(Les titres sont ajoutés après retranscription ; le style reste donc très oral).
Depuis des milliers d’années la terre attendait un sauveur, le peuple attendait son sauveur, et il priait Dieu afin que ce messie advienne… et vienne nous sauver. C’est d’ailleurs toujours la prière chrétienne. Et de ce salut nous fêtons aujourd’hui le premier et le plus beau fruit que la terre pouvait porter. Et ce fruit, c’est Marie, Immaculée Conception.
I – la chute et la prédestination à la sainteté
C’est intéressant de voir que la première lecture, met le doigt, d’abord, sur ce qui n’est pas immaculé. Du tout, au contraire ! Le premier péché… Cette première fois où l’homme se dit : ‘ouais, non, ce que me dit Dieu c’est pas très intéressant. Je préfère faire par mes propres moyens. Je compte sur mes propres forces, je veux devenir comme Dieu et donc je veux prendre sa place’. C’est cela le péché du fruit défendu. C’est quand je me sers à ma manière plutôt que de suivre la manière de Dieu. Et on voit les conséquences : ‘j’ai entendu ta voix dans le jardin alors j’ai eu peur’. La relation avec Dieu est coupée. Ensuite : ‘aurais-tu mangé du fruit ? – Ah, c’est la femme qui m’a fait manger du fruit’. La relation entre l’homme et la femme est blessée, abîmée. Et on se tourne vers la femme, et la femme dit : ‘ah, non, c’est le serpent !’. Le serpent… voilà ! La relation avec la création toute entière est blessée.
Et c’est bien ce que l’on constate. Regardons autour de nous. Regardons notre propre cœur… les difficultés que l’on a à établir une relation sereine, saine avec notre Dieu, difficultés que l’on a à établir des relations sereines entre nous. Et ne parlons pas des relations entre hommes et femmes. Et encore d’une relation saine avec la création. C’est difficile, et dû à ce péché qui en est la cause… C’est ce péché.
Dans ce texte, on a quand même un grand moment d’espoir, dans ce passage du livre de la Genèse. Au tout début, le Seigneur Dieu l’appela et lui dit : ‘où es-tu ?‘. En fait, cette question que pose Dieu, il la pose au commencement et Il la pose encore aujourd’hui. C’est Lui qui vient nous chercher : ‘où es-tu ? Je te cherche… Je veux te trouver. Où es-tu ?’. Que répondrons-nous ?
Alors, nous, tout seul, on a un peu de mal à répondre. Dieu ne s’est pas laissé démonter… et il a décidé de venir nous chercher. Et il a envoyé son fils, Jésus. Il est le sauveur. Il est celui qui vient nous chercher et qui nous dit encore et encore : ‘où es-tu ? – Je suis là. Je viens pour toi’.
C’est ce que dit la Lettre aux Ephésiens. ‘Béni sois Dieu le père de notre Seigneur Jésus-Christ. Il nous a comblés de bénédictions de l’Esprit au ciel dans la Christ’. Il nous a choisis. Il nous appelle par le Christ. Il veut que nous soyons ses fils adoptifs. Nous sommes prédestinés à être ses amis. Parce qu’il n’y a qu’une sorte de prédestination : c’est celle à la sainteté. Dieu veut que nous soyons saints. Dieu veut que nous soyons dans la joie avec lui.
II – Accueillir le Salut de Dieu
Et la première sur le chemin, la première même à être arrivée : c’est Marie. Marie, elle est, – comme chacun de nous d’ailleurs –, elle est dans la pensée de Dieu, dans le projet de Dieu depuis toute éternité. Et le Salut que Jésus apporte à chacun, lui a été donné à elle, à Marie, par anticipation. En fait, Jésus, par sa croix, par sa résurrection, nous sauve et il nous donne un fruit, le fruit du salut, c’est d’être libéré du péché. Eh bien Marie en profite avant même que Jésus ne meure et ressuscite. Parce que quand c’est Dieu, le temps, c’est une créature. ‘Rien n’est impossible à Dieu’, dit l’ange. Et donc Marie se retrouve immaculée, c’est-à-dire que dès la première seconde de son existence, elle n’a pas cette blessure, cette tentation, cette « concupiscence » dit-on, ce penchant vers le péché. Et du coup elle reste libre. Moi, quand je vois du chocolat, j’ai tendance à en prendre trop. Elle, non ! Quelle chance elle a ! Et du coup elle peut poser ses choix toujours en pleine liberté et quand Dieu vient lui proposer d’être la mère de son fils, elle peut répondre en vérité et en engageant tout son être, sans rien retenir. C’est un cadeau que Dieu lui a fait et en fait, qu’Il nous fait aussi. Mais pour nous, cela vient par étape. Nous sommes aussi invités à entrer dans ce oui de Marie. Marie l’a posé, elle était préparée pour cela ; nous sommes invités à le poser chaque jour un peu plus et à nous préparer pour cela de telle sorte qu’au dernier jour nous puissions dire ‘oui, Seigneur, je viens’.
Nous sommes réunis pour fêter Marie. Parce que Marie, non seulement elle est la première, elle est la meilleure d’entre nous, elle est aussi et c’est ce que dit le concile Vatican II dans le chapitre 8 de Lumen Gentium, elle est aussi le modèle de l’Église. En fait, quand on la regarde, on voit l’Église tout entière. L’Église Sainte, sauvée par Jésus. Alors on pourrait se dire : oui quand je regarde l’Église que nous sommes, là, et en particulier par-là, je ne vois pas tout à fait cela. Oui, parce que la limite de l’Église en réalité, elle est dans mon cœur. Il y a une partie qui est sainte et une partie qui ne l’est pas encore. Et je suis invité par le Christ à laisser tout le reste entre ses mains, et à être pleinement comme Marie. En fait, c’est cela qui est étonnant et on a parfois un peu de mal à s’en souvenir… On a une petite tendance à être janséniste ou à être arien… en tout cas à penser que pour être sauvé, cela repose d’abord sur moi. Eh non ! Marie est là pour nous le prouver. Marie n’a rien mérité. Elle s’est juste laissée faire par Dieu. Et nous, il faut que l’on fasse pareil. Et du coup, faut lâcher prise. Et cela est un peu difficile, on n’aime pas bien lâcher prise. Et l’Église, elle est sainte, pour autant qu’elle lâche prise ! Donc à nous de lâcher prise.
III – Faire mémoire des merveilles de Dieu dans ma vie
Et le dernier mot, le dernier mot de Marie : ‘voici la servante du Seigneur, que tout m’advienne selon ta parole et le dernier mot de cet évangile : ‘et l’ange la quitta’. C’est une parole dure en fait, car elle vient de recevoir un cadeau énorme, elle vient de recevoir l’ange – c’est une expérience spirituelle forte, on va dire cela comme ça – et l’ange s’en va, la lumière s’éteint. Et là, il va lui falloir faire, comme chacun de nous en fait… Il va falloir qu’elle se souvienne, qu’elle fasse mémoire de cette rencontre. Et quand elle verra son bébé de six mois qui pleure et qui fait dans sa couche, il va falloir qu’elle se souvienne que c’est le Fils de Dieu. Et quand il aura trois ans et qu’Il se cassera la figure, il faudra qu’elle se souvienne qu’Il est le fils de Dieu, qu’elle se souvienne de ce moment où l’ange est venu lui parler, où Dieu est venu la toucher.
Nous aussi on peut faire pareil en fait, car nous tous, il y a un moment ou un autre où Dieu est venu nous toucher. Faisons mémoire de ce moment, rappelons- nous de ce moment, rappelons-le à notre mémoire et rendons grâce pour cela.
Abbé Gaël de Breuvand