec Jésus : Jésus lui demande de l’eau, elle est prête à lui en donner ; Jésus lui promet une eau nouvelle et elle la veut et elle la désire. En fait, c’est intéressant de voir que chez la Samaritaine, depuis longtemps déjà, il y avait un désir de cette eau. Finalement, quelque chose, peut-être que l’Esprit Saint avait déjà travaillé en elle. Il y a des prémices qui avaient été déposés. De telle sorte que quand l’eau lui est promise, elle la veut et quand elle l’a identifié, elle est peut-être capable de laisser sa cruche, – elle n’en a plus besoin –, et de partir dire aux autres. ‘Peut-être bien que j’ai rencontré le Christ’. Le Christ, Jésus, lui a fait un cadeau ; le cadeau le plus excellent qui soit : sa Parole, son Esprit. En fait, cette femme-là, elle était comme une terre sèche. Une terre sèche qui appelle l’eau, elle a besoin de l’eau. Et quand l’eau vient, tout germe. Vous connaissez cette montagne de l’Assekrem dans le désert, en Algérie, une montagne bien sèche, après une petite pluie, tout pousse…
Et du coup cette terre sèche qui reçoit de l’eau, elle se laisse d’abord humidifier, du coup, il y a du fruit qui commence à venir – et puis si l’eau continue de venir, ça devient une source d’eau vive… Voyez, lorsque l’on met de l’eau dans la terre, au début, on a de la boue, – c’est un peu le péché qui se soulève et qu’on commence à voir. Et si l’eau continue à couler, le péché et la boue disparaissent et c’est une eau claire qui continue à couler. Je pense que c’est ce qui se passe pour cette femme-là.
III – Envoi
Et donc un envoi. L’envoi que Jésus fait est double. Alors il y a un envoi non-dit. En fait, c’est celui de la Samaritaine. Jésus ne lui dit pas : ‘va prévenir tes frères que je suis effectivement le messie’. Elle le comprend. Il y a eu un petit appel : ‘va chercher ton mari’ auquel elle n’a pas répondu. Mais maintenant elle le comprend et elle y va. Elle est envoyée. Tacitement.
Et puis, ensuite, les disciples reviennent. Et Jésus va leur faire un petit cours sur l’évangélisation, en leur expliquant que d’abord, ils doivent se nourrir de ce qui est vraiment essentiel : c’est la Parole de Dieu. Parce que la vraie vie, ce n’est pas une vie physique. Finalement de l’eau et du pain, on en a besoin pour vivre physiquement mais ce n’est pas cela d’abord, qui nous permet de vivre au sens le plus plénier du terme, c’est-à-dire d’entrer en relation. Nous sommes faits pour être en relation, pour aimer. Et donc Jésus a dit : ‘le plus essentiel, la vraie nourriture, c’est la Parole, c’est la volonté de Dieu’.
Et deuxième point, c’est cette parabole du semeur et du moissonneur. Il leur explique que lorsqu’on est missionnaire, il peut y avoir des choses, – et ça peut être vrai dans nos vies, avec nos proches –, il y a des choses que l’on dit, des choses dont on témoigne, par notre vie, par notre parole et par nos actes, nous on ne verra rien, on a l’impression que tout cela ne sert à rien. Ça, c’est l’œuvre du semeur. Et puis peut-être et ça, nous ne le savons pas et celui qui sème ne le sait pas, quelque temps plus tard, un autre viendra et lui, il n’aura peut-être qu’une toute petite parole à dire, un tout petit acte à faire, et là, comme un fruit mûr, cette âme, cette personne, tombera dans les bras du Seigneur. Voilà ! Donc nous ne pouvons pas préjuger de l’action de l’évangélisation. Et de même manière les disciples que Jésus met en garde en leur disant : ‘attention, vous allez avoir des succès, vous allez avoir des réussites. Pleins de gens croiront votre parole, mais ne croyez pas que c’est grâce à vous. Ce qui se passe, c’est parce que bien avant vous, d’autres sont venus, ont témoigné, ont aimé’. Et que peut-être il y en a un autre, qu’on ne voit pas et qui travaille au fond du cœur, qui lui a fait le principal du travail, c’est l’Esprit Saint. Cet Esprit Saint, ce Dieu-Amour qui s’est fait connaître à chacun de nous et qui fait que cette Samaritaine a reconnu le Christ, lorsqu’il s’est présentée à elle.
Conclusion
Une révolte… à laquelle Dieu répond par son Amour, par son cadeau, par son Esprit.
Une rencontre… qui nous permet d’identifier Jésus, qui nous permet d’être envoyés en mission. Nous recevons le don de Dieu pour qu’il déborde de nous et que nous soyons vraiment les témoins de sa gloire.
Lorsque l’on reprend, – et c’est ma conclusion –, le texte de la deuxième lecture, le texte de saint Paul aux Romains, il nous rappelle que nous sommes créés pour l’Amour, nous sommes créés pour la joie, nous sommes créés pour la tendresse pour le partage. Et que nous, moi, humain, je m’applique à laisser s’installer en moi divisions, haine, injustice… Et que je me retourne contre Dieu et je me révolte contre Lui. Et pourtant, malgré cela, l’Esprit saint m’est donné. ‘L’Esprit saint nous a été donné, il a répandu en nous l’Amour de Dieu’. Et nous n’étions capables de rien, nous n’avions pas mérité. Celui qui dit : ‘moi, je mérite l’Amour de Dieu’, eh bien.. ; Il se met le doigt dans l’œil… jusque-là ! Ce n’est pas possible. Dieu nous aime gratuitement et nous, nous sommes invités simplement à accueillir son Amour et le laisser agir, nous pétrir, nous changer, nous humidifier. Nous sommes une terre sèche, laissons-nous tremper par l’Amour de Dieu afin de porter du fruit.
Alors aujourd’hui, c’est l’appel que nous fait le Seigneur, que nous fait le psaume : ‘aujourd’hui, ne fermez pas votre cœur, mais écoutez la voix du Seigneur’. Il veut pour nous la vraie joie et le vrai bonheur. Il veut nous combler de son Esprit, de son Amour, de cette eau vive, qui fera de nous des sources jaillissantes.