Les titres sont ajoutés après retranscriptions ; c’est pourquoi le style reste oral).
I – Se réjouir, car la vengeance du Seigneur vient
Qu’ils se réjouissent ! Réjouissons-nous ! C’est ce que nous appelle à faire le prophète Isaïe. Et pourtant à son époque, on est dans les années 700 avant Jésus-Christ, à cette période, se réjouir, c’est pas forcément facile. Le Royaume du Nord, Israël, est en train de tomber aux mains de l’ennemi, le Sud est assiégé, Jérusalem encerclé… et le prophète dit : réjouissez-vous ! Les images qu’il porte sont assez fortes : désert et terre de la soif, réjouissez-vous. Et tout cela pourquoi, pourquoi cette joie ? Parce que le Seigneur vient ! C’est la vengeance de Dieu qui vient, la revanche du Seigneur.
Alors c’est un peu surprenant, car nous, quand on pense vengeance, on a pas tellement envie de se réjouir. Peut-être qu’il nous faut faire un pas dans le sens du prophète pour le comprendre : qu’est-ce qu’il veut nous dire ? Evidemment, l’homme quand il pense à Dieu, il a tendance à le voir comme un homme un peu plus costaud que les autres. Ca c’est le niveau de base, le premier niveau de la piété : Dieu est en réalité un surhomme. Et donc il fait bien mieux que nous, ce que nous aimerions faire. Et nous, nous aimerions nous venger, donc Dieu est forcément le plus grand des vengeurs.
En fait, l’histoire biblique est le récit des corrections que Dieu apporte à ces premiers sentiments. Il se révèle. Les prophètes vont utiliser les mots que tout un chacun utilise afin de les corriger. Et la vengeance de Dieu nous est présentée : « voici votre Dieu, ne craignez pas ». ‘C’est la vengeance qui vient, la revanche de Dieu, Il vient lui-même et va vous sauver’. Et ensuite, ‘les aveugles verront, les sourds entendront, le boiteux bondira comme un cerf, la bouche du muet criera de joie’. Finalement la vengeance de Dieu, c’est d’apporter du bien aux hommes. C’est en ceci que c’est une bonne nouvelle. Nous pouvons vraiment nous réjouir. La vengeance de Dieu, c’est de faire en sorte que son projet – qui est un projet d’amour, Dieu est Amour – s’accomplisse. Et s’accomplisse pour nous et par nous.
Si on reste sur ce thème, maintenant on va me dire… que Dieu se venge, donc il prend les mauvais et les détruit et les bons, il va les garder et les mettre en valeur… Mais le risque, c’est que nous même on ne fasse pas forcément partie du bon côté. Le Seigneur nous rassure et il nous dit que ce n’est pas là son but ; sa vengeance, il veut éteindre le mal, oui ; mais le mal… La frontière entre le bien et le mal, où passe-t-elle ? Elle passe au milieu de mon cœur. Et ce que veut Dieu, c’est chasser le mal de mon cœur. Ce n’est pas me faire disparaître. Il veut que son projet s’accomplisse en moi.
Voilà notre motif de joie. Comme nous n’arrivons pas à accomplir le projet de Dieu par nous-même, eh bien… Dieu vient l’accomplir en nous. Et Il y met toute son énergie, toute sa force. C’est pour cela que le prophète a gardé ce mot de vengeance, de revanche. Mais évidemment, ce n’est pas tout à fait une vengeance ou une revanche à la manière humaine. Le psaume nous le répète encore : « Le Seigneur protège l’étranger, il soutient la veuve et l’orphelin, le Seigneur ouvre les yeux des aveugles, Il aime les justes, Il donne le pain aux affamés, il délie les enchaînés… ».
II – Patienter, car le Seigneur vient
Alors, puisque le Seigneur vient et qu’il accomplit sa vengeance, – qui est d’établir le règne de paix et d’amour – : pourquoi est-ce que ça ne vient pas tout de suite ? C’est ce qu’on peut poser comme question au Seigneur ! Et c’est à cette question que veut répondre saint Jacques dans la deuxième lecture : « en attendant la venue du Seigneur, prenez patience ». Le Seigneur est comme un cultivateur, qui plante, qui attend que ça grandisse, et qui quand ça aura grandi, pourra récolter. Si la vengeance de Dieu était violente, si l’accomplissement du projet de Dieu était violent, soudain, immédiat, tout de suite… Peut-être que nous-mêmes aurions du mal à être récolté du bon côté. Nous n’aurions peut-être qu’une paille à mettre au feu. Alors le Seigneur prend son temps pour venir afin qu’en nous, ce qu’il plante, puisse grandir et croître. Notre premier boulot, et notre seul travail, sera d’accueillir ce que Dieu veut implanter dans nos cœurs. Son Amour, bien évidemment, sa Parole, sa Vie… afin qu’elle déborde de nous.
« Alors frères, dit saint Jacques, prenez pour modèle d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur ». Eh bien, justement, Isaïe est le prophète, il a prêché, il a prêché et rien ne s’accomplissait. Il leur disait : ‘convertissez-vous’. Et le peuple ne se convertissait pas. Mais pourtant le projet de Dieu avançait. Le projet de Dieu s’accomplissait discrètement, comme une source qui vient rafraîchir un désert et que l’on ne voit pas dans un premier temps.
Réjouissons-nous ! Le Seigneur vient ! Réjouissons-nous avec patience, car Il vient, mais à notre rythme. Il prend notre rythme, notre pas.
III- Reconnaitre et accueillir le Seigneur qui vient
Et voilà, Il est venu. Le messie est annoncé. Jean-Baptiste l’a reconnu. Il l’a baptisé. Il l’a montré du doigt… C’est lui Jésus, le messie que nous attendons. Et voilà que Jean est en prison et que Jésus ne fait pas tout à fait ce que l’on attend d’un messie. Le messie pour un juif, c’est d’abord un roi ; et comme roi, Jésus… il a pas de beaux vêtements, il a pas de serviteurs, il a pas de palais il a pas… Pour un Juif, le Messie est un prêtre et Jésus ne va pas au temple, il ne sacrifie rien. Il est fils de charpentier. Il a même pas un endroit pour poser sa tête. Pour les Juifs, le messie qui vient est un prophète, avec une parole forte, puissante. Alors ça déjà un petit peu plus… Pour les Juifs, le messie qui vient est un vengeur. C’est un vainqueur, un chef de guerre et tout cela Jésus ne l’est pas. Et les Juifs ont raison : quand ils pensent cela, ils s’appuient sur les écritures.
Alors Jean, un peu perdu, envoie ses disciples auprès de Jésus… ‘Es-tu vraiment le messie, celui qu’on attend ?’ Et Jésus répond. Il ne répond pas en donnant ses titres. Mais il répond en disant ce qu’il fait, en témoignant, en envoyant des témoins. ‘Voyez, écoutez, voyez ce qui se passe et allez dire à Jean ce qui s’accomplit’. Oui, c’est bien la vengeance de Dieu qui s’accomplit. C’est bien la revanche de Dieu. ‘Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent et les pauvres reçoivent la Bonne nouvelle’. L’action de Dieu s’accomplit.
Nous aussi, peut-être de temps en temps, regardons notre monde et nous disons : ‘Seigneur, qu’est-ce que tu fais ? Regarde toute la violence, toute cette haine, tous ces combats, tous ces attentats, tous ces assassinats, tous ces motifs de disputes… et pas besoin d’aller chercher bien loin. Regarde la relation que j’ai avec mes enfants, avec mon frère et ma sœur, avec mes parents… Tout cela, n’est-ce pas parce que tu ne fais rien ? Qu’en est-il ?’ Peut-être qu’on peut… On peut d’ailleurs crier vers le Seigneur comme cela. Mais on peut être certains que le Seigneur dit : ‘prends patience et accueille moi dans ta vie. C’est comme cela que s’accomplira ma revanche, que s’accomplira ma vengeance. Je veux vivre en toi afin de chasser tout le mal et que toi, tu sois un foyer d’amour’.
Alors notre prière aujourd’hui, c’est qu’en recevant Jésus dans l’Eucharistie, nous soyons vraiment un foyer d’Amour, un témoin de l’Amour de Dieu. Que nous vivions en fait ce pour quoi nous sommes faits, et c’est à ce moment-là que nous toucherons à la vraie joie.
Abbé Gaël de Breuvand